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Employabilité : Comment ne pas se priver de ses forces vives

La régulation du marché du travail et la révision de l’enseignement supérieur sont considérées comme les fers de lance de la nouvelle politique d’intégration des jeunes. L’auto-emploi et la création de la très petite entreprise par les jeunes recèlent un gisement important d’emplois qu’il convient d’encourager à travers une politique spécifique.

Dans le cadre du modèle économique sur lequel le Maroc est lancé depuis près de deux décennies, l’emploi demeure le meilleur moyen d’insertion sociale. Pourtant, le cadrage rétrospectif du marché du travail depuis le début des années 2000 démontre qu’il y a bien un retrait du taux d’activité des jeunes. Une quasi stabilisation du taux de chômage autour de 9% depuis 2009 et des disparités structurelles entre milieux de résidence (14% dans les villes en 2013), entre sexes (9,6% chez les femmes), entre groupes d’âge (19,3% chez les jeunes de 15 à 24 ans) et entre niveaux et types de diplômes (18,8% des diplômés de niveau supérieur sont touchés par le chômage, 15,1% des diplômés de niveau moyen et moins de 5% des sans diplôme).

En termes de structure de la population des chômeurs, près de 30% des chômeurs n’ont aucun diplôme, 44,8% des chômeurs ont un niveau d’étude faible ou moyen et 26% ont au moins un baccalauréat, voire un diplôme de cadre moyen ou un diplôme de l’enseignement supérieur (facultés, grandes écoles et instituts). Le tout avec une prédominance du chômage de longue durée (en particulier chez les diplômés de niveau supérieur 78,2%) et de primo-insertion (en particulier chez les diplômés de niveau supérieur 75,8%) qui souligne l’inadéquation emploi-formation.

Ainsi, l’insuffisance en capital humain qualifié, l’inadéquation entre les formations proposées par le système d’éducation et de formation et les besoins du marché du travail rendent donc difficile la transition entre l’école et le marché du travail et constitue encore l’un des facteurs ayant un impact négatif sur la croissance économique et l’employabilité des jeunes diplômés. Il est d’ailleurs important de noter que le taux de chômage chez les jeunes augmente avec le nombre d’années d’études, ce qui ne fait que renforcer le sentiment de frustrations chez les diplômés de l’enseignement supérieur qui ne trouvent pas d’emploi. Et bien que l’État n’est plus responsable de l’employabilité, il doit néanmoins offrir les moyens qui facilitent l’insertion de ces jeunes lauréats pour passer à la vitesse supérieure et accélérer le recrutement de cadres dynamiques à travers l’investissement dans des formations universitaires adéquates, qui réponde au besoin d’un marché fluctuant et aussi réinvestir dans d’autres types d’enseignements pour inciter un peu plus le tissu économique national à sortir de sa crise du chômage.

Dans ce contexte, les résultats de plusieurs études montrent bien le lien direct entre les connaissances et les compétences professionnelles, mais pour le cas de l’enseignement supérieur au Maroc, l’étude montre une inadéquation entre l’offre universitaire et les besoins de marché du travail, précisément pour les universités publiques. Bien qu’il y ait des avancées notables réalisées grâce aux dernières réformes du système universitaire telles que l’instauration du système Licence, Master, Doctorat (LMD) et la mise en place de formations «professionnalisées» dans des domaines jugés à forte demande sur le marché de l’emploi tels que le marketing, génie civil, logistique, finance, audit, etc. La perception globale de l’université publique demeure négative et porte la réputation «d’une fabrique de chômeurs».

À ce titre, le Conseil économique social et environnemental recommande une mobilisation de l’ensemble des composantes de notre pays et le lancement d’un programme volontariste de grande ampleur de promotion de l’emploi. Dix mesures ont été proposées par différentes institutions pour aider à redonner confiance à de nombreux jeunes. Elles concernent la régulation du marché du travail, l’action sur l’offre et la demande d’emploi et l’ajustement de la réglementation. Pour l’institution, l’auto-emploi et la création de la très petite entreprise par les jeunes recèlent un gisement important d’emploi qu’il convient d’encourager à travers une politique spécifique.

En plus des contrats de premier emploi et d’insertion professionnelle déjà en vigueur, le Conseil préconise la mise en place d’un contrat d’utilité publique et sociale pour aider à l’insertion des jeunes tout en développant la dimension civique. L’amélioration de l’employabilité des jeunes devra être recherchée à travers le renforcement des formations à finalité professionnelle de courte durée et le développement des modules de formation linguistique, comportementale et entrepreneuriale ainsi que la multiplication des passerelles entre le monde de la formation et celui de l’entreprise à travers le développement des formations alternées, l’apprentissages et les stages en entreprises. Ainsi, le cadre institutionnel est en voie d’amélioration pour une meilleure synergie entre les structures opérationnelles et l’accroissement de leur efficacité car le développement des qualifications des jeunes doit être conforme aux besoins actuels et futurs des entreprises et leur capacité d’entreprendre faible et tributaire de déterminants socioculturels souvent défavorables doit être renforcée davantage en facilitant l’accès des jeunes aux moyens de production et aux crédits. Enfin, le système d’information doit absolument être structuré pour améliorer la connaissance du marché du travail.

La mise en place de l’indemnité pour perte d’emploi (IPE) pour les salariés est néanmoins considérée comme un premier pas dans le dispositif de sécurisation et doit être renforcée par des actions d’appui à la formation en cours d’emploi, la formation et l’accompagnement pendant les périodes de transition et la validation des acquis de l’expérience professionnelle. Les jeunes et les salariés à faible expérience professionnelle sont plus défavorisés et sont moins outillés pour faire face aux transitions, qui aboutissent souvent soit au chômage, soit à un emploi informel et précaire. Autant dire que la responsabilité incombe également au secteur privé.

En effet, les secteurs d’activité de l’économie nationale ne sont pas encore en mesure de produire une dynamique suffisante de résorption du flux des nouveaux demandeurs d’emploi et encore moins de combler les déficits passés. Cette incapacité alimente mécaniquement le déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché national du travail et met à rude épreuve la politique active de l’emploi. Le déséquilibre persiste car le taux de croissance moyen du PIB de l’économie marocaine n’a pas progressé de façon significative au cours des dernières années. Il faut rappeler que la conjoncture internationale évolue vers des croissances lentes voire négatives dans plusieurs pays. Il faut donc agir vite si l’on veut que les jeunes n’aient pas à payer un tribut encore plus lourd lié à une envolée du chômage.  


Des données statistiques faibles

Les données statistiques, les enquêtes ou encore les analyses effectuées par les organismes nationaux de référence (Haut-commissariat au Plan, ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle, Département de l’enseignement supérieur et autres institutions) révèlent l’acuité de la situation, «même si elles peinent à refléter la complexité et l’ampleur des déséquilibres», selon le Conseil économique, social et environnemental. Elles ne proposent pas, par exemple, de données fines pour apprécier le chômage en milieu rural, elles ne permettent pas non plus d’approfondir l’analyse sur les taux d’insertion, d’accès à l’emploi ou encore les trajectoires professionnelles des jeunes.



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