Enseignement privé : Appel de détresse
La Ligue de l’enseignement privé au Maroc tire, une énième fois, la sonnette d’alarme et appelle à un dialogue plus franc avec le département de tutelle, mais aussi avec la CNSS. Les départs volontaires provoqués par le recrutement par contrat pour le public ont porté un coup fatal à la démarche qualité de plusieurs établissements, estiment-ils.
Les directeurs des établissements scolaires regroupés au sein de la Ligue de l’enseignement privé au Maroc ont dû provoquer une réunion extraordinaire de leur instance représentative dès le début de cette année 2017 en vue de l’impact du cumul des problèmes qui aggravent la situation du secteur.
Réunis à Casablanca, les membres de la Ligue, qui existe depuis 26 ans, ont dressé un diagnostic fort pessimiste de la situation des ressources humaines pédagogiques et administratives au sein de plusieurs établissements. Après l’entrée en vigueur du recrutement par contrat au sein du département de l’Éducation nationale, la rentrée 2015-2016 a été marquée par le changement de cap de plus de «2.000 enseignants et directeurs qui étaient liés par des contrats avec des écoles privées, avec comme conséquence un manque cruel de cadres éducatifs dans ces établissements», comme l’a dévoilé Abdelhadi Zouiten, président de la Ligue durant cette session extraordinaire. Pour lui, «il est urgent de stopper l’hémorragie surtout que la ligue se plaint de l’absence de dialogue avec le département de tutelle au sujet de la décision du ministère d’interdire le recrutement des enseignants du public dans le secteur privé à compter de l’année prochaine».
Les établissements d’enseignement scolaire privé doivent disposer d’un corps d’au moins 80% d’enseignants permanents. Avec l’entrée en vigueur du recrutement par contrat au sein du public, même les mécanismes exceptionnels qui doivent être motivés pour pouvoir se faire assister d’enseignants après autorisation accordée à titre individuel par l’académie concernée ne sont plus efficaces. Le contrôle administratif exercé sur les établissements scolaires est également lourdement ressenti par les écoles privées, notamment pour les établissements qui se situent au sein des zones rurales et urbaines défavorisées déterminées par les AREF.
En plus de cette problématique nouvelle, une autre plus ancienne cette fois, commence à peser lourdement sur le moral et le budget des directeurs des écoles, laquelle renvoie à l’aspect fiscal. Le président de la Ligue n’a pas mâché ses mots en qualifiant les décisions de l’administration des impôts de «campagne collective lancée par les services des impôts contre les établissements scolaires privés qui sont appelés à payer plus d’1 MMDH». Les doléances de la ligue englobent dans cette rubrique l’instauration d’un dialogue avec l’administration fiscale pour trouver une solution devant l’insolvabilité des écoles devant s’acquitter des sommes demandées par l’État.
Les droits réclamés par la CNSS ont été aussi soulevés durant cette rencontre avec comme demande d’aboutir à «des formules de paiement qui tiennent compte de la spécificité du secteur» et qui sont traduits par la loi 06-00 formant statut des établissements privés. Sur ce registre, les membres de la ligue ont plaidé pour une démarche qui ne méconnaît en aucun cas les droits des salariés concernés par la régularisation, mais qui tient compte de la situation financière des écoles. Aucun chiffre sur le nombre des cas relevés par la CNSS n’a été dévoilé par la Ligue au cours de cette rencontre extraordinaire, ni sur le montant et la durée qui sont exigées par la caisse
Les chiffres du secteur
Selon les données de la Ligue, la dégradation de la situation d’une large frange d’établissements privés n’est pas due à une stratégie défaillante qui a été adoptée, mais en raison du cadre légal et réglementaire qui a été rénové depuis 2012. Les chiffres du secteur montrent que l’enseignement privé emploie actuellement plus de 125.000 personnes et «constitue ainsi le deuxième employeur après l’agriculture selon les statistiques du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle au titre de l’année 2015/2016», rappelle la Ligue qui ajoute que le nombre d’élèves qui poursuivent leurs études dans l’enseignement privé est passé de 474.500 en 2007/2008 à un total de 889.385 durant la rentrée scolaire 2015/2016, alors que le nombre d’enseignants est passé de 35.929 à 67.730. Sur la même période, le nombre de l’ensemble des employés a presque quadruplé en passant de 63.797 à 251.569 durant les 8 dernières années. La hausse des effectifs formés et des encadrants n’a pas été par contre accompagnée par une démarche claire, selon les membres de la Ligue, qui ont appelé à l’ouverture d’un dialogue efficient à la fois avec le département de tutelle et les académies régionales.