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Énergies renouvelables : le Kenya domine, le Maroc dans le coup, l’Algérie à la traîne…

Alors que le Kenya truste la première place en termes de part du renouvelable dans le mix énergétique avec 90% de son électricité issue de sources propres, l’Algérie, à 1%, illustre les inerties d’un continent partagé entre ambitions vertes et dépendances fossiles. En 2024, le mix électrique africain varie de 90% de renouvelables (Kenya) à 1% (Algérie). Décryptage des stratégies, des blocages et des enjeux socio-économiques de sept pays clés.

Entre gaz algérien, charbon sud-africain et blackouts égyptiens, la transition énergétique ressemble à un mirage dans plusieurs pays d’Afrique. Le rapport Electricity 2025 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) révèle des disparités frappantes dans l’intégration des énergies renouvelables au mix électrique de sept pays africains clés : Afrique du Sud, Égypte, Algérie, Maroc, Nigeria, Kenya et Sénégal.

Si le Kenya émerge comme leader incontesté avec 90% de son électricité issue de sources propres, d’autres, comme l’Algérie (1%), peinent à décarboner leur système. Dans cet article, nous analysons ces dynamiques à travers le prisme des politiques énergétiques, des défis techniques et des enjeux socio-économiques.

Kenya (90% du mix) : champion d’Afrique des renouvelables
Avec un mix électrique composé à 90% d’énergies renouvelables en 2024, le Kenya s’impose comme un leader continental, démontrant qu’une transition bas-carbone est réalisable en Afrique. Cette performance repose sur une combinaison stratégique de géothermie (41% du mix), d’hydroélectricité, d’éolien et de solaire, capitalisant sur des ressources locales abondantes. Le pays exploite notamment le potentiel géothermique du Rift Valley, où le projet Menengai vise à ajouter 465 MW d’ici 2025, renforçant une filière déjà mature.

Cependant, cette réussite masque des défis structurels : le réseau, bien que stabilisé par des interconnexions régionales, subit des pertes techniques atteignant 23%, tandis que le vandalisme des infrastructures et les retards dans le déploiement du nucléaire (une première centrale prévue en 2034) rappellent les risques de fragilité.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) salue cette trajectoire tout en alertant : «Le Kenya montre qu’une transition bas-carbone est possible en Afrique, mais cela nécessite des investissements durables et une gouvernance robuste face aux risques climatiques».

Maroc (24% du mix) : Une transition énergétique ambitieuse, mais freinée par les réalités structurelles
Avec 24% d’énergies renouvelables dans son mix électrique en 2024, le Maroc est deuxième de ce classement de sept pays africains clés et affiche une progression notable, portée par une croissance annuelle du solaire photovoltaïque de 57%, appelée à se maintenir jusqu’en 2027. Le pays s’appuie sur des projets phares comme Noor Ouarzazate et des réformes réglementaires, telles que les décrets de 2024 sur les certificats d’origine, pour stimuler les investissements privés.

Cependant, cette dynamique contraste avec la persistance du charbon, qui domine encore 60% de la production, et les sécheresses récurrentes, contraignant le pays à déployer des usines de dessalement énergivores – une charge inflexible pour le réseau, rigidifiant la demande en énergie. Le Plan 2030, visant 52% de renouvelables, mise sur l’intégration de solutions de stockage par batteries et une libéralisation accrue du marché pour absorber l’intermittence des énergies vertes.

Toutefois, cet objectif reste conditionné à une modernisation rapide du réseau et à une tarification adaptée, notamment pour concilier compétitivité industrielle et transition juste. Selon l’AIE, si le Maroc incarne un laboratoire de la transition en Afrique, les tensions entre ambitions solaires, dépendance fossile et stress hydrique illustrent les défis systémiques d’une économie en quête de résilience climatique et énergétique.

Nigeria (23% du mix)
Avec 23% d’énergies renouvelables dans son mix électrique en 2024 – principalement issus de l’hydroélectricité –, le Nigeria est le troisième de ce classement. Le pays incarne les contradictions d’un pays riche en ressources mais prisonnier de ses infrastructures défaillantes.

Alors que 1,26 GW de projets décentralisés (mini-réseaux solaires) émergent en zones rurales, où 60% de la population reste sans accès fiable à l’électricité, le gaz naturel domine toujours à 77%, malgré des pénuries récurrentes liées à des dettes impayées aux producteurs et des tarifs sous-évalués.

La Loi sur l’électricité 2023, visant à libéraliser les marchés locaux et à créer un opérateur système indépendant, tente de répondre à ces défis, mais son succès dépendra de la modernisation des infrastructures et d’une tarification réaliste.

Afrique du Sud (environ 10% du mix)
L’Afrique du Sud peine à décarboner son mix, dominé à 80% par le charbon, tandis que les renouvelables stagnent autour de 10%. L’ajout de 4,4 GW de solaire et d’éolien privés en 2024, permis par un assouplissement des régulations, illustre une libéralisation timide du secteur, mais se heurte à des contraintes réseau criantes : les coupures imposées aux parcs éoliens (jusqu’à 10%) et des délais d’interconnexion plombent l’efficacité des investissements.

Dans ce contexte, le Integrated Resource Plan 2023 opère un virage qui privilégie, d’une part, le gaz (11 GW de nouvelles capacités) et reporte les fermetures de centrales à charbon, au détriment des renouvelables (-17% de capacités prévues).

Cette stratégie, justifiée par la quête de stabilité du réseau, aggrave les tensions sociales. Pourtant, des lueurs d’espoir subsistent, comme les projets de stockage (4 GW de batteries) et l’émergence d’un marché privé, symboles d’une transition juste possible – mais conditionnée à une réforme profonde des infrastructures et à un dialogue social inclusif, loin des calculs économiques à court terme, souligne l’AIE.

Sénégal (15% du mix) : des ambitions renouvelables entravées par le gaz
Avec seulement 15% d’énergies renouvelables dans son mix en 2024, le Sénégal reste largement dépendant des importations de fioul (85%), malgré des avancées symboliques comme la centrale solaire de Bokhol. Le partenariat pour une transition juste, visant 40% de renouvelables d’ici 2030, se heurte à une stratégie énergétique encore axée sur le gaz, matérialisée par les centrales de Cap des Biches (120 MW) et Saint-Louis (255 MW), alimentées par des réserves offshore prometteuses.

Cette dualité reflète un arbitrage complexe entre sécurité énergétique à court terme et engagements climatiques, exacerbé par des pressions socio-économiques.

La suppression progressive des subventions, qui devraient passer sous 1% du PIB en 2025, et l’électrification rurale (82% d’accès en 2023) illustrent cette tension : si les tarifs réels sont essentiels pour attirer les investisseurs privés, ils risquent d’exclure les ménages vulnérables, dans un pays où 38% de la population rurale reste sans électricité, souligne l’AIE.

Le déploiement de micro-réseaux solaires et les réformes réglementaires (décrets de 2024) offrent des pistes, mais la réussite dépendra d’un équilibre délicat entre exploitation gazière, développement des renouvelables et inclusion sociale – un défi majeur pour un État en quête de souveraineté énergétique dans un contexte de dette croissante et de volatilité des prix internationaux.

Égypte (environ 5% du mix): le nucléaire et l’hydrogène vert en attente
Avec seulement 5% d’énergies renouvelables dans son mix en 2024, l’Égypte incarne les paradoxes d’une transition énergétique subordonnée à l’urgence sécuritaire. Si le pays enregistre une croissance de 5% des renouvelables (notamment via des parcs solaires comme Benban), il mise surtout sur le nucléaire (4,8 GW prévus à El Dabaa) et l’hydrogène vert, projets structurants mais à l’horizon lointain, incapables de répondre aux crises immédiates.

Celles-ci se manifestent par des pénuries de gaz – le champ Zohr, pilier de la stratégie énergétique, déclinant depuis 2022 – et des blackouts estivaux récurrents, révélateurs d’un réseau sur-sollicité et d’une demande en hausse (+1,6 % en 2024).

Pour y faire face, le gouvernement privilégie les importations de GNL (appels d’offres massifs en 2024) et les interconnexions régionales (marché électrique arabe), renforçant une dépendance aux hydrocarbures incompatible avec ses ambitions climatiques.

Cette approche, bien que compréhensible dans un contexte de pression démographique et de budgets contraints, retarde l’essor des renouvelables, pourtant essentiels dans un pays où l’ensoleillement dépasse 3.000 heures annuelles. La hausse de 50% des tarifs résidentiels en 2024, destinée à réduire les subventions, illustre le dilemme égyptien : concilier stabilité sociale, sécurité énergétique et transition bas-carbone dans une économie où 30% de la population vit sous le seuil de pauvreté – un équilibre aussi crucial que fragile.

Algérie : Seulement 1% de renouvelables dans son mix électrique

Avec seulement 1% de renouvelables dans son mix électrique en 2024, l’Algérie est le dernier de ce classement de sept pays africains clés. Le pays illustre une dépendance quasi exclusive au gaz naturel (99 %), malgré un potentiel solaire parmi les plus élevés au monde (plus de 3 000 heures d’ensoleillement annuel).

Le projet solaire de 3 GW lancé avec Sonatrach et Eni, bien que symbolique, reste marginal face à une stratégie énergétique axée sur l’exportation gazière, matérialisée par l’interconnexion Italie-Algérie et le développement du champ offshore de Hassi R’Mel.

Cette inertie s’explique par une économie structurellement liée aux hydrocarbures – 93% des recettes d’exportation en 2024 – et l’absence de politiques climatiques contraignantes, dans un contexte où la population, peu sensibilisée aux enjeux écologiques, privilégie l’accès à une électricité subventionnée. Pourtant, le pic historique de demande (19 GW en juillet 2024) et la baisse tendancielle de la production gazière (-4% depuis 2022) révèlent une vulnérabilité croissante.

L’Algérie se trouve ainsi à un carrefour : poursuivre une rente gazière menacée par la transition globale, ou engager une diversification douloureuse mais vitale, en réformant un secteur énergétique verrouillé par des monopoles d’État et des subventions massives (40% du budget national en 2024).

L’avenir dira si les projets solaires annoncés, aujourd’hui trop timides, pourront infléchir une trajectoire encore largement fossile, dans un pays où même l’urgence économique peine à bousculer les conservatismes.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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