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Gestion d’actifs : le dépositaire, acteur clé pour le développement des fonds alternatifs (VIDEO)

À mesure que les fonds alternatifs s’imposent comme des instruments légitimes de financement de l’économie, leur essor suscite des interrogations sur la crédibilité du cadre de régulation et de contrôle qui les encadre. CDG Capital s’est saisie de cette exigence en publiant une note doctrinale sur les enjeux réglementaires et pratiques appelés à faire de ces véhicules des leviers de soutien à l’économie réelle.

L’époque où les organismes de placement se contentaient de faire fructifier un portefeuille est révolue. À la faveur de la montée en puissance des fonds alternatifs, la logique patrimoniale, longtemps dominante chez les investisseurs institutionnels, cède progressivement le pas à d’autres critères. Il faut dire que la traçabilité des flux et la conformité aux normes priment désormais sur la seule performance financière.

Ce glissement, observé dans le comportement des acteurs, est le fruit d’une série de réflexions menées en marge d’une conférence où acteurs publics et privés, réunis à l’initiative de CDG Capital, appellent à repenser de fond en comble l’architecture fiduciaire des fonds alternatifs.

Dans cette perspective, et à mesure que ces derniers s’imposent comme des instruments légitimes de financement de l’économie, le dépositaire est appelé à jouer un rôle cardinal. Il ne se contente plus d’assurer une fonction de garde.

«Le dépositaire est désormais un acteur clé de l’écosystème, garant de la bonne gouvernance des fonds, de la sécurité des actifs et de la protection des investisseurs», souligne Khalid Safir, directeur général de la CDG.

À ses yeux, la montée en puissance des fonds alternatifs impose une exigence de rigueur, de transparence – des attributs que le dépositaire est aujourd’hui tenu d’incarner.

L’émergence des fonds alternatifs
Si les OPCVM dominent toujours la scène de la gestion collective au Maroc, l’écosystème financier se transforme sous l’effet de la montée en puissance des fonds alternatifs. Capital-investissement, OPCI, titrisation… Ces véhicules, dits non traditionnels, répondent à des besoins spécifiques. Leur montée en charge est appelée à s’accélérer avec l’entrée en scène du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement.

«Nous sommes à la veille de l’injection de près de plusieurs milliards de dirhams dans l’économie marocaine. Ces montants viendront soutenir les entreprises à tous les stades de développement, des PME aux grandes structures», précise Hassan Laaziri, président de l’AMIC.

L’heure n’est plus aux ajustements marginaux. Le capital patient, qui finance les infrastructures, le numérique ou la santé, exige des circuits fiables, fluides, et surtout régulés. Dans cet environnement, les fonds alternatifs offrent des réponses adaptées puisqu’ils permettent, à en croire les spécialistes, de diversifier les canaux de financement, de fluidifier l’allocation de capital et de donner aux investisseurs institutionnels un accès élargi à des classes d’actifs moins conventionnelles. Encore faut-il que les mécanismes de contrôle suivent. C’est là qu’intervient la figure du dépositaire comme acteur de confiance. Historiquement cantonné à la conservation d’actifs, son rôle tend désormais à s’affirmer comme vecteur de transparence et de crédibilité.

«Le dépositaire ne détient pas la pierre, mais la vérité patrimoniale de l’OPCI. Il garantit la conformité, sécurise les actifs et veille à ce que chaque opération respecte strictement les règles établies», analyse Nourredine Tahiri, directeur général d’Ajar Invest.

Le dépositaire, pilier de la gouvernance
En ce sens, le dépositaire veille à la bonne exécution des ordres, contrôle la régularité des décisions de la société de gestion et assure la vérification des inventaires, des flux de liquidité et du respect des ratios prudentiels.

Ce rôle devient d’autant plus critique que les actifs concernés ne se limitent plus à des titres liquides cotés, mais englobent désormais actions non cotées, immeubles, créances ou parts de sociétés à prépondérance immobilière. Leur conservation ne repose plus uniquement sur un compte-titres, mais sur une traçabilité complète, intégrée à un registre certifié et régulièrement contrôlé. Le dépositaire devient alors le garant ultime de l’existence juridique de l’actif dans le fonds.

«La mission du dépositaire s’est complexifiée avec les fonds alternatifs. Il ne s’agit plus seulement de détenir les actifs, mais de suivre en continu les opérations, de valider leur conformité, et de rassurer les investisseurs», souligne Adel El Aroussi, directeur du Pôle services aux investisseurs chez CDG Capital.

Cette transformation ne relève pas d’un simple ajustement technique. Elle implique un repositionnement stratégique du dépositaire dans la chaîne de valeur. L’enjeu consiste ainsi à bâtir une gouvernance fiable, à même d’inspirer confiance aux investisseurs en période de forte turbulence.

Vigilance renforcée
Dans une note publiée en marge de la conférence, CDG Capital plaide pour une redéfinition ambitieuse du rôle du dépositaire, à la hauteur des mutations en cours. Cette réflexion, partagée par plusieurs acteurs du secteur, met en lumière les tensions croissantes entre l’essor des fonds alternatifs et la capacité des structures actuelles à en garantir le bon fonctionnement.

À mesure que ces véhicules gagnent en complexité et en volume, les attentes évoluent. Les sociétés de gestion ne se satisfont plus d’un contrôle formel ou postérieur : elles aspirent à un partenaire proactif, impliqué dès l’amont dans la chaîne de sécurisation.

«Le dépositaire est le représentant ultime de l’investisseur. À ce titre, il pourrait demain être amené à publier des rapports adressés directement aux porteurs de parts», projette Chakib El Mezouari, président de l’AGFT.

Une telle évolution signifierait un changement profond dans la gouvernance des fonds, où le dépositaire est amené à jouer un rôle de «conseiller indépendant». Mais pour remplir ce rôle, encore faut-il en avoir les moyens, et ce, au regard des capacités opérationnelles jugées insuffisantes pour répondre à la complexité croissante des produits.

«Il faut le dire clairement. Une banque ne peut plus assurer seule ce rôle sans y consacrer d’importantes ressources. Ce métier est capitalistique, exigeant en compétences, et appelle à une consolidation du secteur autour de quelques acteurs robustes», avertit El Mezouari.

Cette concentration est perçue comme un préalable à la professionnalisation du métier, un moyen de créer des plateformes capables d’intégrer les fonctions de contrôle et de reporting. Le régulateur, de son côté, hausse le ton. «Le dépositaire n’est plus un simple exécutant. Il est la deuxième ligne de défense du système, avec un pouvoir légal de blocage en cas d’irrégularité», insiste Omar Mzioud, chef de département à l’AMMC.

Vers une montée en gamme opérationnelle
Dans le prolongement de cette réflexion, la note de CDG Capital souligne également les conditions pratiques à réunir pour accompagner la mutation du rôle du dépositaire. Face à la montée des exigences, plusieurs pistes d’amélioration émergent. La première repose sur l’industrialisation des process. La gestion des flux complexes, la tenue de registres multi-actifs et la consolidation des reporting nécessitent désormais des outils digitaux adaptés. L’intégration de plateformes collaboratives entre gestionnaires, dépositaires et autorités de tutelle est perçue comme un levier prioritaire.

«Nous devons bâtir des outils digitaux partagés pour fluidifier le traitement des opérations et améliorer la transparence. L’objectif est clair : instaurer un suivi en temps réel, documenté, sécurisé et accessible», recommande Adel El Aroussi.

Parallèlement, la clarification du rôle de chaque intervenant devient cruciale. Dans cette chaîne à forte interdépendance – société de gestion, dépositaire, évaluateur, commissaire aux comptes – la moindre faille dans l’articulation opérationnelle peut compromettre la fiabilité du produit. Du point de vue des autorités, un renforcement des compétences s’impose également.

«Nous attendons des dépositaires qu’ils affirment leur leadership, renforcent la qualité de leurs équipes et contribuent activement à l’édification d’un marché fondé sur la confiance», précise Omar Mzioud.

Une manière de rappeler qu’au moment où l’ingénierie financière gagne en efficacité, le dépositaire ne peut plus se limiter à un rôle périphérique.

Khalid Safir
Directeur général de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG)

«Les fonds alternatifs prennent leur place dans l’architecture financière non comme des instruments marginaux, mais comme des vecteurs d’innovation et de soutien à l’économie réelle. Leur développement exige un cadre à la fois souple et rigoureux, capable d’inspirer confiance tout en répondant aux besoins d’une finance plus diversifiée.»

Fonds alternatifs: une chaîne opérationnelle à moderniser

La note doctrinale émise par CDG Capital attire l’attention sur deux fonctions clés du dépositaire encore trop peu consolidées : la conservation juridique des actifs et la tenue du registre des porteurs. Ces maillons techniques, bien qu’essentiels à la fiabilité du système, demeurent sous-développés.

En cause : une absence de protocoles automatisés, des outils numériques non mutualisés, et un traitement encore largement manuel des données sensibles. Ce manque d’automatisation affaiblit la capacité des dépositaires à garantir la traçabilité, la transparence et la réactivité attendues dans un marché en quête de maturité.

La profession plaide pour une standardisation des flux et une interopérabilité accrue entre les systèmes, afin d’ancrer durablement la confiance des investisseurs institutionnels.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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