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Agriculture : ElleMoutmir mise sur l’autonomisation des femmes rurales

En soutenant la mise en autonomie et le partage de savoir-faire, ElleMoutmir entend lever les barrières qui freinent la femmes rurale, pilier invisible de l’agriculture marocaine.

La notion de résilience, conceptualisée entre autres par les travaux du neurologiste Boris Cyrulnik, s’est imposée comme une clé de lecture incontournable pendant la pandémie, mettant en lumière la capacité de chacun à surmonter les épreuves.

Dans le système agraire marocain, cette notion revêt une dimension particulière lorsqu’il s’agit des femmes, en particulier dans le milieu rural. Confrontés à de nombreux obstacles (accès restreint à l’éducation, décrochage scolaire préoccupant, services de santé difficilement accessibles…), elles doivent, en plus de leurs activités agricoles, gérer le fardeau des tâches domestiques.

Ces difficultés, cumulées, finissent par creuser les inégalités. Paradoxalement, c’est au milieu de ces épreuves que la résilience féminine trouve sa profonde expression. C’est là, en substance, la problématique débattue par les experts présents en marge d’une conférence tenue mardi 15 octobre par Al Moutmir open innovation lab, autour du thème «Renforcer la résilience au sein des communautés rurales : les femmes africaines, réelles actrices du changement».

Cet événement, qui coïncidait, par un heureux hasard de calendrier, avec la Journée mondiale de la femme rurale, a souligné l’importance capitale que cette dernière occupe face aux crises économiques. Son rôle, en première ligne, s’avère déterminant dans la résilience des communautés agricoles.

«La femme rurale assume plusieurs rôles : travailleuse agricole, femme au foyer et mère, ce qui la rend particulièrement vulnérable d’un point de vue économique», constate Nawfel Roudies, directeur d’Al Moutmir.

Il n’est pas anodin de souligner qu’en Afrique, l’agriculture repose souvent sur des exploitations familiales où les femmes jouent un rôle central. Elles assurent la majorité des travaux dans les champs, que ce soit pour la plantation, la récolte ou la gestion des cultures vivrières. Pourtant, leur contribution reste largement sous-évaluée dans les statistiques économiques.

En Afrique de l’Ouest par exemple, les femmes représentent 70% de la main-d’œuvre agricole, tout en ne possédant que moins de 15% des terres. Cette disparité est encore plus marquée lorsqu’il s’agit de l’accès aux services agricoles.

«Au Sénégal, les femmes disposent de moins de 7% des services agricoles, qu’il s’agisse d’analyses de sol ou d’accès aux intrants», explique Mehdi Ouzine, Head of Business exploration & development pour l’Afrique de l’Ouest.

Nouveau paradigme
Au-delà des définitions académiques, la résilience se mesure aussi par la capacité d’un système à s’adapter tout en maintenant ses fonctions essentielles. Dans le secteur agricole, l’introduction de l’intelligence artificielle et de la mécanisation bouleverse cet équilibre. Ces technologies, bien qu’apportant des gains en efficacité, pourraient redéfinir les rôles traditionnels des femmes dans l’écosystème agraire. Les experts s’accordent à dire qu’avec la progression de l’automatisation, il est crucial de repenser la place de la femme rurale et de veiller à préserver son rôle dans ce nouveau paradigme technologique.

«Bien qu’indispensables au changement, les femmes rurales restent confrontées à des obstacles de taille, notamment l’accès limité à la terre, des difficultés d’accès aux financements et une faible présence dans les instances décisionnelles», souligne Myriam Ouchen Noussairi, cheffe du bureau Maroc auprès de l’ONU Femmes.

Ce constat renforce l’idée qu’à mesure que la technologie transforme le secteur, il est crucial de veiller à ce que les femmes ne soient pas laissées de côté dans cette transition. Et c’est là qu’intervient le programme Al Moutmir, Business unit de l’UM6P, opérant au plus près des petits fellahs, qui prend en compte les besoins spécifiques des femmes rurales, souvent en charge de petites exploitations familiales. À travers sa déclinaison dédiée aux femmes, ElleMoutmir, l’initiative cherche à réintégrer celles laissées en marge du système agraire.

«Ce n’est qu’en reconnaissant leur contribution que nous pourrons établir les fondements de communautés plus durables», souligne Myriam Ouchen Noussairi.

Mais la capacité à s’adapter ne suffit pas à elle seule et il est nécessaire de dénoncer la «violence financière» que subissent les femmes.

«Il faut encourager ces femmes à adopter des approches proactives, non seulement en surmontant les défis, mais aussi à entrer dans un nouveau cycle en adoptant un growth mindset», revendique Bouchra Rahmouni, directrice des initiatives de création de valeur au sein de l’UM6P.

Selon elle, les femmes doivent s’impliquer davantage dans les nouveaux paradigmes économiques, notamment à travers les coopératives, qui permettent l’éclosion de savoir-faire locaux.

Élan collectif
Face à ces constats, des initiatives voient le jour pour non seulement renforcer la résilience des femmes rurales, mais aussi leur permettre de devenir de véritables actrices du changement. Le programme ElleMoutmir s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Conçu spécifiquement pour les femmes rurales, il leur offre les outils nécessaires pour s’impliquer activement dans l’économie agricole et leurs communautés.

Ce mouvement s’inscrit dans une volonté plus large de transformer l’agriculture marocaine en plaçant les femmes au cœur de l’innovation et du changement. Et les retombées sont visibles. En 2024, Al Moutmir a lancé des communautés de pratiques dédiées aux femmes rurales, avec pour ambition de favoriser l’échange de savoir-faire et d’expériences agricoles.

Ces réseaux de collaboration visent à créer un cadre d’apprentissage collectif où des groupes d’agricultrices partagent leurs pratiques et développent ensemble des solutions adaptées aux défis du terrain.

L’exemple de la coopérative Biosalim illustre bien cet élan : lors d’une rencontre, sa présidente, Ihassan Hamoudan, a partagé son expertise sur la culture du sorgho, suscitant l’intérêt des participantes. C’est à l’image de ce type de partage d’expérience que s’opère la diffusion de pratiques agricoles innovantes, susceptibles de créer un élan collectif qui, de région en région, consolidera la résilience du modèle agricole marocain.

Nawfal Roudies
Directeur d’Al Moutmir

Quelles sont les ambitions d’Al Moutmir pour l’agriculture marocaine ?
Al Moutmir a pour ambition de rapprocher la recherche scientifique des réalités du terrain agricole. L’idée est de créer un lien direct entre les innovations issues des laboratoires et leur application concrète dans les exploitations. Ce va-et-vient constant permet de développer des solutions adaptées aux besoins des agriculteurs, tout en enrichissant la recherche grâce à leurs retours d’expérience.

Comment Al Moutmir soutient-il les femmes rurales ?
Vous n’êtes pas sans savoir que la femme joue un rôle clé dans le secteur agricole. Dans cette optique, Al Moutmir leur propose des formations dépassant le seul cadre de l’agriculture, intégrant des compétences en entrepreneuriat, gestion et management.

Cette démarche repose avant tout sur une écoute attentive de leurs besoins, avec pour objectif de co-construire des solutions adaptées, garantissant ainsi une forte adhésion. Le programme encourage également la création de coopératives féminines, visant à renforcer leur impact économique et leur autonomie.

Dans quelle mesure le digital s’affirme-t-il comme un levier incontournable pour la transformation du secteur agricole ?
Le digital est perçu comme un levier clé pour moderniser l’agriculture. La plateforme Atmar, lancée par Al Moutmir, permet d’offrir des conseils agricoles gratuits en ligne, facilitant ainsi l’accès à des pratiques plus efficaces.

Cette approche vise non seulement à optimiser les rendements, mais aussi à attirer une nouvelle génération de jeunes agriculteurs, en rendant le secteur plus accessible et innovant. Grâce à des technologies comme l’intelligence artificielle et l’imagerie satellite, elle propose des recommandations personnalisées, permettant ainsi aux agriculteurs de mieux gérer leurs cultures et de prendre des décisions éclairées sur le long terme.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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