Climat des affaires. Les “révolutions” de Laftit

Révolution, c’est le mot qui est revenu de manière récurrente dans les propos de Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, invité de la CGEM. Le ministre promet ainsi «de révolutionner l’acte d’investir». Ambiance et confidences de Laftit chez les patrons.
«Les directeurs des nouveaux Centres régionaux d’investissements (CRI) seront nommés aujourd’hui et les nouveaux centres seront opérationnels à partir de lundi», annonce Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, lors de la rencontre qu’a organisée la CGEM autour des dispositions du projet de loi de Finances (PLF) 2020. Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, est un habitué de cet oral face aux patrons. Pour Laftit, son collègue au gouvernement, l’expérience est inédite. Ceci étant, le ministre arrive en terrain conquis: «Je suis ravi de retrouver des visages que je n’ai pas vus depuis plusieurs années», glisse-t-il d’entrée, avant d’enchaîner avec ses annonces du jour. L’officialisation des CRI version 2019 était le premier engagement du ministre. Cette réforme importante était attendue depuis le 30 juillet 2018, date du discours royal appelant le gouvernement à réformer les CRI. Laftit a profité de son premier passage chez le patronat pour décliner une série d’annonces qui, selon lui, devraient «révolutionner l’acte d’investir».
Laftit enchaîne les annonces
«Les nouveaux CRI seront des accompagnateurs et des facilitateurs de l’acte d’investir, notamment en relation avec les autres administrations en cas de litige avec la CNSS ou la Direction générale des impôts. Les investisseurs ont besoin d’écoute. Pour cette raison, des cellules seront dédiées à cette mission dans chacun des CRI», poursuit Laftit devant les patrons des plus grands groupes privés du Maroc.
Pour avoir dirigé le CRI Tanger-Tétouan entre 2002 et 2003, Laftit connaît bien le cheminement des CRI et leur enlisement. «Nous devons en finir avec cette situation où les CRI se sont transformés en producteur de dérogations pour le secteur de l’immobilier. Ces propos ne plairont pas au secteur de l’immobilier, mais il faut que les CRI reviennent à leur mission principale: le soutien de l’investissement productif», lâche-t-il.
Sur cette lancée, il fixe les nouvelles règles d’urbanisme et d’allocation des terres du domaine privé de l’État: «Les terrains des omaines ainsi que ceux détenus par les collectivités territoriales seront réservés exclusivement à l’investissement industriel productif. Des consignes claires ont été données aux walis pour faire respecter cette décision. L’objectif est de soutenir la création d’emplois et faciliter l’accès aux fonciers aux industriels».
Les nouveaux CRI compteront une Commission unique d’investissement qui traite les dossiers dans un délai précis d’un mois et qui vient remplacer les vingtaines de commissions recensées qui se réunissaient localement pour réaliser un acte d’investissement. Interpellé sur le maintien de la tutelle des CRI au niveau de l’Intérieur, Laftit se veut rassurant: «En tant que président du Conseil d’administration d’un CRI, le wali ne signe aucun document en lien avec l’activité du centre. Il peut le faire uniquement en cas de refus d’une des administrations». La réforme des CRI était la première «révolution» annoncée par Laftit. La deuxième «révolution» du ministre de l’Intérieur couvre l’allocation des terres collectives aux investisseurs privés. «Avec le projet de loi en cours d’examen au Parlement, nous devrons révolutionner l’accès à ce type de foncier», espère-t-il. Et d’ajouter: «Ce texte permet désormais la cession directe du foncier aux investisseurs privés qui ne pouvaient, par le passé, acquérir ces terres que par le biais d’un organe étatique». La troisième «révolution» concerne le chantier de la déconcentration administrative. Laftit a, dans ce sens, émis le souhait de voir «tous les actes d’investissement déconcentrés au niveau régional dans le cadre de la mise en œuvre de la Charte de la déconcentration, dans le but de simplifier la vie à l’entreprise et à l’investisseur».
«Accélérer le désengagement de l’État»
C’était le baptême de feu pour le ministre de l’Intérieur, mais aussi Mohamed Bachiri, président par intérim de la CGEM, qui actait sa première sortie publique. Dans son allocution d’ouverture, le patron de SOMACA regrette que «le PLF 2020 [fasse] état d’une prise en compte partielle des doléances et des attentes du secteur privé». Et de souhaiter en tant que secteur privé de «jouer notre rôle aussi et qu’une partie de cet investissement soit porté par l’Entreprise marocaine à travers notamment la baisse de l’IS pour tous les secteurs d’activité, l’accélération du désengagement de l’État de certains secteurs, des mesures d’encouragement au décollage des start-up, la promotion de la R&D au sein de nos entreprises ainsi que la digitalisation et la dématérialisation des processus afférents à l’investissement». Bachiri a aussi regretté que «la loi-cadre de programmation [ne soit] toujours pas publiée malgré tous les efforts entrepris et les concertations établies». Ensuite, «le PLF 2020 devait retranscrire les premières orientations de la vision issue de la loi-cadre, mais plusieurs recommandations retenues lors des dernières Assises sur la fiscalité n’ont pas encore été planifiées».
Abdelouafi Laftit
Ministre de l’Intérieur
Les décisions qui se prenaient à l’unanimité au niveau des commissions administratives vont se faire désormais à la majorité. Cette démarche constitue une révolution dans l’esprit de l’administration dans sa démarche d’accompagnement de l’acte d’investissement. La création de la Commission unique d’investissement est également une révolution car elle met fin à la multiplicité des commissions nécessaires à l’acte d’investir.