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Conduites addictives : un changement d’approche s’impose

Le CESE plaide pour la reconnaissance des addictions, avec ou sans substance nocive, comme des maladies éligibles à des soins remboursables. En effet, les biens et services licites issus des activités à potentiel addictif, génèrent un chiffre d’affaires de pas moins de 32,19 MMDH, soit près de 3% du PIB et 9,1% des recettes fiscales.

Le constat est alarmant et préoccupant. Le Maroc connaît, en ligne avec la tendance mondiale, un accroissement fulgurant des conduites addictives, qu’elles soient liées à l’usage de substances psychoactives de diverses natures (tabac, sucre, alcool, drogues…) ou à la pratique de certaines activités potentiellement addictogènes (paris, jeux d’argent, jeux vidéo, Internet…).

En effet, le passage en revue des différentes manifestations de conduites addictives révèle que le phénomène y est répandu et multiforme. C’est l’un des constats tirés par le Conseil économique social et environnemental (CESE) à travers la publication de ses principales conclusions et recommandations. Cet avis, qui a été émis dans le cadre d’une auto-saisine, est intitulé «Faire face aux conduites addictives : état des lieux & recommandations».

Selon les estimations du CESE, les conduites addictives constituent à la fois une maladie et un fait de société. Dans ce sens, il considère que «le moment est venu de transformer notre regard collectif sur les addictions, dans un esprit de responsabilité et de solidarité qui privilégie l’évidence scientifique à la superstition, l’action rationnelle à la résignation, la protection des victimes à leur stigmatisation, l’émancipation des personnes, des familles et de la société au sens large plutôt que leur vulnérabilité aux substances et aux comportements qui menacent leur autonomie et leur sécurité sanitaire».

Un poids économique important
Selon le CESE, les biens et services licites issus des activités à potentiel addictif génèrent un chiffre d’affaires de 32,19 MMDH, soit près de 3% du PIB et 9,1% des recettes fiscales. Sur ce montant, l’État prélève plus de la moitié (56%) -via différents impôts et taxes- soit un montant de 18,03 MMDH.

Ces chiffres concernent les tabacs (17 MMDH de dépenses des fumeurs donnant lieu à 13,6 MMDH de TIC, de TVA et de droits d’importation), les alcools (4 MMDH de volume d’affaires pour 1,9 MMDH de recettes publiques), les paris et loteries (11,9 MMDH de volume d’affaires et 2,5 MMDH de recettes publiques). Le seul chiffre d’affaires des tabacs (estimé à 17 MMDH en 2021) représente cinq fois le budget d’investissement du ministère de la Santé (3,35 MMDH projetés pour 2021).

Dans le même temps, le total du chiffre d’affaires des activités licites à potentiel addictif représente 1,7 fois le budget du ministère de la Santé (18,6 MMDH). Les recettes publiques tirées de ces trois seuls postes (tabacs, alcools, jeux) pèsent environ 8% dans les recettes totales de l’État, à peu près l’équivalent du total des recettes fiscales de la direction des Entreprises publiques et de la privatisation (19,9 MMDH au titre de la loi de Finances 2021), le tiers des recettes au titre de l’Impôt sur les sociétés (IS), ou bien cinq fois les versements de l’OCP à l’État, en 2020.

Les recos du CESE
Par ailleurs, les conduites addictives ne sont pas suffisamment reconnues et prises en charge par les organismes de protection sociale, ni traitées comme des maladies, alors qu’elles sont définies comme telles par L’OMS. Face à ce constat, le CESE préconise un ensemble de plusieurs recommandations, notamment la reconnaissance des addictions, avec ou sans substance nocive, comme des maladies éligibles à des soins remboursables.

Il est aussi important, selon le Conseil, de «Réviser et actualiser le cadre légal de la couverture médicale aux fins de clarifier la nature et préciser la typologie des troubles addictifs considérés comme des maladies nécessitant des traitements». Il appelle aussi à la révision du Code pénal en rendant systématique l’application des dispositions ouvrant droit à l’injonction thérapeutique pour les consommateurs de drogues et en renforçant les sanctions contre les trafiquants de substances illicites.

Réserver une part pérenne (10%) des recettes de l’État tirées des biens et services licites issus des activités à potentiel addictif (tabac, alcool, paris hippiques, loterie, paris sportifs) vers le soin, la recherche et la prévention est aussi une des pistes proposées par le Conseil. Ceci en plus de la reconnaissance légale de la discipline et du diplôme universitaire d’addictologie ainsi que de l’adoption des statuts d’autres métiers en lien avec cette discipline (psychologues, ergothérapeutes…) en vue de développer les ressources humaines nécessaires.

Par ailleurs, le CESE préconise de généraliser l’accès aux traitements, par substitution aux opiacés, dans l’ensemble des établissements pénitenciers, tout en garantissant la possibilité d’accès aux soins à toute personne dépendante détenue qui en exprime le souhait.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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