Éco-Business

Benamour se lâche

Le président du Conseil de la concurrence a été l’invité de l’émission «Fi Samim», diffusée hier sur Horizon TV et animée par Samir Chaouki, président du groupe Horizon Press. Abdelali Benamour est longuement revenu sur les raisons qui empêchent le Conseil de la concurrence d’exercer son pouvoir régalien et de remplir ses missions consacrées par la Constitution de 2011.

Interpellé sur les soupçons d’entente sur les prix du carburant, Benamour s’abstient de tout commentaire engageant le conseil tant que les membres de ce dernier ne sont pas renouvelés. Il ne manquera pas néanmoins de livrer un avis personnel à ce sujet. En principe, dit-il, la libéralisation des prix à la pompe devrait renforcer le libre jeu de la concurrence et par conséquent, se traduire par une baisse des prix. Or, c’est le contraire qui s’est produit. Ce qui surprend le plus Benamour, c’est surtout la hausse vertigineuse ces deux dernières années des bénéfices d’un distributeur pétrolier coté à la Bourse de Casablanca. Aussi, il se dit étonné du rythme de progression de la fortune des propriétaires des sociétés de distribution rapportée régulièrement par les médias et les revues internationales spécialisées (sans citer Forbes). Ces deux indicateurs laissent soupçonner une situation d’entente, mais rien n’est sûr en l’absence d’études et d’investigations pointues.

En revanche, l’ancien président fondateur de l’association «Alternatives» estime qu’une situation d’entente peut prendre plusieurs formes. «Les opérateurs peuvent désigner un leader-faiseur de marché et le suivre tout en gardant une petite différence de tarification, faisant semblant de lui faire concurrence». Invité à réagir aux propos du ministre des Affaires générales et de la gouvernance qui, en évoquant récemment ce sujet, s’était dégagé de toute responsabilité en rejetant la balle dans le camp du Conseil de la concurrence, Benamour rétorque sans vouloir faire polémique : «le ministre a raison de dire que la responsabilité de lutter contre tout comportement anti-concurrentiel relève d’un point de vue légal et constitutionnel des prérogatives du Conseil de la concurrence. Cela dit, le ministre aurait dû compléter ses propos en précisant que le gouvernement dont il est membre doit désigner les membres de ce conseil». Selon la nouvelle loi encadrant le fonctionnement du Conseil de la concurrence (le décret d’application a été promulgué en 2015), le président est nommé pour cinq années renouvelables une fois tandis que les 12 autres membres doivent être renouvelés. Il se trouve que le mandat de ces derniers est arrivé à terme depuis octobre 2013 ! C’est le chef de gouvernement sur proposition d’un certain nombre de secteurs, qui nomme les membres. Le président, lui, est nommé par le roi. Faute de renouvellement de sa composition, le nouveau texte ne peut être mis en application.

Le Conseil se trouve aujourd’hui dans l’incapacité de se saisir des dossiers ou de décider quoi que ce soit. «Nous avons sur la table une cinquantaine de saisines que les rapporteurs ont traité ou traitent encore. Nous ne pouvons rien décider tant que les membres du conseil n’auront pas été nommés», affirme Benamour. D’où vient alors le blocage ? Qui aurait intérêt à empêcher le conseil de remplir son rôle de gendarme face aux pratiques anticoncurrentielles ? Pourquoi les gouvernements successifs tardent-ils à nommer les nouveaux membres ? «J’ai rencontré le chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, il y a un mois. Il m’a dit que le dossier avance mais rien de concret n’a été fait à ce jour. L’ex-chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, lui, m’avait informé qu’il a bien accompli la tâche qui est la sienne en ce qui concerne ce dossier précisément», révèle Benamour. Ce dernier reconnaît que le climat s’est un peu relâché au sein de l’institution qu’il préside depuis août 2008. Les cadres et les rapporteurs, témoigne Benamour, ont perdu un peu de leur enthousiasme faute de nomination du conseil. Entre-temps, Benamour continue de combattre et de faire entendre sa voix à qui de droit. Finira-t-il par lâcher du lest et démissionner au lieu de rester à la tête d’un Conseil qui n’a d’autorité que le nom ? «Indépendamment de cette situation, j’estime avoir atteint un âge où je dois aspirer à me reposer», lance Abdelali Benamour. 



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