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Idriss Lingé : “Faciliter le transfert de technologie grâce au financement climatique”

L’Afrique contribue avec une petite fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre mais est disproportionnellement affectée par les impacts du changement climatique. Pour Idriss Lingé, rédacteur en chef de l’Agence Ecofin, cette donne doit changer, grâce au financement de la recherche climatique en Afrique.  

Que perd-on à ne pas financer la recherche climat sur l’Afrique, et surtout, que gagnerait-on à le faire aujourd’hui ?
Le financement de la recherche sur le changement climatique en Afrique est une étape cruciale pour répondre aux défis et opportunités uniques que le continent rencontre en relation avec le changement climatique. Voici quelques points clés à considérer en ce qui concerne le financement de la recherche sur le changement climatique en Afrique.

Tout d’abord, la compréhension accrue : les impacts du changement climatique en Afrique sont divers et affectent plusieurs secteurs, tels que l’agriculture, les ressources en eau, l’énergie et la santé. Le financement de projets de recherche peut améliorer notre compréhension des vulnérabilités spécifiques, des impacts et des stratégies d’adaptation nécessaires pour différentes régions en Afrique.

Ensuite, les solutions locales : investir dans la recherche dirigée par des Africains assure que les solutions développées sont spécifiques au contexte, culturellement appropriées et alignées sur les besoins des communautés locales. Les chercheurs locaux possèdent des connaissances et des perspectives précieuses sur la région, qui peuvent contribuer à des stratégies d’adaptation et d’atténuation efficaces.

Les sujets de recherche climatique ciblant le continent sont sous-financés. Comment expliquez-vous cela ?
Des statistiques ont été publiées sur une base de données de subventions de recherche s’élevant à 1,51 trillion de dollars américains provenant de 521 organisations à travers le monde, couvrant tous les domaines de recherche de 1990 à 2020. Les résultats révèlent qu’au maximum, seulement 3,8% du financement mondial pour la recherche sur le changement climatique est consacré à des sujets africains.

Ce pourcentage n’est pas proportionnel à la part de l’Afrique dans la population mondiale et à sa vulnérabilité au changement climatique. De plus, la distribution du financement est géographiquement biaisée. Les institutions basées en Europe et en Amérique du Nord ont reçu 78% du financement pour la recherche climatique sur l’Afrique, tandis que les institutions africaines n’ont reçu que 14,5%.

En termes de distribution thématique, la recherche sur l’atténuation du climat n’a reçu que 17% du financement, tandis que les impacts du climat et l’adaptation ont chacun reçu environ 40%. Le financement a également montré un biais colonial, la recherche sur les anciennes colonies britanniques recevant plus de soutien que les autres pays africains, à l’exception de l’Égypte et du Nigeria.

Selon des données de la Banque mondiale, le continent africain accorde très peu de ressources au financement de la recherche et développement. Comment évoluent les choses réellement ?
Il y a deux principes essentiels à faire valoir. D’abord, il s’agit d’adresser les inégalités mondiales : l’Afrique contribue avec une petite fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais est disproportionnellement affectée par les impacts du changement climatique. Ce déséquilibre est une forme d’iniquité mondiale. Les économies développées, qui ont historiquement contribué davantage aux émissions mondiales, ont une responsabilité morale et éthique d’aider à résoudre ces inégalités.

L’autre principe essentiel consiste à respecter les engagements internationaux : l’Accord de Copenhague de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) engage les pays développés à fournir des ressources financières pour soutenir les efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique dans les pays en développement. En finançant la recherche sur le climat en Afrique, les économies développées peuvent respecter ces engagements internationaux.

Quels sont les autres points clés et essentiels ?
Il y a le renforcement des capacités : le financement peut être alloué à des initiatives de renforcement des capacités, y compris des bourses d’études, des programmes de formation et des partenariats de recherche. Cela aide les scientifiques et les institutions africaines à améliorer leur expertise, à accéder à des technologies de pointe et à construire de solides réseaux de recherche, favorisant la durabilité à long terme et l’indépendance dans la lutte contre le changement climatique. De même, le développement des politiques : les résultats de la recherche peuvent informer l’élaboration de politiques basées sur des preuves.

En soutenant la recherche en Afrique, les bailleurs de fonds peuvent contribuer au développement de politiques, de réglementations et de plans d’action climatiques robustes qui s’alignent sur les circonstances et les priorités uniques du continent. Je citerais également le transfert de technologie : le financement de la recherche sur le changement climatique peut faciliter le transfert de technologies appropriées aux pays africains. Cela comprend des solutions d’énergie renouvelable, des pratiques d’agriculture durable et des infrastructures résilientes au climat. Investir dans la recherche peut aider à identifier et à adapter les technologies appropriées pour les contextes locaux.

Et on imagine que ce n’est pas tout ?
Bien évidemment. Il y a le point relatif à la collaboration et partage des connaissances : le financement peut promouvoir la collaboration entre les chercheurs africains, les institutions et les partenaires internationaux. Le partage des connaissances, des données et des expériences à travers les frontières facilite une réponse collective au changement climatique, favorise l’innovation et évite de dupliquer les efforts. Un autre point essentiel que l’on a tendance à oublier, c’est l’engagement communautaire : l’engagement des communautés locales dans les activités de recherche est essentiel.

Le financement peut soutenir des approches de recherche participatives, garantissant que les perspectives et les connaissances des communautés affectées sont intégrées dans les processus de prise de décision et les solutions.

Enfin, il y a les mécanismes de financement : divers mécanismes de financement existent pour soutenir la recherche sur le changement climatique en Afrique. Ceux-ci incluent les subventions gouvernementales, le financement des donateurs internationaux, les fondations privées et les partenariats avec des institutions de recherche et des organisations. L’exploitation des mécanismes de financement existants et l’exploration d’approches innovantes peuvent augmenter la disponibilité des ressources pour les initiatives de recherche.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO



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