Maroc-UE. Comment redémarrer la machine de la coopération
La coopération Maroc-UE a connu un sérieux de coup de frein depuis 2015. Suite au dernier vote du Parlement européen de l’Accord agricole, les deux parties annoncent une reprise du dialogue stratégique. L’ambassadrice de l’UE à Rabat livre ses priorités.
Les relations Maroc-Union européenne (UE) ont connu une traversée du désert entre décembre 2015 et décembre 2018,. En février 2016, le Maroc annonçait «couper tout contact avec les institutions européennes». Ce partenariat vieux de 50 ans a failli se perdre entre les différents arrêts de la justice européenne de 2015, 2016 et 2018 relatifs à l’Accord agricole et à l’Accord de pêche. «Notre relation avec le Maroc peut traverser des phases de crise, mais c’est comme dans toute bonne famille», affirme Claudia Wiedey, ambassadrice, chef de la Délégation de l’Union européenne au Maroc dans une interview exclusive accordée aux Inspirations ÉCO. Ce poste est resté vacant des mois durant, signe d’une tension entre les deux parties. À son arrivée à Rabat, la diplomate devait panser les blessures causées par les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). En poste au Maroc depuis octobre 2017, Weidey entend faire le bilan de cette coopération technique et financière et la relancer. «Nous avons tourné cette page», se réjouit la diplomate européenne d’origine allemande. Un optimisme affiché grâce «au vote convaincant et fort du Parlement européen». L’Accord agricole a été voté le 16 janvier dernier par les députés européens avec une large majorité de 444 députés, 167 députés contre et 68 absentions. Ce vote et la série de rencontres entre officiels marocains et européens tenus récemment mettent fin à cette tension diplomatique. Cet épisode a été clos par la visite au Maroc de Federica Mogherini, haute représentante de l’union pour les Affaires étrangères et de sécurité.
«Le Maroc est déjà un partenaire stratégique de l’Union européenne, un partenaire clé de notre voisinage immédiat, oriental et méridional, avec lequel nous avons développé un partenariat durable et précieux pendant cinquante ans», rappelait-t-elle à la fin de sa mission.
En cette nouvelle ère, l’UE veut aller plus loin. «Nous aspirons maintenant, tous les deux, à un saut qualitatif dans nos relations pour bâtir un partenariat à vocation régionale qui regarde la Méditerranée, qui regarde le Monde arabe et l’Afrique, qui soit à la hauteur de nos attentes […]. L’UE est prête à soutenir le Maroc et ses priorités nationales dans ce contexte», avait déclaré la haute représentante à la fin de sa visite au Maroc, marquée par une rencontre avec le roi Mohammed VI (photo).
Dans ce «nouveau chapitre», comme le décrit l’UE, la Commission européenne (CE) souhaite la reprise des axes de la coopération «le plus rapidement possible». Parmi les questions prioritaires pour la CE figure la reprise des négociations de l’ALECA. Ce nouvel accord commercial, craint par une partie du secteur privé marocain, est à nouveau sur la table. «Une réflexion est en cours», poursuit l’ambassadrice. L’UE et le Maroc veulent aussi reprendre le dialogue stratégique. «Un calendrier ambitieux a déjà été arrêté», souligne Weidey.
Un Conseil d’association est prévu pour «juin ou juillet prochain», avance cette diplomate proche de Mogherini. Avant, l’UE souhaite une relance des mécanismes de dialogue, notamment les dix sous-groupes thématiques chargés d’étudier en détails les volets de la coopération entre les deux parties. L’UE veut même aborder les questions «difficiles», parmi elles les questions politiques et de droits humains. L’UE compte aussi sur le Maroc sur des sujets qui constituent des priorités pour elle, notamment la gestion de l’immigration irrégulière aux frontières Sud de l’Europe: «Cette nouvelle phase nous permettra aussi de discuter encore mieux et encore plus des questions qui ont besoin d’être discutées entre voisins et partenaires, comme nous le sommes, telles que la sécurité et les migrations». En attendant, cette nouvelle ère fait face à un premier test: celui du vote en plénière, au Parlement européen, de l’Accord de pêche prévu le 13 février prochain.
«Les noces d’or» du Maroc et de l’UE
Les relations entre les deux parties fêtent cinq décennies de relations commerciales et politiques, ainsi que quatre décennies de présence sur le sol marocain via une représentation diplomatique. L’UE au Maroc entend célébrer ces deux anniversaires comme il se doit. «Nous allons en profiter pour faire le bilan et relancer le partenariat», indique l’ambassadrice de l’UE à Rabat. Au programme aussi, la mise en avant des liens d’amitié entre les deux parties. «Nous comptons, parmi nos équipes, des personnes présentes au Maroc depuis quarante ans. Cette richesse humaine sera rappelée lors de ces festivités», annonce-t-elle. L’UE devrait faire le tour de trois universités marocaines (Beni Mellal, Oujda et Agadir) pour présenter ses programmes. L’année 2019 sera aussi marquée par la visite de responsables de haut niveau au Maroc pour consolider le partenariat.