Dialogue social. Le warning de Jouahri
La gouverneur de Bank Al-Maghrib alerte sur les concessions excessives lors du dialogue social car si celles-ci ne sont pas corrélées à une hausse de la productivité, le creusement du déficit budgétaire entraînera, par effet boule de neige, un tassement des réserves de change.
Alors que le chef de gouvernement a indiqué que le social sera le nouveau cheval de bataille de l’Exécutif dans l’élaboration de sa nouvelle loi de Finances, le gouverneur de la Banque centrale est venu alerter sur les risques à prendre au niveau du déficit budgétaire. «Je ne suis pas obsédé par le maintien du déficit budgétaire, mais si l’on veut le creuser, on devra donc ouvrir la planche à billets. En ouvrant les vannes (ndlr : permettre aux banques de dégager une capacité de prêts supplémentaires), cela aura pour effet l’inverse de l’effet recherché car à ce moment là, au niveau de la Banque centrale, on sera contraints d’augmenter les taux, ce qui privera une grande partie de la clientèle de l’accès aux crédits, notamment les PME. Sans parler de l’impact sur les réserves de change, qui baisseront drastiquement».
Pourtant, dans la note de cadrage de la nouvelle loi de Finances, les secteurs sociaux sont privilégiés comme le Régime d’assistance médicale (RAMED) ou le programme Tayssir qui vise à lutter contre les déperditions scolaires surtout en milieu rural ainsi que l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Malgré les résultats satisfaisants obtenus, ces programmes ont relevé plusieurs dysfonctionnements au cours de leurs mises en œuvre et il appartient désormais au gouvernement de prendre toutes les mesures pour non seulement les corriger mais en renforcer l’impact. «Je ne suis pas contre les concessions dans le cadre du dialogue social, mais il faut qu’il y ait une augmentation de la compétitivité afin d’améliorer les exportations et donc le niveau des réserves de change.
De façon à maintenir le cercle vertueux». Il prône donc une optimisation des recettes et une rationalisation des dépenses, en priorisant l’emploi et la croissance. «Ce que l’on cherche, c’est une convergence entre le budgétaire et le monétaire de façon à assurer les conditions les plus adéquates d’un financement approprié de l’entreprise en général et de la PME en particulier». Selon lui, la préservation des équilibres macro-économiques n’est pas une vue de l’esprit technocratique, mais un vaccin contre les programmes de réajustement structurels (PAS). Il rappelle à ce titre les crises majeures qu’a connu le Maroc, qui ont nécessité des limitations drastiques des budgets sociaux. «Nos voisins, avec la chute du prix du pétrole, avaient le choix entre un programme structurel en accord avec les organisations internationales – qui leur permettra d’introduire les réformes nécessaires à leur économie – et la planche à billets. Ils ont choisi la planche à billets. Vous pourrez constater par vous-mêmes, dans quelques temps, que cette solution de facilité ne marchera pas».
L’indépendance de BAM en perspective
La peur de voir se profiler un nouveau PAS est donc toujours vivace. «Nous avons arrêté les prêts directs à l’État car ce n’est pas un cercle vertueux, d’ailleurs nous avons aujourd’hui une convention de remboursement». Il rappelle donc l’historique douloureux qu’a le Maroc avec la planche à billets. «Avec les effets externes et internes, nous avons frôlé l’implosion». C’est dans cette logique que s’oriente Bank Al-Maghrib, dont les statuts ont subi plusieurs modifications au fil du temps. Le nouveau statut prévoit d’attribuer à la Banque centrale une autonomie totale en lui conférant le pouvoir de définir l’objectif de stabilité des prix ou cible d’inflation, qui devient son objectif principal, et de conduire la politique monétaire en toute indépendance. De même que le nouveau texte propose une nouvelle disposition de grande importance qui permet la concertation régulière entre le ministre chargé des Finances et le Wali en vue d’assurer la cohérence de la politique macro-prudentielle ainsi que celle de la politique monétaire avec les autres instruments de la politique macro-économique. Désormais donc, BAM contribuera à la prévention du risque systémique en adaptant ses instruments d’intervention à cette mission. C’est ainsi que la nouvelle loi prévoit des dispositions permettant à la Banque centrale d’être représentée au sein du Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques, créé par la nouvelle loi bancaire de proposer au gouvernement toute mesure visant à maintenir la stabilité financière, de prendre des participations dans des établissements de crédit dans un contexte de gestion du risque systémique et de résolution des crises bancaires et de prendre toutes autres mesures dans les circonstances exceptionnelles.