Immobilier/VEFA : La nouvelle loi montre déjà ses limites
Avocats, notaires et futurs acquéreurs estiment que la nouvelle version de la loi sur la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) n’a pas atteint son objectif initial, à savoir mettre en place un cadre protégeant équitablement les parties. Les promoteurs estiment en revanche que des garanties importantes ont été accordées aux acquéreurs. Manque de clarté et vides juridiques pointés du doigt par les experts.
À peine trois mois après sa promulgation intervenue le 18 février dernier, la nouvelle loi sur la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) semble déjà obsolète du point de vue des experts des transactions immobilières du moins. En d’autres termes, avocats, notaires et futurs acquéreurs estiment que la nouvelle version de la loi n’a pas réussi à atteindre son objectif initial, à savoir mettre en place un cadre protégeant les parties, notamment les acquéreurs de biens immobiliers, et surtout que les mesures prévues dans ce cadre soient efficacement et simplement applicables. En revanche, les promoteurs immobiliers, sans pour autant porter de jugement de valeur sur ladite loi, semblent satisfaits du rapport de force qu’elle confirme. C’est en somme l’état d’esprit des différents experts qui ont prit part en fin de semaine dernière à une rencontre dédiée à la question, en tentant de répondre à la question, «à qui profite la nouvelle loi sur la VEFA»?
Cacophonie
D’emblée, elle ne profiterait pas, comme l’esprit initial le voulait, au consommateur acquéreur d’un bien immobilier. «La loi sur la VEFA réglemente une relation très particulière. Par essence, elle est censée protéger l’acquéreur, partie faible du contrat. Or, elle n’a été appliquée que très rarement. En fait, elle profite aux avocats, puisque d’après mon observation, elle a causé plus de problèmes qu’elle n’en a résolu», estime sans détours Fatim Zahra Mounji, notaire spécialisée dans l’immobilier. Aussi, de l’avis général des participants à la rencontre, très peu de professionnels l’ont assimilé, ce qui laisse planer un sérieux doute sur son applicabilité.
Pire encore, dans la formulation même de la loi, il y aurait des flous importants et même des lectures possibles qui se révèlent contradictoires. «Le contenu de la loi n’est pas clairement ficelé. Du coup, il y a des cas où même les juges donnent des avis contradictoires en se basant sur le même texte, ce qui fait qu’il y a une cacophonie générale qui s’installe», déplore maître Younes Anibar, avocat spécialiste du secteur immobilier. «L’équilibre entre les parties n’a pas été garanti par la loi. Pire, nous sommes aujourd’hui confrontés au renforcement de la suprématie contractuelle des promoteurs», estime l’avocat.
Or initialement, la nouvelle loi vise à surmonter plusieurs contraintes ayant entravé la mise en application de la loi 44-00 malgré son entrée en vigueur il y a plus de dix ans, avec comme objectif de promouvoir l’accès au logement à une large frange de la société à travers les facilités de paiement et une protection juridique garantissant ce genre de transactions. Seulement voilà, la nouvelle version semble souffrir d’autant d’entrave que celle qui l’a précédé.
Parmi les nouveautés introduites par cette loi figurent notamment l’annulation des contrats de vente VEFA, qui ne respectent pas les dispositions de cette loi en vue de lutter contre certaines pratiques qui entâchent ce type de transactions, précisant que l’acquéreur bénéficie aussi de la «garantie d’achèvement des travaux», qui permet d’assurer ses droits en cas de non aboutissement du projet en raison d’une faillite ou une quelconque défaillance du côté du promoteur, mais sur ce point là, les acteurs du marché baignent encore dans le flou. «La loi n’est pas du tout claire sur le cas des promoteurs défaillants. Quid des avances et des pénalités ? Comment récupérer les indemnités et les cautions?», s’interroge maître Anibar.
Déséquilibre
De leurs côté, les promoteurs immobiliers mettent l’accent sur les protections que la nouvelle loi garantit aux acquéreurs. «Il est vrai que pour le moment nous ne savons pas encore à qui profite la loi, mais déjà, certaines garanties impactent directement les promoteurs. L’on peut citer le droit de désistement pendant un mois après la signature du contrat, les contraintes sur les délais de livraison ou encore la caution obligatoire auprès des banques pour garantir l’avance», souligne Mohamed Iqbal Kettani, directeur délégué de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. «Il est primordial de trouver un équilibre entre acquéreurs et promoteurs», insiste-t-il.
Du coup, une chose est sûre : cet équilibre recherché entre les parties du contrat, compte tenu du rapport de force intrinsèque entre elles, n’a pas été atteint par cette dernière version de la loi encadrant la VEFA. Rien que pour cette raison, l’on peut avancer sans prendre de risque et selon les avis majoritaires des experts en la matière, que le nouveau texte n’a pas atteint ses objectifs. Pourtant, le législateur disposait des retours d’expérience relatifs à la précédente loi, qui était jugée à l’unanimité inapplicable. Or il semble que la nouvelle mouture souffre également, dans une moindre mesure peut-être, de ces difficultés d’applicabilité et de clarté. Chose qui pose la question de savoir comment remédier à ce malaise qui se profile entre promoteurs et acquéreurs. En d’autres termes, comment clarifier la loi et verrouiller ses dispositions ? La question reste entière et semble bien partie pour alimenter les divergences entre les protagonistes.