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Pas assez de femmes dans le champ politique

La représentativité politique des femmes demeure encore en deçà des aspirations, que ce soit au Parlement, dans les instances locales ou au sein de l’équipe gouvernementale. Même au niveau des hautes fonctions, il s’avère difficile de briser le plafond de verre.

La représentativité politique féminine n’a pas encore atteint les objectifs escomptés. Au sein de la chambre basse, le pourcentage des femmes députées est passée de 17% lors de la neuvième législature à environ 21% après les dernières élections législatives. L’évolution demeure donc timide par rapport aux ambitions. Les instances dirigeantes des partis politiques sont épinglées sur cette question. Il faut dire que seules 10 femmes ont pu accéder lors des dernières législatives à la Chambre des députés à travers les listes locales, soit un pourcentage d’uniquement 0,3% des députés élus localement. Certains partis politiques ont fait mieux que d’autres en cooptant notamment des femmes sur la deuxième partie de la liste nationale des jeunes, mais cet effort reste insuffisant. Le Maroc demeure toujours derrière des pays similaires comme le Soudan et la Tunisie où le taux de représentativité politique féminine est de 30%.
Une grande responsabilité incombe aux partis politiques qui continuent d’accréditer des hommes qui peuvent gagner des sièges. Même les anciennes parlementaires de la liste nationale ayant acquis une grande expérience au sein de l’hémicycle ont eu du mal à convaincre les instances décisionnelles de leurs partis politiques pour les coopter sur les listes locales. Peu d’entre elles ont été mandatées aux dernières législatives.

Discrimination positive
Le mouvement féministe espère l’amendement du cadre législatif pour pouvoir donner un véritable coup de fouet à la présence des femmes au sein de l’institution législative. Rappelons que lors de la précédente législature, les députées défendaient l’objectif d’atteindre le tiers des femmes au sein de la chambre basse en proposant quelques pistes comme l’augmentation du nombre des femmes de la liste nationale ou encore la mise en place de mécanismes complémentaires au niveau régional ou préfectoral à travers des listes au niveau de chaque région ou préfecture. Elles ont plaidé aussi pour l’élection d’au moins une femme dans chaque circonscription électorale pour arriver à un minimum de 132 femmes, soit le tiers des parlementaires de la chambre basse, mais c’était peine perdue. En l’absence de mesures législatives pour améliorer la représentativité politique des femmes, le progrès ne sera pas au rendez-vous. L’expérience a démontré que sans discrimination positive, les femmes peinent à percer en politique. Au niveau de la Chambre des conseillers, la représentativité des femmes ne dépasse pas 11,66%. Quelques 14 conseillères uniquement ont accédé à la chambre haute en 2015.

À ce titre, les formations politiques sont vertement critiquées. Les syndicats ont, en effet, su se montrer plus paritaires que les partis politiques. Sur le plan des instances élues locales, le même problème se pose.

Opération de «camouflage»
Les partis politiques misent sur les cartes gagnantes comme les députés hommes qui sont soutenus sur le plan local et qui ont déjà un ancrage auprès de la population. Lors des dernières élections locales et régionales, la déception a été rendez-vous. Aucune femme n’a été propulsée à la tête des conseils régionaux ou communaux des grandes villes. Même si le taux des élues communales est passé de 12,38% à 21,18%, le mouvement féminin pointe du doigt le manque de volonté des principales formations politiques aussi bien après l’annonce des résultats des élections que lors de la phase de la cooptation des candidats. Dans la plupart des circonscriptions en 2015, rappelons-le, les formations politiques se sont contentées d’appliquer la loi en cooptant des femmes dans les listes dites «additionnelles».

Au niveau des listes générales, les femmes ont été quasi-absentes ou meublaient souvent le décor. Peu d’entre elles ont, en effet, été mandataires de ces listes. Au niveau du gouvernement, le constat reste presque le même. Pour la formation du prochain Exécutif qui tarde à voir le jour, les partis politiques sont appelés à éviter le scénario de 2012 et à nommer des femmes à la tête de départements stratégiques. Le précédent Exécutif, dans sa première version, rappelons-le, ne comptait qu’une seule femme : Bassima Hakkaoui. C’était une épine dans le pied de Benkirane d’autant plus que le gouvernement d’Abbas El Fassi comptait quelque sept femmes. Il a fallu un remaniement ministériel après le retrait du parti de l’Istiqlal pour rectifier le tir en nommant cinq autres ministres femmes aux côtés de Bassima El Hakkaoui, soit un taux de représentation d’uniquement 15%. Néanmoins, cette augmentation numérique n’avait pas permis de faire cesser les critiques acerbes. Les observateurs y voyaient une simple opération de «camouflage» : sur les six départements accordés aux femmes, quatre sont sous tutelle de ministres hommes. Le mouvement féministe appelle à changer la situation non seulement au niveau du gouvernement mais aussi dans les hautes fonctions.

Actuellement, la parité est loin d’être atteinte dans l’administration. Le taux de féminisation des postes à responsabilité (hautes fonctions, services et divisions) est de 21,5% en 2015. Ce pourcentage est beaucoup plus faible au niveau des postes stratégiques. Les femmes responsables dans l’administration publique se concentrent dans les emplois de chef de service, soit le niveau le plus bas de la hiérarchie des emplois supérieurs. Et plus on monte dans la hiérarchie administrative (chef de division, directeur et secrétaire général), plus la présence des femmes est faible. La fonction publique compte quelque 1.944 femmes chefs de services, 299 femmes chefs de division, 54 directrices centrales, quatre secrétaires générales et 4 inspectrices générales.


Khadija Rebbah
Coordinatrice nationale du Mouvement pour la démocratie paritaire (MDP)

«Il faut un système de listes paritaires alternées»

Les Inspirations ÉCO : Comment évaluez-vous l’évolution  de la représentation politique des femmes au Maroc ?
Khadija Rebbah : Les résultats de la représentation politique des femmes sont à la fois fragiles et disparates et ne reflètent pas la réalité des compétences des femmes en politique. La représentativité féminine ne dépasse pas 37,61% dans les conseils régionaux, 4,32% dans les provinces et préfectures, 21,18% dans les communes, 11,66% dans la Chambre des conseillers et 20,5% dans la Chambre des représentants.

Quels sont les mécanismes clés pour promouvoir la représentativité politique des femmes ?
Il faut étudier l’environnement juridique et institutionnel du processus électoral, analyser les stratégies utilisées pendant les élections par les différents acteurs et évaluer le processus du système électoral. Il s’avère important de faire une analyse genre des résultats des élections communales et législatives en se basant sur le Code électoral, la loi organique des partis politiques et les pratiques électives des partis politiques. Il faut évaluer le mode de scrutin actuel (liste nationale, listes additionnelles, …) en termes d’impact réel sur la présence des femmes dans ces espaces de pouvoir local et national et montrer le lien existant entre le mode de scrutin et la représentativité politique des femmes. L’institution de la parité est une condition sine qua non pour la promotion de la représentativité politique des femmes.

Faut-il garder le système du quota ou mettre en place d’autres mécanismes pour «contraindre» les partis politiques à opter pour la parité en la matière ?
Il faut instituer la parité en mettant en place un système de listes paritaires alternées avec des grandes circonscriptions.

Que faut-il faire pour booster la représentativité féminine ?
Il faut vaincre toutes les contraintes. Au sein de la société, il existe encore des représentations stéréotypées qui bannissent les femmes du champ politique local, régional et national. Au niveau de l’État, on considère que la participation politique est une affaire partisane et d’homme. Sur le plan législatif, le législateur ne prône pas la parité et continue sur des modalités d’amélioration de forme et non des améliorations de fond. S’agissant des partis politiques, les stratégies aggravent l’exclusion des femmes (les sections des femmes, le choix des candidates). Quant à l’électeur et l’électrice, ils font encore des choix de vote favorables aux candidats plutôt qu’aux candidates (milieu électoral, notables, rituel, clientélisme…)

Sur le plan législatif, que reste-t-il à faire pour booster la situation de la femme marocaine de manière générale ?
Il est important de mettre en œuvre les dispositions de la Constitution. Il faut institutionnaliser l’autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discriminations (APALD). Le projet de loi de lutte contre la violence doit être révisé en prenant en considération les amendements du mouvement féministe. La révision du cadre législatif devra toucher aussi le Code du travail et le Code pénal. Par ailleurs, les droits sociaux économiques des femmes doivent absolument être améliorés.  


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