«Globalement, ce gouvernement n’a pas déçu»
Les Inspirations ÉCO : L’approche des élections impose des interrogations quant à votre programme électoral. Mais avant de traiter ce volet, quelle est votre évaluation du mandat de l’actuel gouvernement dont vous faites partie ?
Mohand Laenser : Permettez-moi de vous dire que la majorité des diagnostics qui se font actuellement sont loin d’être objectifs. Il ne faut pas se leurrer: la conjoncture internationale impose ses aléas. Ceci dit, pour nous au Mouvement Populaire, l’évaluation du mandat de l’actuel gouvernement est très positive. Quels sont vous arguments, me direz-vous ? Même si les comparaisons font souvent des trahisons, je peux vous assurer que jamais un gouvernement au Maroc n’a pris des décisions aussi courageuses que celui de Abdelilah Benkirane. J’ai occupé le poste de ministre dans plusieurs Exécutifs, notamment celui de Mohamed Karim Lamrani et de Driss Jettou, et je peux assurer qu’il s’agit de très bonnes décisions. La réforme de la Caisse de compensation, la réforme des caisses de retraite, le programme des aides directes aux veuves… Globalement, ce gouvernement n’a pas déçu.
Toutefois, les Marocains et certains médias, disent que ce gouvernement a poussé à des proportions irraisonnables le coût de plusieurs nécessités quotidiennes…
En avançant ce genre de jugements, on met de côté plusieurs réalisations. On semble oublier le taux d’inflation qui a remarquablement baissé. Ceux qui avancent que les prix des produits de consommation (tels que les légumes) ont emprunté une tendance haussière doivent nous fournir des exemples. Les Marocains seront d’accord que ce ne sont pas les prix de tous les produits qui ont grimpé -et pas sur de longues durées en tout cas- puisque le gouvernement peut répondre en mettant en avant les périodes de baisse de ces mêmes prix. Nous sommes en pleine période électorale, les évaluations ne sont pas du tout objectives. Il est par exemple vrai que nous avons perdu environ 64.000 emplois dans le monde rural, mais, il faut dans ce cas, en cerner la raison directe.
Comment voyez-vous l’apport des ministres harakistes dans l’actuel Exécutif ?
Je n’aime pas parler, de manière unilatérale, du travail des ministres du Mouvement populaire puisque nous sommes au sein d’une équipe gouvernementale. Le travail d’un gouvernement est une œuvre collective. Par exemple, le travail accompli par le ministère de l’Urbanisme pour le désenclavement du monde rural a été réalisé grâce à l’intervention de plusieurs départements, notamment celui de l’Intérieur, qui accordé les autorisations, et celui de l’Équipement, qui a été derrière le raccordement de plusieurs zones aux routes. En ce qui concerne le tourisme, la conjoncture a été difficile au niveau mondial, et le Maroc en a souffert, mais ce n’est pas lié au ministère. Ainsi, aucun des ministres du Mouvement populaire n’a échoué dans sa mission. L’on pourra, à cet égard, évoquer aussi l’exemple du ministre de la Jeunesse et des sports qui a démissionné. Le temps a prouvé que cette démission était une décision positive, qui témoigne de ce que peut faire un ministre pour apaiser la colère de l’opinion publique.
Puisque vous évoquez le cas de Mohamed Ouzzine, l’ancien ministre de la Jeunesse et des sports, d’aucuns avaient estimé à l’époque que le MP a laissé Ouzzine faire cavalier seul, l’abandonnant face à la colère de la rue…
Pas du tout. Nous avons évalué la situation avec le ministre. Nous étions certains, preuves à l’appui, que ce n’était pas de sa faute. Nous avons aussi passé en revue les conséquences que le parti aurait à subir s’il persistait à défendre son ministre face à l’ire de l’opinion publique. Le ministre ne doit pas subir l’incompétence d’une entreprise. Pendant cette crise, nous étions certains d’une chose: il était question de football et personne n’ignore l’importance de ce sport pour les Marocains. Pour vous donner un exemple, quelques jours avant l’incident du terrain de Rabat survenait l’accident de Tichka, mais la question n’a pas été traitée par l’opinion publique de la même manière.
Lors de polémique sur les déchets importés d’Italie, Hakima El Haité, la ministre chargée de l’Environnement, n’a eu aucun soutien de votre part. Pourquoi ?
Depuis le déclenchement de l’affaire, nous savions bien que ce n’était pas la première fois que le Maroc importait des déchets. Nous avons appelé à une réunion urgente avec la ministre et elle a assuré que son département a pris toutes les mesures nécessaires pour l’importation des déchets. Nous avons sollicité le Chef de gouvernement pour la mise en place d’un comité d’enquête. La décision d’arrêter l’importation des déchets, prise en réaction à cette crise, a été celle du gouvernement. La ministre a fait montre d’une forte capacité d’endurance dans ce dossier.
Nous remarquons depuis quelques temps l’émergence d’un mouvement dit correctionnel au sein du Mouvement populaire, appelé le Mouvement populaire authentique. Que pouvez-vous nous en dire ?
Je vais vous répondre par une autre interrogation. Si c’était vraiment un mouvement correctionnel, pourquoi aurait-il été voué à l’échec? Je n’ai jamais été contre les critiques fondées. Néanmoins, ces critiques doivent être formulées dans le cadre des structures du parti.
La candidature ou non du ministre Haddad pour les prochaines élections législatives a beaucoup fait parler d’elle…
C’est de son propre chef que Lahcen Haddad a décidé de ne pas se présenter aux élections. J’ai eu un entretien avec Haddad avant de tenir une réunion avec le comité exécutif. Tout le monde est sorti de cette réunion convaincu que la personne qui se présentera face à Haddad a plus de chance de remporter le siège. Haddad est un homme d’État et il peut comprendre les contraintes des périodes électorales. Il s’est peut-être senti lésé.
Est-ce pour cette raison qu’il a décidé d’aller vers le Parti de l’Istiqlal ?
J’ai lu cette information dans la presse et cela est dangereux, à mon sens, pour l’exercice politique au Maroc.
Le 8 octobre, les résultats des élections seront dévoilés. Quelles sont vos prévisions sur les coalitions que vous pouvez conclure, à la lumière des résultats des élections communales ?
C’est vrai, nous partons du fait que les élections communales préparent souvent les législatives. Lors des dernières communales, nous avons réalisé un saut important. Le Mouvement populaire a été le deuxième parti, derrière le PJD, à connaître la plus importante croissance du nombre de sièges, puisque nous sommes passés de 2.000 à 3.000 conseillers. Nous estimons donc que nous allons améliorer notre positionnement au Parlement en ce qui concerne le nombre de parlementaires.
On dit souvent du MP qu’il tisse ses coalitions avec «l’équipe gagnante». Vous verra-t-on dans le prochain gouvernement, quel que soit le parti qui dirigera la majorité ?
Après les élections de 2011, le PJD avait du mal à trouver une majorité, et je me rappelle qu’il y avait des voix qui demandaient de nouvelles élections. Au sein du parti, nous étions sûrs que le Maroc, qui venait de passer dépasser les suites du Printemps arabe et les secousses du Mouvement du 20 février, n’allait pas supporter la tenue, à nouveau, des élections. C’est dans ce cadre que nous avons accepté la coalition avec le Parti de la justice et du développement. Je le déclare clairement: si les circonstances demeurent les mêmes, nous n’allons pas changer de position, mais si la donne change, nous changerons alors de position. Si le programme électoral du parti qui va obtenir la majorité est en harmonie avec le nôtre, rien n’empêchera une alliance avec celui-ci. Il faut dire que l’actuel l’Exécutif n’a pas su concrétiser le projet de loi sur l’amazighité et le programme du développement du monde rural.