Entreprise. Ces maux qui plombent le capital au Maroc

L’entreprise marocaine continue d’être en proie à des difficultés structurelles, malgré l’amélioration de certains indicateurs, dont celui du Doing Business. Dans son dernier spécial sur «Les enjeux et les risques des entreprises marocaines», le Centre marocain de conjoncture (CMC), en a dressé le topo. Il n’est pas très différent de celui établi par le wali de Bank Al-Maghrib dans son rapport annuel 2018 présenté, il y a quelques jours, devant le souverain.
Bon point dans le Doing Business, mais…
Le CMC commence par un point positif. Le pays a fait un bond en avant, gagnant 9 places dans le classement Doing Business de la Banque mondiale. Il est passé de la 69e à la 60e, une année auparavant. Mais comparé à la Turquie qui a gagné 17 rangs pour se placer à la 43e place du classement, le Maroc peut mieux faire. C’est d’autant plus crucial que le Doing Business est un facteur essentiel pour améliorer la visibilité du royaume sur les radars des investisseurs étrangers. Souvent, la courbe des IDE suit celle du Doing Business, entre autres indicateurs importants, comme la stabilité politique et la lisibilité des lois. Selon le rapport de BAM, les IDE ont représenté 3,8% du PIB en moyenne sur les cinq dernières années. Et ce n’est qu’à la faveur d’une importante cession dans le secteur des assurances que les recettes IDE ont atteint 47,4 MMDH, soit 4,3% du PIB.
Crédits à l’entreprise : la frilosité réapparaît
L’autre indicateur non moins décisif est celui des crédits octroyés aux entreprises. La lettre du CMC convient du fait que les crédits semblent connaître des difficultés au cours des dernières années avec une évolution très modeste en 2018. En effet, les crédits ont progressé d’à peine 0,5%, comparativement à 2017. Ce sont les crédits à l’équipement et à l’immobilier qui marquent un essoufflement patent, expliquant cette situation en raison de leurs poids dans l’ensemble des crédits accordés par les banques aux entreprises.
Dans cette configuration, la prédominance des comptes débiteurs et crédits de trésorerie est de mise. Dans le même ordre d’idées, le rapport de BAM corrobore cet état de fait en affirmant que la progression des prêts aux entreprises privées a fortement ralenti, revenant de 3% à 0,5%, avec notamment des replis de 0,8% des crédits à l’équipement et de 6,4% de ceux à la promotion immobilière. Ce fléchissement intervient après des améliorations respectives de 6% et 10,4% un an auparavant. En revanche, et comme attendu, les facilités de trésorerie ont augmenté de 2,4% après un recul de 0,8%.
Délais de paiement, le mal persiste
Quid des retards de paiement? Ce fléau à la peau dure malgré les lois et engagements pris de part et d’autre. Le CMC regrette que les délais toujours longs continuent de pénaliser principalement les TPE. En effet, la gestion financière de ces dernières en pâtit, portant ainsi un coup dur à leur rentabilité et menaçant leur survie. Selon les économistes du CMC, les défaillances, à cet égard, guettent surtout les entreprises en phase de maturation, les TPE et autres PME qui peinent à surmonter le manque de visibilité de leurs encaissements et honorer leurs engagements. C’est ce qui explique le climat d’incertitude où évoluent les dirigeants de ces établissements et leurs partenaires.
D’après BAM, la moitié des entreprises se font payer après le délai réglementaire de 60 jours et le tiers après 120 jours. Si l’on tient compte de l’activité et du type de clientèle, il ressort clairement que les entreprises en relation directe avec les particuliers jouissent de délais clients relativement courts. Même bien en deçà du seuil réglementaire. C’est le cas notamment des secteurs de l’hébergement et restauration et des activités immobilières. En revanche, les sociétés opérant dans la construction, le commerce, l’industrie manufacturière ou le transport et entreposage affichent en moyenne des délais de paiement supérieurs à 60 jours. Par taille d’entreprise, ce sont les très petites entreprises (TPE), suivies des petites et moyennes entreprises (PME) qui souffrent le plus du retard de recouvrement.
Dans l’industrie manufacturière par exemple, les délais ont atteint 133 jours pour les premières, 106 jours pour les secondes et 86 jours pour les grandes entreprises. Pourtant, ce ne sont pas les lois qui manquent, ni même la volonté politique. Rappelons qu’un décret a été promulgué en 2016, harmonisant les délais à 60 jours pour l’ensemble des commandes publiques et fixant les modalités de calcul des intérêts moratoires.
La même année, la loi 15-955 a été amendée, élargissant son champ d’application aux établissements publics ayant une activité commerciale. Cette loi prévoit la possibilité de délais dérogatoires pour tenir compte de la spécificité de l’activité de certains secteurs. Elle a également stipulé la création d’un Observatoire des délais de paiement. Plus encore, l’administration a amélioré son système de Gestion intégrée des dépenses (GID). Elle a, dans cette même dynamique, mis en place la plateforme électronique AJAL dédiée aux réclamations des fournisseurs des établissements et entreprises publics et d’un dispositif de dépôt électronique des factures.
Taux débiteurs bas. Est-ce suffisant?
Concernant le taux d’intérêt débiteurs, la tendance est heureusement à la baisse.
Le CMC explique cette situation par la politique menée par les autorités monétaires pour soutenir l’activité économique. Car pour contrecarrer la demande atone de l’économie, les faibles taux d’intérêt sont recommandés afin de faire bouger les choses. Cela a la vertu d’encourager la consommation et l’investissement et de limiter les problèmes d’endettement. Toutefois, il s’agit d’un simple palliatif, loin d’être suffisant pour remettre l’économie en selle et booster la croissance.
Selon BAM, malgré cette baisse des taux, la croissance du crédit bancaire ressort limitée, pâtissant, comme susmentionné, de la faiblesse de la demande. En termes de chiffres, la Banque centrale indique qu’entre le premier et le quatrième trimestre de l’année 2018, le taux moyen global est revenu de 5,43% à 5,06%, avec une baisse de 10 points pour les particuliers et de 38 points pour les entreprises.