Initiative Al Moutmir : débat autour de la salinité des sols et de la teneur en bore
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La salinité des sols agricoles et de l’eau d’irrigation, mais aussi les problèmes techniques de la teneur en bore ont cristallisé les discussions lors de la tenue d’une rencontre organisée par les responsables de l’initiative Al Moutmir, mardi dernier à Agadir. La question de l’eau, et notamment l’utilisation rationnelle des ressources hydriques dans l’activité agricole et la préservation des sols agricoles, ont été identifiés comme des enjeux majeurs.
Réduction de la salinité des sols agricoles, traitement de celle des eaux saumâtres et dessalées, optimisation du coût de l’eau d’irrigation avec le recours à l’eau dessalée, atténuation de la pression sur les nappes phréatiques… Autant de questions qui ont été soulevées lors de la rencontre initiée par le programme Al Moutmir, mardi dernier à Agadir, dans le cadre d’une rencontre dédiée à la gestion durable des ressources hydriques et aux stratégies à déployer pour une agriculture résiliente, dans un contexte de sécheresse.
Pour rappel, l’agriculture représente quelque 70% de tous les prélèvements d’eau douce dans le monde. De ce fait, les pénuries d’eau et les problèmes de qualité de cette ressource vitale menacent de plus en plus les systèmes alimentaires dans le monde. Le Maroc n’est pas épargné, le manque d’eau ayant une incidence sur presque tous les aspects du développement socioéconomique du pays.
C’est la raison pour laquelle le Royaume recours de plus en plus aux ressources hydriques non conventionnelles, notamment le dessalement de l’eau de mer. Il est prévu, dans ce sens, de porter la capacité de production de l’eau dessalée à plus de 1,7 MMm3/an à l’horizon 2030. Il ressort cependant des données d’Al Moutmir, que l’usage du dessalement de l’eau à des fins d’irrigation agricole demeure encore faible.
Rappelons que l’initiative Al Moutmir mobilise le ministère de l’Agriculture, l’UM6P, et le groupe OCP pour mieux accompagner les paysans et surtout les petits agriculteurs en misant sur l’innovation.
Eau dessalée pour l’irrigation : le Maroc couvre 15% de ses besoins
En chiffres, l’Espagne qui détient 765 stations de dessalement d’eau de mer, a atteint un taux d’usage oscillant entre 20% et 25% alors que cette part, selon les calculs effectués par le professeur Rachid Bouabid, enseignant-chercheur à l’ENA de Meknès, est d’environ 15% au Maroc.
Le Royaume a entamé un programme de développement des unités de dessalement de l’eau de mer dans le cadre de partenariats public-privé, notamment à des fins d’irrigation agricole. La rencontre d’Agadir, qui a réuni plus d’une cinquantaine de participants (agriculteurs, coopératives, chercheurs, agronomes, enseignants, industriels, institutionnels et startups), a mis l’accent sur la salinité des sols agricoles qui résulte de l’accumulation excessive de sels minéraux solubles dans le sol, avec des implications sur la fertilité, la stabilité, la biodiversité et les rendements des cultures. Au total, près de 500.000 hectares sont concernés par cette problématique au Maroc.
«Grâce à l’eau dessalée, la production a été maintenue au niveau du périmètre de Chtouka, connu pour ses cultures primeuristes qui demandent une importante quantité d’eau sachant que la salinité est élevée», explique Aziz Abouabdillah, enseignant-chercheur à l’ENA de Meknès qui a présenté les nouvelles approches de pilotage d’irrigation à la parcelle, notamment les nouvelles technologies et la digitalisation.
«Le Maroc a atteint 1,5 million de terres irriguées contre 150.000 ha auparavant, ce qui a exercé une pression sur les ressources hydriques, notamment les nappes phréatiques. Il s’en est suivi la nécessité de gérer l’eau agricole d’une façon efficiente et durable, surtout avec le développement du dessalement», a souligné Mohamed Hakim Kharrou, professeur à l’UM6P et à l’institut de recherche sur l’eau (IWRI), qui a présenté l’apport des travaux sur l’expérimentation, la modélisation ainsi que sur la télédétection spatiale et les capteurs.
Cinq rencontres en 2024
Dans le cadre de cette rencontre marquée par la constitution de groupes de réflexion et la restitution des discussions des sous-groupes, des recommandations ont été partagées avec le public au niveau d’une plateforme dédiée et des réseaux sociaux.
En 2024, cinq rencontres de ce type ont été initiées autour de l’agriculture de conservation, les femmes rurales, l’olivier, les céréales et l’eau. C’est en 2024, dans le cadre de la dynamique de co-construction de savoir dans le domaine agricole, pilier phare de la stratégie d’Al Moutmir, que l’initiative «Al Moutmir communities of practice» a été lancée. Les communautés de pratique sont constituées de groupes d’individus qui partagent leurs intérêts et leurs problèmes sur un thème en particulier et qui approfondissent leur degré de savoir et d’expertise sur ledit thème en interagissant sur une base régulière.
Al Moutmir a initié ces communautés en partenariat avec les agriculteurs accompagnés et les partenaires de l’initiative aux niveaux national et international. Le but est de promouvoir le partage et l’échange de connaissances et expériences dans un cadre favorisant le développement de nouvelles approches de résolution des challenges de l’agriculture dans notre continent.
La première rencontre de la «Communauté de pratique de l’agriculture de conservation» s’est tenue le 16 avril 2024, à UM6P de Benguerir. Elle a connu la participation d’une communauté diversifiée comprenant agriculteurs, chercheurs, agronomes, industriels, coopératives et associations ainsi que différents intervenants agissant dans le domaine de l’agriculture de conservation au Maroc et en niveau de notre continent.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO