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Le libre-échange sous tension

Un an après la fin du démantèlement tarifaire avec la Turquie, le Maroc n’a toujours pas équilibré ses échanges commerciaux avec le partenaire turc. Le royaume devrait fournir un effort de diversification des échanges et activer de meilleurs leviers de défense commerciale.

L’Accord de libre-échange entre le Maroc et la Turquie aura 11 ans le 1er janvier prochain. Entré en vigueur en 2006, ledit accord a connu une période de démantèlement tarifaire de 10 ans qui s’est conclue début 2016. Un an après la fin du démantèlement, le Maroc connaît toujours un commerce instable et une balance commerciale largement déficitaire avec le pays d’Atatürk. Marchés publics, BTP, agroalimentaire, textile…La concurrence turque n’en finit pas de causer des soucis aux opérateurs marocains et des différends juridiques opposent de plus en plus les deux pays.

Un déficit colossal
Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange (ALE) avec la Turquie, le déficit de la balance commerciale n’a cessé de se creuser. Après la fin du démantèlement tarifaire de 10 ans en janvier 2016, la concurrence turque devrait prendre encore plus d’élan sur le marché marocain. Les premiers chiffres de l’échange bilatéral entre le Maroc et la Turquie pour l’année 2016 sont peu rassurants. À fin juin 2016, les importations se sont déjà inscrites à 9,5 MMDH tandis que l’export se situe à 3 MMDH. Tout porte à croire que cette dynamique commerciale s’est poursuivie durant le deuxième semestre de l’année. Les chiffres définitifs ne sont pas encore disponibles auprès de l’Office des changes, mais les projections opérées sur l’année en cours présagent d’un export turc frôlant les 20 MMDH à fin décembre ce qui correspond à une progression d’environ 25% par rapport à l’année dernière. L’export marocain pour sa part ne devrait pas dépasser les 6 MMDH s’inscrivant au même niveau que celui des années précédentes. Des voix commencent à s’élever auprès des professionnels afin de stopper la déferlante.

Défense commerciale
Chez l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), une étude est déjà en cours afin de réunir les preuves de l’existence de pratiques anticoncurrentielles. Les acteurs de l’agroalimentaire connaissent également des difficultés sur le marché national à cause de la multiplication des produits turcs, amplifiée par l’implantation de grandes chaînes de distribution sur le marché marocain. Des requêtes antidumping sont en cours de traitement par l’administration marocaine, à l’instar du dossier des réfrigérateurs turcs, objet d’une enquête depuis mars dernier. Une procédure de surveillance a d’ailleurs été activée par le département chargé de la défense commerciale. D’autres dossiers ont d’ores et déjà été tranchés par l’administration marocaine, notamment en ce qui concerne les importations d’aciers. C’est d’ailleurs cette affaire qui a mené la Turquie à introduire en octobre dernier une plainte contre le Maroc auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En cause, les mesures antidumping visant l’acier appliquées par le Maroc depuis septembre 2014. Le pays a, dans un premier temps, demandé l’ouverture de consultations avec le Maroc au sujet de droits antidumping que ce dernier impose sur les importations de produits turcs en acier laminé à chaud. La Turquie allègue que les mesures marocaines sont incompatibles avec un certain nombre de dispositions de procédure et de fond de l’Accord antidumping de l’OMC.

Bataille juridique
La demande de consultations constitue le point de départ formel de la procédure de règlement des différends dans le cadre de l’OMC. Les consultations donnent aux parties l’occasion d’examiner la question et de trouver une solution satisfaisante sans engager une procédure. Au bout de 60 jours, si les consultations n’ont pas permis de résoudre le différend, le plaignant peut demander que la question soit soumise au processus juridictionnel d’un groupe spécial. «À ce jour, nous poursuivons encore nos consultations tant qu’aucune partie n’a demandé à passer en procédure contentieuse», explique Mohamed Benayad, secrétaire général du ministère du Commerce extérieur. L’industrie manufacturière turque profite d’un système d’aide publique robuste permettant un avantage comparatif important dans certains secteurs, notamment le textile. Les exportations turques sont également mieux accompagnées et soutenues en termes de réglementation, de subventions ou encore d’incitations. En Turquie, l’industrie profite d’une compétitivité énergétique, de réductions fiscales, de remboursements de la TVA, de la baisse des taux d’intérêt sur les crédits, etc. De plus, le gouvernement turc est continuellement engagé dans le développement de ces mécanismes de soutien tant au stade de la production qu’à celui des exportations.


Effort de diversification

Le Maroc importe de la Turquie des demi-produits et de la matière première, profitant notamment des règles d’origine Paneuromed pour réexporter ces produits, une fois traités, vers l’Union européenne. Il importe également des voitures industrielles, des tracteurs et des réfrigérateurs domestiques. Le royaume exporte vers la Turquie principalement de l’acide phosphorique. La Turquie est le 4e pays importateur mondial de ce type de produit à partir du Maroc. Les importations turques concernent également la pâte à papier et les phosphates. Il est à noter que l’essentiel des produits exportés par le Maroc sont concentrés sur quelques produits, en particulier les produits dérivés des phosphates. Parallèlement, les IDE demeure limités tant en nombre qu’en diversité. Un retard attribué essentiellement à une méconnaissance du marché marocain ainsi qu’à un obstacle de langue. Pour rétablir de l’ordre dans les échanges, le Conseil d’affaires maroco-turc a identifié certains secteurs importants jugés prioritaires pour le développement des relations économiques entre les deux pays. Outre l’automobile, les secteurs identifiés sont l’agro-industrie, le transport, l’hôtellerie, la chimie et le tourisme. 



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