Putsch en Turquie : Victoire d’un peuple
L’incontestable assise populaire d’Erdogan a eu raison des velléités de renversement d’un pouvoir démocratiquement élu. Le président turc aura désormais les coudées franches pour apporter les réformes qu’il faut et mener une purge dans l’armée.
À quelque chose, malheur est bon, pour le président turc Recep Tayyip Erdogan. Cela fait plusieurs mois qu’il résiste avec son gouvernement aux provocations terroristes et aux salves empoisonnées des opposants kurdes et islamiste pro-Gülen.
Mémorable 15 juillet…
Ce vendredi 15 juillet 2016 a été l’ultime épreuve pour un président que l’on savait fort, mais qui n’était pas à l’abri d’un retournement de situation émanant des militaires. Car, depuis sa prise de pouvoir en 2014 après avoir été Premier ministre depuis 2003, Erdogan a tout fait pour verrouiller toutes les institutions de l’État. Dans un pays de tradition putschiste, avec quatre coup d’État depuis 1960, le président turc devait assurer ses arrières, ne pas laisser le hasard dicter sa loi. D’ailleurs, le rôle de la police et les moyens dont elle a fait usage pour affronter les militaires montrent qu’Erdogan ne dormait pas sur ses lauriers. Sa réaction même, dans la nuit du vendredi à samedi, exhortant le peuple à investir les rues face au couvre-feu militaire, montre un président décidé et bien préparé à toutes les éventualités. Qu’il arrive dans la matinée du samedi 16 juillet à l’aéroport d’Istanbul, accueilli par une marée de citoyens, est la preuve incontestable de l’assise populaire forte dont il dispose. En fin de matinée, tout le monde savait que l’ordre était rétabli et que le coup d’état avait échoué avec un Erdogan plus fort que jamais, mais avec, aussi, plus de 260 morts, dont plus de la moitié parmi les civils, pas moins de 2.839 militaires arrêtés et des centaines de juges révoqués. Les choses ont été maîtrisées à temps grâce notamment (et surtout) à la perspicacité du peuple turc qui a vite compris le message et agi en conséquence.
La voix du peuple
La population a vite compris le message du président et a rapidement investi les rues. Par centaines puis par milliers et dizaines de milliers, les Turcs ont spontanément décidé de défendre «leur» démocratie et d’affronter les tanks et chars torse nu. L’histoire retiendra cette révolution du peuple déclenchée trois heures à peine après l’annonce du putsch, mais aussi une classe politique mature et responsable. Narguant les tanks des putschistes, les parlementaires de la majorité comme de l’opposition ont dénoncé à l’unanimité toute atteinte à la démocratie, se réunissant dès samedi, en séance plénière. Un symbole, s’il en faut encore, de cette union pour la légitimité démocratique que le président a intelligemment fait valoir en s’adressant aux 80 millions de Turcs. Une légitimité que certaines capitales occidentales et les États-Unis semblaient avoir oublié à travers leurs réactions lentes et indécises. Là aussi, la réaction du gouvernement turc ne s’est pas fait attendre, se fendant d’un communiqué qui dénonce cette hésitation occidentale à soutenir un président issu des urnes. Les jours qui viennent livreront tous les secrets d’un putsch parmi les plus courts dans les annales de l’histoire militaire. Quant à Erdogan, ragaillardi par cette symbiose avec le peuple, celui-ci aura toute la latitude pour apporter les changements et réformes nécessaires afin de rendre son pays plus stable.
La diplomatie marocaine se distingue
Le Maroc a été, cette fois-ci, très réactif en assumant entièrement ses responsabilités et officialisant sa position hostile au coup d’État dès son entame. Il était le premier et seul pays arabe, avec le Qatar, à prendre position dans un communiqué diffusé dès 00h23 et dans lequel «Le Royaume du Maroc rejette, par principe, tout recours à la force pour le changement des régimes établis et appelle à la préservation de la stabilité de ce pays musulman frère». Le Maroc qui a marqué un virage vers la transition démocratique en 2011, confirme ainsi sa cohérence avec les principes de démocratie, de liberté et de choix des peuples.
Quand Skype bat les tanks
Le président Erdogan a utilisé Skype et FaceTime à deux reprises pour mobiliser le peuple turc contre les putschistes. Ses appels n’étaient pas vains puisque les 39 secondes qu’a duré l’appel à mobilisation au peuple ont été suffisantes pour que les Turcs investissent les rues, se dressent en bloc devant les tanks des putschistes et bloquent l’avancée des militaires rebelles. Il est clair que les réseaux sociaux et les appels Voip, via Skype et FaceTime, ont été déterminants dans le renversement de la situation, une heure et demie après que tout le monde ait cru que c’en était fini du régime Erdogan. L’histoire retiendra qu’une communication bien étudiée et les canaux y afférents, peuvent se révéler plus efficaces que les kalachnikovs.