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Les 6 griefs du Conseil de l’Union européenne

Le pourvoi en appel du Conseil de l’Union européenne livre enfin ses secrets. Le conseil y énumère les principales erreurs de droit sur lesquelles il base son recours en annulation. Il demande en outre une condamnation aux dépens du Front Polisario.

C’est un dossier d’appel solide que semble avoir monté le Conseil de l’Union européenne dans le cadre de l’affaire de l’annulation de l’Accord agricole. Les détails concernant le pourvoi en appel, déposé officiellement le 19 février dernier, viennent d’être publiés au Journal officiel de l’Union européenne. Selon le document, le Conseil de l’UE attend du tribunal de se prononcer en annulation à l’encontre de son arrêt dans l’affaire porté devant la huitième chambre du tribunal par le Front Polisario. Il requiert également du tribunal de se prononcer à titre définitif sur les questions faisant l’objet du pourvoi en rejetant le recours en annulation de l’acte attaqué formé par le Front Polisario.

Pour se défendre, le Conseil de l’UE semble tirer l’affaire vers des questions de vices de procédure. «Une démarche somme toute logique vu que c’est bien là que se trouvent les principales erreurs de droit», estime Rachid Diouri, avocat au barreau de Casablanca. D’erreurs, le conseil de l’UE en énumère six. En premier lieu, le conseil estime que le tribunal a commis une erreur de droit en concluant que le Front Polisario avait qualité pour agir devant la juridiction de l’Union européenne. La Cour semble avoir accordé la capacité d’ester en justice au Front Polisario sur la base d’arguments pour le moins obscurs.

Ainsi, bien qu’affirmant que cette entité ne disposait pas de personnalité juridique, le tribunal a estimé que le Front Polisario doit être considéré comme une «personne morale» et qu’il peut introduire un recours en annulation devant le juge de l’union. Le seul argument avancé par le tribunal à ce niveau est que la personnalité juridique ne saurait être accordée que selon le droit d’un État membre ou d’un État tiers.

Dans ces conditions, le Polisario «ne saurait disposer d’une telle personnalité que conformément au droit du Sahara occidental qui n’est toutefois, à l’heure actuelle, pas un État reconnu par l’union et ses États membres et ne dispose pas de son propre droit», souligne la Cour dans son arrêt aujourd’hui objet du recours en appel. Les avocats de la partie européenne semblent vouloir exploiter au maximum cette faille.

Le Conseil de l’UE soutient également que le tribunal a commis une erreur de droit en concluant que le requérant était directement et individuellement concerné par la décision annulée. Dans son argumentaire, la Cour avait en effet considéré que les effets de l’accord agricole «concernent directement non seulement le Royaume du Maroc mais également le Front Polisario, dans la mesure où […] le statut international définitif de ce territoire n’a pas encore été déterminé et doit être déterminé dans le cadre d’une procédure de négociations, sous l’égide de l’ONU, entre le Royaume du Maroc et, précisément, le Front Polisario».

Toujours dans le cadre des vices de procédure relevés par le conseil, celui-ci reproche au tribunal d’avoir commis une erreur de droit en fondant l’annulation qu’il a prononcée sur un moyen qui n’avait pas été invoqué par le requérant et sur lequel le conseil n’a pas eu la possibilité de se défendre. Le conseil conteste d’ailleurs l’argument selon lequel le Conseil de l’UE devait s’assurer lui-même du fait qu’il n’existait pas d’indices d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux.

C’est dans cette mesure que le conseil fait grief aussi au tribunal d’avoir commis une erreur de droit en concluant que le conseil était tenu d’examiner, avant d’adopter la décision annulée, l’impact possible des activités de production des produits couverts par l’accord conclu par la décision annulée sur les droits de l’Homme de la population du Sahara occidental. Enfin, le conseil fait valoir le fait que le tribunal a commis une erreur de droit en opérant une annulation partielle de la décision contestée ayant pour effet de modifier la substance de celle-ci.

Autrement dit, toute annulation partielle de l’accord reviendrait à une fin du traité. Et pour cause, celle-ci produirait un tel déséquilibre dans ses dispositions qu’il tomberait de facto en désuétude, menant à sa dénonciation par l’une des parties. Pour rappel, l’arrêt portant annulation de l’accord agricole avait été rendu le 10 décembre 2015. S’en est suivie une longue période de tensions entre le Maroc et l’UE, aboutissant même à une suspension des relations entre les deux parties. Celles-ci ont été rétablies vers fin mars dernier. 


 

Facture salée pour le Polisario ?
Le Polisario risque gros dans le cadre de ce pourvoi en appel. Le Conseil de l’UE requiert une condamnation aux dépens exposés par le Conseil en première instance et dans le cadre du présent pourvoi. Concrètement, cela signifie qu’en cas d’annulation de la décision du tribunal de première instance, le Polisario sera amené à payer tout ou partie du coût du procès supporté par le conseil. La facture risque donc d’être salée pour les représentants du Polisario. Il est à noter que dans le cadre de la décision en première instance, le tribunal avait condamné le conseil et la commission à supporter chacun leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Front Polisario.

 



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