Diplomatie sportive : ce que le Maroc peut (doit) améliorer

Grâce à son intense diplomatie sportive orchestrée depuis plusieurs années, le Maroc a pu consolider ses relations bilatérales avec plusieurs pays africains et confirmer son enracinement. Pour autant, le Royaume pourrait davantage améliorer son soft power sur le continent, à condition de surmonter les obstacles qui en entravent le développement. Décryptage.
C’est un fait. Le sport constitue un instrument de soft power utilisé par de nombreux États pour améliorer leur réputation et accroître leur influence sur la scène internationale. Le Maroc, qui l’a bien compris, l’a incorporé depuis plusieurs années dans son agenda diplomatique, particulièrement en Afrique subsaharienne.
Cette diplomatie sportive, principalement orchestrée à travers le football, a permis au Royaume de consolider ses relations bilatérales avec plusieurs pays du continent et de confirmer son enracinement. Véritable cheville ouvrière de ce soft power, la Fédération royale marocaine de football (FRMF) a grandement contribué au rayonnement de l’image du Maroc, notamment à travers la signature, depuis 2015, de quarante-cinq conventions de partenariat avec d’autres fédérations africaines.
L’accueil de stages de préparation des sélections nationales au complexe Mohammed VI de Maâmora, la mise à disposition de stades au profit des sélections aux infrastructures non homologuées pour y disputer leurs rencontres internationales, le soutien financier et les dons de matériel et d’équipements sportifs, ainsi que l’organisation de sessions de formation dédiées à des entraineurs pour l’obtention de la licence A CAF, sont autant d’actions menées par l’instance dirigée par Fouzi Lekjâa.
À cela s’ajoute l’accueil de grandes compétitions continentales comme la CAN 2025, la CAN féminine ou encore la CAN U17, en cours actuellement. S’il a pu construire une solide diplomatie sportive en Afrique, le Maroc pourrait davantage améliorer ce soft power sur le continent, en surmontant des obstacles qui en entravent le développement. C’est ce que révèle l’École de guerre économique (EGE) de Rabat, dans son dernier rapport intitulé : «La diplomatie sportive marocaine, instrument de soft power en Afrique. Sous quelles conditions et pour quels buts ?».
Une approche à diversifier
L’étude pointe le manque de diversité de cette diplomatie sportive, laquelle privilégie le football au détriment d’autre disciplines sportives, ce qui l’empêche de toucher un plus large éventail de pays et de cultures.
«En se concentrant principalement sur les sports traditionnels, le Maroc peut manquer des occasions de se connecter avec des pays qui ont des intérêts sportifs différents. C’est le cas, par exemple, pour le basketball sur le continent africain où il est considéré comme le deuxième sport le plus populaire après le football (sur 33 pays parmi 54) ou encore des sports comme le rugby, le cricket, le hockey et le netball», indiquent les auteurs.
Toujours selon l’étude, des pays comme la Namibie, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et le Zimbabwe, qui pratiquent des sports relativement différents, seront moins influencés en termes de rapprochement.
«Cette approche étroite peut également limiter la capacité du pays à attirer des athlètes et des fans internationaux qui s’intéressent à des sports peu ou pas assez bien représentés au Maroc», ajoutent-ils.
Cette diversification devrait également être de mise dans les sports féminins, notamment le basket-ball, le handball et le volley-ball.
«Pour remédier à cette faiblesse, le Maroc pourrait se concentrer sur le développement de programmes de sports féminins à la base et investir dans les infrastructures sportives féminines. Le pays pourrait également travailler à intégrer ces sports dans ses équipes nationales et chercher à participer à des événements internationaux mettant en vedette les sports féminins», recommande le rapport.
De l’importance de relais à l’étranger
Autre lacune décelée, la faible présence physique de diplomates sportifs marocains sur le continent, dont le rôle est de promouvoir les échanges culturels et sportifs entre le pays hôte et leur pays d’origine. D’après les auteurs, les ambassades et consulats marocains ne disposent pas d’un service sportif et se limitent, dans le meilleur des cas, à la présence d’un attaché culturel peu ou pas formé dans les domaines du management du sport et de la diplomatie sportive.
Conséquence : cette faible présence sur le terrain – voire absence dans certains cas – «peut entraîner une perte d’influence et une difficulté à promouvoir efficacement la diplomatie marocaine dans le continent». Enfin, le rapport pointe du doigt le manque de communication et de coordination entre les différentes parties impliquées, à savoir les fédérations sportives, les clubs et les autorités gouvernementales.
«Certains responsables sportifs marocains cherchent à renforcer les liens bilatéraux avec des pays africains, tandis que d’autres s’emploient à renforcer la présence du Maroc dans les compétitions sportives régionales et internationales», souligne le rapport.
Celui-ci évoque également une concurrence entre les acteurs pour obtenir des résultats dans leurs propres domaines, «ce qui peut créer des tensions et empêcher une collaboration efficace».
Pour y remédier, les auteurs de l’étude recommandent la mise en place d’une stratégie commune, élaborée en concertation avec toutes les parties prenantes, fixant les objectifs à atteindre sur le continent. Selon eux, une fois ces obstacles surmontés la diplomatie sportive marocaine serait à même d’améliorer l’image du Royaume, de renforcer la coopération Sud-Sud et même de lui attirer davantage de soutiens politiques.
Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO