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Mélilia : Les basses manœuvres du PSOE

Le programme électoral du PSOE de Melilia propose une adhésion de l’enclave à l’espace douanier européen pour profiter des accords avec le Maroc.

Les relations commerciales entre le Maroc et Melilia sont un enjeu électoral de taille, pour les différents partis politiques de l’enclave. À Melilia, le parti socialiste PSOE a inscrit l’intégration à l’espace douanier de l’Union européenne comme mesure phare dans son programme électoral. De ce fait, pour contourner l’essoufflement du commerce de contrebande entre les deux régions, le PSOE propose de solliciter l’admission de l’enclave au sein de l’espace douanier communautaire. Toutefois, le préside veut le beurre et l’argent du beurre.

Ainsi, le candidat socialiste au Sénat espagnol Juan Angel Berel suggère le maintien de la taxe spéciale, appelée taxe sur les produits et services et l’importation (IPSI), au lieu de la TVA. Une manœuvre visant à ne pas altérer l’attractivité, en termes de prix, des produits destinés au marché national. Cette taxe appliquée à Sebta et Melilia est, bien entendu, inférieure à la TVA (21%). Les défenseurs de cette thèse estiment que cette mise à l’écart prive le préside d’un marché de 300 millions de consommateurs. «Aussi, nous sommes isolés du marché marocain, qui est une zone en plein essor, vu que les accords commerciaux préférentiels sont signés entre l’Union européenne et le Maroc, et Melilia reste en dehors de ces marchés», défendent-ils.

Les socialistes de Melilia ont déjà en tête le modèle à suivre pour mettre en œuvre leur mesure. Ceux-ci suggèrent de suivre le modèle canarien, ayant déjà fait ses preuves selon eux et offrant des avantages, en termes d’appartenance à l’espace douanier communautaire, tout en appliquant un taux d’imposition inférieur à la TVA. De plus, le PSOE propose de convertir la ville en zone franche, profitant ainsi de sa petite taille. À cet effet, les droits de douane seront nuls et la mesure devrait «encourager l’exportation de nos produits», soutient le PSOE de Melilia.

De plus, les ambitions de Melilia consistent également à produire des biens au moyen de la matière première marocaine. Outre le volet purement économique et commercial, le PSOE a miroité une «possibilité» de décrocher, finalement, une reconnaissance indirecte de la part du Maroc de l’enclave comme territoire espagnol. Cette entrée obligerait le Maroc à reconnaître Melilia comme frontière européenne, et confirmer de facto la souveraineté espagnole sur le préside, tout en renforçant «son hispanité», promettent les socialistes de Melilia. Cette nouvelle donne devrait mettre fin à toute «revendication annexionniste de la part du pays voisin», projette le candidat en lice au Sénat espagnol. La proposition des socialistes de Melilia semblent faire des émules au sein des institutions européennes.

D’ailleurs, cette mesure électoraliste coïncide -ou a été synchronisée- avec la sortie d’une eurodéputée qui réclame la fin du commerce atypique entre le Maroc et le préside.  Selon l’édile communautaire Beatriz Becerra, du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, le commerce entre les deux enclaves et le Maroc est un terrain propice au jihadisme et au terrorisme. Dans une question enregistrée au Parlement européen, la députée espagnole a estimé que l’exclusion des deux villes de l’espace douanier européen favorise l’éclosion d’activités jihadistes.

L’eurodéputée a étayé ses propos en invoquant une analyse de Abderrahim Manar Slimi, le présentant comme un expert en terrorisme. Selon ce dernier, ce trafic toléré de marchandises permet le passage de terroristes à Sebta grâce à la connivence des trafiquants de marchandises. De plus, la députée européenne a remis sur le tapis la sempiternelle question de la reconnaissance du passage de Biutz à Sebta et l’absence de douane commerciale entre les deux frontières, ainsi que le non-respect des droits et de la dignité des femmes-mulets.

Pour conclure sa requête, Becerra considère que cette exclusion n’est pas en ligne avec la politique extérieure de l’UE. Cependant, les projets du PSOE se heurtent à une grande résistance de la part des commerçants de la ville et du parti rival, le Parti populaire (PP). L’association des commerçants a farouchement rejeté cette proposition, prophétisant la fin de ses affaires avec le Maroc en cas d’intégration à l’espace douanier européen. Une opposition soutenue par le PP, aux commandes du préside, qui y voit également la dégringolade des affaires des marchands de l’enclave.


 

Khalid Chegraoui
Professeur d’histoire et d’anthropologie politique à l’université Mohammed V de Rabat.

L’ambition d’intégrer Melilia au marché douanier de l’UE ne sera pas facile à réaliser. D’abord, parce que la question doit également être traitée au sein des institutions de l’UE. Sur le plan multilatéral, les intérêts divergent au sein de la communauté européenne, ce qui rendra la tâche plus ardue. Mais plus que les difficultés régionales, des obstacles internes sont à prendre en considération. Traditionnellement, la question de Sebta et Melilia est idéologiquement lié à la droite politique espagnole, c’est-à-dire l’ancien parti colonialiste. Dans ce contexte, cette question de l’adhésion de Melilia à l’espace douanier européen apparaît plutôt comme un programme politique en quête de nouvelles voix. Il est facile de proclamer les choses dans le cadre d’un programme électoral mais il est plus difficile de les réaliser ensuite. Il existe des raisons d’État que le parti ne pourra outrepasser une fois au pouvoir. À moins qu’il atteigne le pouvoir avec une majorité absolue pour légiférer à sa guise, ce qui est fort improbable. Enfin, les relations économiques et sécuritaires et la coopération en matière de lutte antiterroriste font du Maroc un allié stratégique pour Madrid. La réalité du terrain veut qu’aujourd’hui, Sebta et Melilia ne peuvent pas vivre en dehors de l’espace marocain. La politique de mise à niveau des économies de la région du nord avec des mégaprojets tels que Tanger Med et Marchica est en train de porter ses fruits. Ces deux villes seront obligées de s’allier un jour ou l’autre à l’espace territoriale Marocain. Cela étant, ces menaces doivent être prises au sérieux par le Maroc appelé à développer des scénarios de réponse vis-à-vis de l’Espagne ou de l’UE.


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