Le diagnostic d’Akhannouch
En marge d’un programme intensif qui a marqué le lancement, vendredi dernier, de la Semaine verte de Berlin à laquelle le Maroc prend part jusqu’au 24 janvier, en tant qu’invité d’honneur, le ministre Aziz Akhannouch a rencontré la presse pour partager sa vision sur un certain nombre de dossiers. Ce qu’il a dit à propos…
…De la Semaine verte de Berlin
C’est un événement important pour l’agriculture marocaine, une vraie reconnaissance de la valeur du travail des agriculteurs depuis le lancement du Plan Maroc Vert (PMV). Je pense qu’être l’invité d’honneur en Allemagne, importante puissance exportatrice, et avoir la reconnaissance des officiels allemands que le produit marocain est de qualité et adressé au gotha des agroindustriels allemands est très important. Nous essayons de présenter les légumes et fruits phares, mais nous essayons aussi de nous démarquer, notamment, par les produits du terroir qui ont fait un saut qualitatif, ces dernières années. Nous avons vu des Groupements d’intérêt économique et des coopératives progresser, de manière qualitative, sur le volet qualité, emballage, présentation, adaptation…et ils reviennent de ce type de salons avec des carnets de commandes consistants.
…De l’impact attendu de la participation à la Semaine verte de Berlin
Déjà, lors de ce salon, il faut savoir que les participants ne font pas qu’exposer, ils commercialisent, également. Ensuite, le pavillon marocain est positionné de telle sorte qu’il soit vu par tous les visiteurs du salon. C’est une vitrine d’un point de vue agricole, mais aussi touristique, d’image et aussi sur le plan du positionnement et de l’image. Nous voulons montrer que l’agriculture ce n’est pas seulement les fruits et légumes, c’est une diversité et une richesse. Beaucoup ont l’impression que le paysage agricole se réduit à une vingtaine ou trentaine de grands agriculteurs, or, le champ agricole comprend une multitude de petits agriculteurs. Ce sont eux les plus importants.
…Des relations maroco-allemandes dans le domaine agricole
Nous œuvrons à travailler en étroite collaboration avec les Allemands, notamment, en matière de Recherche & développement, de formation et de conseil agricole. Nous avons mis en place, avec eux, un centre qui a très bien réussi à Benslimane. Ils ont amené de nombreux équipements, ont formé les ressources censées former, à leur tour, les agriculteurs. Près de 750.000 agriculteurs ont bénéficié des formations de ce centre en matière de techniques agricoles. L’accord signé avec les officiels allemands, au lancement de la Semaine verte de Berlin, prévoit le prolongement des activités de ce centre, qui sera ensuite amené à toucher les interprofessions et le secteur privé.
…De l’avancement du Plan Maroc Vert
De manière générale, le PMV a avancé. Pour donner des exemples, je dirais d’abord, qu’il y a eu un décollage net de la productivité qui a gagné plus de 30%, par exemple, sur la productivité végétale. Depuis que le PMV a été lancé, les équipements en goutte-à-goutte ont été multipliés par deux. Une évolution de 120% est enregistrée au niveau du taux d’utilisation des semences. S’agissant de l’utilisation des tracteurs, nous sommes passés de 5,3 tracteurs par mille hectares à 7,08, ce qui nous place dans les standards internationaux.
…Du retard des pluies
Cette année connaît des difficultés par rapport au retard des précipitations. La vérité est que nous sortons d’une bonne année, ce qui veut dire que la matière première est encore là et que les conditions dans le monde rural sont encore stables, mais cela dépendra de la pluviométrie. Nous sommes plutôt optimistes, par rapport aux prévisions de janvier et février, mais s’il y a des actions à envisager, elles se feront avant la fin du mois. Tout dépendra des pluies. Du Gharb au nord, nous ne nous inquiétons pas beaucoup, par contre du Gharb au sud, il y a du retard important. Mais avec cela, rappelons qu’un million d’hectares sont couverts par les assurances. Si les pluies tombent incessamment, la céréale donnera certes à peine un rendement moyen, mais elles seront bénéfiques aux arbres fruitiers, le million d’hectares d’olives, les 110.000 ha d’oranges, les cultures printanières aussi, mais surtout l’élevage.
…Du dossier de l’accord agricole
Du côté marocain, nous estimons que l’accord a été signé et approuvé par les deux Parlements. Nous ne pouvons donc pas comprendre qu’il y ait un changement de cap par rapport à cela. Je pense que la position du ministère des Affaires étrangères est claire et tranchée et aucune négociation n’est envisageable à ce sujet. La position de tous les États de l’UE s’accorde sur la décision d’aller en justice et ester en appel à la fin du mois. Maintenant, il est clair que les positions des parlementaires divergent en fonction des lobbies…Le dossier est maintenant une affaire de justice interne à l’UE. De son côté, le Maroc suit ce dossier, très sensible, de très près.
…De l’équation agriculture, COP22 et Bio
La dynamique du Bio est enclenchée. Les opérateurs se sont organisés, se sont développés, une loi a été mise en place en la matière et les décrets y relatifs ont été établis… aujourd’hui, donc, le Maroc a tout un arsenal juridique en la matière. Un accord a aussi été signé pour que l’État subventionne les agricultures Bio. C’est une niche très importante qu’il va falloir accompagner de plus en plus. Entre 30 à 50.000 hectares sont déjà Bio, sans compter les palmiers-dattiers et l’arganier qui sont Bio d’office.
…De la promotion agricole et la régionalisation
À son lancement, le Plan Maroc Vert avait mis en place des conventions avec les 16 régions. C’est là une sorte de régionalisation via le Plan agricole régional. Aujourd’hui, la vision régionalisée est là et le nouveau découpage en 12 régions aussi, ce qui impose l’actualisation de cette configuration. Je pense qu’il peut y avoir une vision commune de l’agriculture marocaine, il n’en demeure pas moins que c’est l’un des secteurs les plus décentralisés au Maroc.
… des disparités sur le produit marocain entre marché local et à l’export
Cela dépend des cycles. Cette année par exemple, il y a un peu plus de pression en l’absence des pluies, la Russie, de con côté, pompe sur le marché mais nous restons tout de même sur des prix parmi les moins chers. Nous avons fait des benchmarks internationaux en la matière et il en ressort que les prix de fruits et légumes, pratiqués au Maroc, sont parmi les moins chers de la région. S’agissant de la différence sur la qualité du produit marocain, présenté à l’étranger et celui commercialisé au Maroc, c’est la responsabilité des grossistes. Les marchés de gros ne sont pas transparents, ne sont pas modernes, ce qui fait que l’agriculteur ne prend pas en compte l’aspect «qualité» pour les produits qu’il y présente. Si les marchés de gros étaient modernes et conformes aux normes, cela ne serait pas le cas. Maintenant, il faut savoir que la réforme, qui a été mise en place, via la nouvelle mouture de la charte communale, ouvre la voie aux privés d’avoir leurs propres marchés. Il reste, à présent, à en établir le modèle et les mécanismes. D’autre part, nous travaillons avec d’autres administrations sur un projet de modernisation de ces marchés.
…De la difficulté d’accès de certains produits aux marchés étrangers
-Les autorités sanitaires travaillent sur la question. La sensibilité qui entoure le produit animal, par rapport aux maladies, fait que, dès qu’une maladie est déclarée quelque part, c’est tout le produit qui est interdit… les services de l’ONSSA travaillent intensément sur la question avec les services de l’Union européenne. Mais, il faut dire que jusque-là, le Maroc n’était pas forcément dans cette configuration, n’étant pas exportateur de viandes (blanches et rouges) et n’ayant pas assez de miel à exporter. Aujourd’hui, il y a une autosuffisance et, par exemple, les ovins peuvent maintenant être exportés.
Pour ce qui est des normes sanitaires, je ne pense pas que cela soit le problème : le Maroc aurait pu être beaucoup plus agressif s’il avait une offre convenable. Aujourd’hui, notre offre est destinée au marché local et ce n’est que depuis deux années que nous avons commencé à exporter des œufs et le poulet vers l’Afrique, ce qui est suffisant. Cela dépend aussi de la capacité du marché.
…De l’opportunité ouverte sur le marché russe
C’est une affaire commerciale. Ce marché formule de la demande sur les produits marocains et les exportateurs travaillent en bonne intelligence pour tenter de satisfaire les exigences de ce marché. Tout ce que je peux dire, c’est que cela se passe bien.
…De l’économie solidaire
Déjà, le fait que les opérateurs s’organisent en coopérative puis en GIE, est, en soi, une bonne chose. Après, il s’agit de leur donner les moyens de se développer. À ce titre, l’Agence de développement agricole (ADA) s’est attelée à construire des plateformes dans différentes régions pour le stockage. L’Agence effectue aussi un travail remarquable pour rapprocher les Grandes et moyennes surfaces (GMS) du Maroc et les opérateurs, déployer des actions de suivi, de conseil, de formation…dans le cadre des conventions que nous avons avec les GMS.
…De Maroc Taswiq
Dans le paysage agricole, je ne vois pas où peut être la place de Maroc Taswiq. Je prône le secteur privé (coopératives…). Maintenant, pour l’accompagnement sur la promotion, il existe Maroc Export, l’EACCE… je ne vois pas pourquoi l’État se chargerait de la commercialisation de produits agricoles, alors que c’est le rôle du secteur privé. À l’opposé, l’État est là pour l’accompagnement. Maintenant, pour fusionner Maroc Taswiq ou l’absorber… je dirais que s’il en était question, je n’en verrai pas le besoin car je prône la liberté d’entreprendre pour les agriculteurs.
…Et, enfin, de la décompensation du sucre
Cette problématique est à l’ordre du jour. En tant que département de l’Agriculture, le plus important pour nous est de sauvegarder les intérêts des 80.000 agriculteurs qui travaillent dans la betterave. C’est là notre rôle !