Éco-Business

Émergence de compagnies maritimes marocaines : ça coince avec la tutelle

À la faveur de la crise sanitaire et des restrictions qu’elle impose, l’absence d’un pavillon maritime marocain se fait cruellement sentir. Dans l’aérien, le transporteur national a été réactif et a appliqué les instructions de l’État. Dans le maritime, le ministère de tutelle continue à se débattre, car il a très peu de marge pour agir. Cependant, quels leviers faudra-t-il actionner pour concrétiser une telle ambition ?

Face à l’effet inflationniste des coûts de transport maritime conteneurisé qui menace l’économie nationale et à la crise de retour des MRE, le Maroc a vite compris la nécessité de ressusciter son pavillon maritime. Cependant, quels leviers faudra-t-il actionner pour concrétiser une telle ambition, dans un contexte où le coût des transports maritimes échappe à tout contrôle ? En effet, à la suite d’une reprise relativement forte mais avec des moyens de transport limités, la demande a largement dépassé l’offre; ce qui s’est traduit par une hausse des prix de transport maritime et aérien. Pour Mustapha El Khayat, président de l’Association marocaine de logistique (AMLOG), «cette hausse n’est pas seulement le fait d’un déséquilibre entre l’offre et la demande, mais l’effet d’ententes entre les méga carriers et les alliances aériennes». Il ne manque pas d’insister sur le danger que représente l’effet inflationniste de ces coûts de transport maritime conteneurisé qui menace l’économie marocaine.

Faire converger les visions
Pourtant, il existe bel et bien une compagnie maritime marocaine dénommée AML, créée en juin 2016 dans l’optique d’en faire un vaisseau amiral du transport maritime national. Que devient-elle ? Contacté par Les Inspirations ÉCO, M’Fadel EL Halaissi, directeur général délégué en charge de l’Ingénierie, du recouvrement, du développement stratégique et des missions spécifiques de Bank Of Africa, en charge de la compagnie maritime, déplore le fait que «les conditions d’exploitation sur le marché n’aient pas suivi la même volonté d’œuvrer à hisser le pavillon marocain à la hauteur des ambitions nationales de la compagnie». Le dirigeant ne désespère pas, soulignant que le groupe a toujours l’ambition de faire d’elle une entreprise nationale de 1er rang sur l’échiquier du bassin méditerranéen. Comment y parvenir ? «Pour la concrétisation de ce projet national, il faut que la vision d’AML soit convergente avec celle des pouvoirs publics en charge de ce secteur», souligne El Halaissi. En effet, l’unicité de vision stratégique n’est toujours pas acquise.

Dialogue de sourds?
Alors que plusieurs armateurs étrangers, surtout européens, ont pu profiter de l’aubaine qu’à représentée l’opération Marhaba 2021 pendant l’été dernier, AML n’y a pas participé. Le dirigeant nous explique que «l’opération Marhaba a fait l’objet d’un appel d’offres non satisfaisant, pour ce qui concerne AML, aussi bien dans la forme que dans le fond». Le dirigeant affirme que le transport maritime passager est d’abord un service public ! Ce que l’Administration n’a pas encore admis, et cela est une erreur d’appréciation. Selon lui, «la notion de service public exige un traitement spécifique dans le cadre d’un Partenariat public-privé, à l’instar de ce qui se fait chez nos concurrents de l’Union européenne. Nous sommes dans un marché à concurrence déloyale. À armes inégales, nous ne pouvons pas faire émerger AML ou toute autre compagnie nationale digne du Maroc».

Absence totale de culture maritime
D’autres analystes déplorent également l’ignorance des choses de la mer et l’absence totale de culture maritime. Avec 73 unités actives en 1989, le nombre de navires marocains a chuté, pour atteindre un total de 15 navires en 2021, tous types confondus (navires de transport de passagers et de marchandises). Il s’agit du niveau le plus bas jamais enregistré depuis 1960. Sur ces 15 navires, l’on compte seulement six unités de transport de passagers, appartenant aux compagnies FRS (1), Inter Shipping (3), Africa Morocco Link (1) et Detroit World Logistic Maritime (1), d’une capacité totale de 5.397 passagers, et 1.448 voitures. Tous ces bateaux opèrent sur le détroit de Gibraltar, et ne couvrent que 10% des besoins. «Le Maroc ne dispose d’aucun navire pouvant desservir les lignes Maroc-France et Maroc-Italie, dont on a le plus besoin aujourd’hui », confiait, à un confrère, Najib Cherfaoui, expert en transport maritime. Sur ces lignes, le trafic dépend donc entièrement des armateurs étrangers.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO Docs


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