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Modèle économique : Pourquoi le Maroc fonce droit dans le mur

Le zigzag de la croissance économique national se poursuit au gré de la performance des activités agricoles. La dernière étude du Haut-commissariat au Plan (HCP) concernant l’évolution de l’économie nationale a permis, une nouvelle fois, de pointer les faiblesses structurelles du modèle de croissance marocain.

• Croissance : La roulette russe
C’est à un véritable jeu de roulette russe que s’adonne la croissance économique marocaine. Les bonnes ou mauvaises performances de l’économie demeurent encore aujourd’hui dépendantes de la pluviométrie. Ainsi, après une décélération de la croissance économique de 4,5% en 2015 à 1,1% en 2016, celle-ci devrait connaître un rebond pour atteindre 3,6% en 2017. Cette reprise est justifiée par les prévisions d’un retour à une production moyenne de la céréaliculture et d’une consolidation de la productivité des autres cultures, de l’élevage et de la pêche maritime, le secteur primaire créerait une valeur ajoutée en hausse de 9,7%, portant sa contribution à 1,2% au PIB prévisionnel de cette année. La valeur ajoutée non agricole, de son côté, s’améliorerait à 2,4% sous l’effet d’une hausse à 2,5% du rythme de croissance du secteur secondaire et de la consolidation à 2,4% de celui du secteur tertiaire confirmant la légère reprise amorcée depuis 2015. Au total, l’économie nationale terminerait l’année 2017 avec une croissance de 3,6% et l’inflation en hausse à 2,1%.

• Un modèle en souffrance
Pour le HCP, les années 2016 et 2017 reconfirment le profil identitaire du modèle national de croissance. «Un modèle tirée par la demande intérieure et pénalisé par une demande extérieure structurellement négative», souligne Ahmed Lahlimi Alami. Avec une progression plutôt modérée à 2,3% en 2016 et 3,1% en 2017 de la consommation finale nationale et une forte reprise à 7% en 2016 puis à 4,6% de l’investissement (formation brute du capital fixe combinée à la variation de stocks), la demande intérieure devrait successivement contribuer de 3,9 points en 2016 et 2017 à la croissance économique, rejoignant son niveau d’avant 2014. La demande extérieure nette devrait, en revanche, renouer avec sa contribution négative à la croissance des années 2008-2011. En rupture avec les deux années 2014-2015 où elle était positive de l’ordre de 2,4 points en moyenne, la contribution à la croissance de la demande extérieure redeviendrait négative à 2,8 points en 2016 et à 0,3 point en 2017. «Il s’agit là de l’un des indicateurs phares de la vulnérabilité de notre modèle de croissance qui renvoie à la question de fond que le Maroc devrait résoudre, celle de la faible compétitivité de son tissu productif», affirme Lahlimi. Cette vulnérabilité est porteuse de menaces sur la soutenabilité de la croissance et la solvabilité financière du pays.

• L’import incompressible
La faible compétitivité du tissu productif marocain se traduit par une importance croissante du contenu en importations dans le cadre des composantes de la demande intérieure. «L’amélioration du niveau de vie de larges franges de la population a permis leur accès à un nouveau modèle de consommation avec l’émergence, dans son segment non alimentaire, de nouveaux besoins de biens et services souvent satisfaits par des importations plus compétitives que l’offre nationale quand celle-ci existe», explique Lahlimi.

C’est ainsi que les importations de biens et services destinés aux ménages auraient occupé une part croissante dans la balance commerciale jusqu’à atteindre 20% des importations totales. Un import qui devient de plus en plus pesant et incompressible en l’absence de substitut sur le marché national. Parallèlement, l’investissement, même en net ralentissement depuis 2010, est également à l’origine d’une importation croissante de biens d’équipement. La part de ces biens dans les importations serait passée de 19% en 2011 à 29% en 2016. Enfin, l’une des plus importantes composantes de l’import demeure les intrants intermédiaires, autre volet difficilement compressible puisqu’il s’agit de biens dont ne disposent pas le Maroc mais indispensables à certaines industries d’exportations. Ce volet a représenté un montant global de 25 milliards en 2015, au lieu de 12,7 milliards en 2011.

• Un «sentiment» de pauvreté qui monte
Peut-on ralentir la consommation des ménages ? Pour le HCP, celle-ci serait difficilement compressible sans compromettre la stabilité sociale. «Toutes les enquêtes sur le ressenti des populations montrent que le sentiment de vulnérabilité, voire de pauvreté, s’accroît avec l’amélioration des conditions de vie», explique le Haut-commissaire au plan. Ainsi, malgré la baisse du rythme de croissance du revenu brut des ménages en volume, la consommation finale des ménages en volume a maintenu un taux de croissance de 5% (2007-2010) et de 3,7% (2011-2015). Autrement dit, les populations sont attachées à préserver leur niveau de consommation et leur recours à l’endettement. La consommation des ménages a vocation à préserver une tendance croissante à la hausse. Pour le HCP, quel que soit l’effort que, légitimement, le pays pourrait évoquer pour la limiter en vue d’accroître l’épargne nationale, cet effort devrait s’exprimer dans une volonté collective issue d’un dialogue social institutionnalisé.

• Où trouver 38,5 MMDH ?
Une lecture détaillée des statistiques des échanges extérieurs démontre que les échanges de biens et services connaîtraient un déficit structurel de 100 MMDH en 2016 au lieu de 60 MMDH en 2007, respectivement de l’ordre de 10% et de 9,3% du PIB. Le déficit commercial des biens à l’exclusion des services aurait été de près de 180 MMDH en 2016. Dans ce contexte, le taux de pénétration des importations se situerait à 34% aujourd’hui. «Il atteint l’un des niveaux les plus élevés relevés dans les pays émergents, notamment parmi ceux qui réalisent un PIB autrement plus élevé que le nôtre», s’inquiète Lahlimi. Parallèlement, la demande extérieure nette aurait été respectivement de -10% et de – 9,6% du PIB en 2016 et 2017. Compte tenu des revenus nets de la propriété et des transferts du reste du monde représentant 6,3% du PIB en 2016 et 2017, ces 2 années devraient se terminer avec un besoin de financement, respectivement de 38,5 MMDH ou -3,8% du PIB et 35,8 milliards ou encore 3,4% du PIB. Le recours à l’endettement extérieur devrait couvrir près de 58% de ce besoin de financement en 2016 et de 36% en 2017.

• L’investissement peu performant
Hors de question de relâcher l’effort sur l’investissement ! Le HCP prévient que tout recul à ce niveau, comme cela a été le cas au cours des années 2013 et 2014, pourrait compromettre la croissance potentielle future de notre pays. L’étude conduite par le HCP sur le rendement du capital physique a par ailleurs mis en exergue le faible niveau de l’intensité capitalistique au Maroc, comparativement avec plusieurs pays émergents. Pour Ahmed Lahlimi, le faible rendement de l’investissement, s’explique souvent par la mauvaise gestion de ses programmes et leur allocation optimale sectorielle et technologique. «C’est à ce niveau que le pays pourrait puiser les facteurs d’amélioration de la compétitivité du tissu productif national et de la croissance économique», précise le haut responsable.

• Vigilance sur la dette du Trésor
L’encours de la dette publique globale du Maroc aurait connu une augmentation significative au cours des dernières années, même si sa décélération serait nette en 2016 et 2017. Son volume global serait passé de 81,8% du PIB en 2016, après 59,4% en 2010 marquant un accroissement de plus de 22 points de pourcentage du PIB. Plus des deux tiers de l’accroissement moyen de cette dette proviendrait de la dette directe du Trésor. Celle-ci serait passée de 49% du PIB à 64,8%, au cours de la même période.

Il faut savoir que 45% de cet accroissement de la dette publique globale s’explique par l’accroissement qu’a connu, entre 2014 et 2016, la montée en puissance de l’endettement des établissements publics. Pour le HCP, pas d’inquiétude à ce niveau mais la vigilance demeure de rigueur, d’autant plus qu’aujourd’hui la dette extérieure des établissements publics aurait tendance à prendre le pas sur celle du Trésor et que l’environnement international décline de réelles menaces sur les coûts de financement de l’économie.


1,1% de croissance en 2016

Face à une année de sécheresse, le secteur primaire a terminé l’année avec une baisse de 9,8% de sa valeur ajoutée et une contribution de -1,3% au PIB national. L’activité hors agriculture a connu une décélération du rythme de croissance du secteur secondaire et les performances modérées des activités tertiaires. Ceci s’est traduit par une faible performance due, en particulier, au ralentissement à 1,9% de croissance du secteur secondaire et à la faible reprise à 2,3% des activités tertiaires. Selon le HCP, la croissance du PIB serait, compte tenu de ces évolutions, de 1,1% et l’inflation de 1,7%. 



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