Conseil national du PJD : Benkirane lâche ses coups
Le chef de gouvernement regrette que la présidence du Parlement n’ait pas été conservée par la majorité gouvernementale, tout en critiquant ouvertement Lachgar (USFP). Le chef des PJDistes a une nouvelle fois brandi la menace de sacrifier la présidence du gouvernement pour le bien de la Nation.
Le Conseil national du PJD, qui s’est réuni en session ordinaire samedi et dimanche à Bouznika, n’a eu d’ordinaire que le nom. Le Parlement du parti a été une occasion en or, pour Abdelilah Benkirane, en ses qualités de SG du parti et surtout de chef de gouvernement désigné, de «se lâcher» dans un cadre propice. Des messages clairs ont ainsi été adressés à ses détracteurs et à ses probables alliés gouvernementaux. Dans une ambiance qui en dit long sur l’unité d’un parti secoué par plus de quatre mois de blocage gouvernemental, Benkirane était à l’aise. «L’opinion publique se demande aujourd’hui pourquoi un parti qui n’a eu que vingt sièges aux élections se fait autant présent dans les négociations pour la constitution du gouvernement», a-t-il lancé, qualifiant les positions du premier secrétaire de l’USFP (Driss Lachgar) de contradictoires. «C’est un parti auquel je n’ai pas adressé d’invitation, pourquoi n’a-t-il de cesse de me «répondre»?», demande-t-il. Benkirane a ensuite pointé le RNI et le MP: «la discussion se fera avec Aziz Akhannouch et Mohand Laenser. S’ils ne répondent pas, je saurai quoi faire». Sa logique est claire et il l’explique avec des mots très simples devant une assemblée toute acquise à sa cause.
Pour Benkirane, il faut que le parti reste fidèle aux nombreux Marocains qui ont voté pour lui en gardant intactes ses valeurs et en s’accrochant à cette démocratie que le Maroc a choisie depuis l’Indépendance. Nul besoin d’élections précipitées, enchaîne-t-il: «ce dont nous avons besoin, c’est que chaque parti soit satisfait de ses résultats, dont celui qui a eu 20 sièges et la présidence du Parlement». Sur ce dernier registre, le fait que l’USFP ait gagné la présidence de la première chambre en la personne de Habib El Malki est resté en travers de la gorge de Benkirane. Il n’a d’ailleurs pas hésité à exprimer son regret qu’elle ait glissée entre les doigts de la majorité gouvernementale. Mais pour montrer que ce ne sont pas les strapontins qui guident les choix du parti (mais plutôt les vibrations de la rue et les Marocains), Benkirane a brandi encore son glaive: «s’il faut sacrifier la présidence du gouvernement pour la Nation, je le ferai sans hésiter. Nous allons constituer un gouvernement qui respecte le choix des Marocains, quel qu’en soit le prix».
Dans la structure de son discours, de bout en bout, le chef des PJDistes a respecté un fil conducteur. Celui de la position centrale du citoyen dans la force électorale et l’évolution du parti. Benkirane a expliqué à ses militants, ministres venus nombreux et présidents régionaux et communaux, que «tant que le citoyen vous sourit et demande après moi, le parti est en bonne santé». Il les a exhortés à rester proches du citoyen et à faire preuve de droiture en se limitant aux privilèges légaux. Concernant les doutes exprimés au sujet de ses rapports avec la monarchie, Benkirane a écarté d’un revers de la main toutes les supputations à ce sujet en ces termes: «je défie quiconque de douter de notre croyance dans les institutions du pays, et à leur tête l’institution monarchique». Le SG du PJD n’a eu de cesse de louer le rôle que le souverain joue pour le rayonnement et le progrès du pays, affirmant que rien ne se fait sans l’aval du roi. À l’ordre du jour de cette session figurait aussi la fixation de la date du prochain congrès du parti. À l’heure où nous mettions sous presse, elle n’avait pas encore été annoncée.
Saâdeddine El Othmani
Président du Conseil national du PJD
Dans le contexte politique actuel, un politique qui se respecte doit rester optimiste malgré les conditions difficiles. Pour ce qui est du blocage gouvernemental, il nuit à ceux qui bloquent et non à notre parti qui capitalise aujourd’hui sur une année 2016 très satisfaisante. En tout cas, cette situation n’a pas empêché notre parti de continuer à suivre de près les préoccupations des Marocains».
Mohamed Yatim
Membre du secrétariat général du PJD
Le parti n’a jamais été aussi fort qu’en ce moment. Le PJD suit une démarche structurée et cumulative. Nous entamons une année 2017 avec un bilan d’étape satisfaisant qui balise le terrain au prochain congrès du parti. Le débat sera ouvert à tous les niveaux -y compris organisationnel et politique- sans oublier une évaluation de la structure du parti. Ceci, dans l’objectif d’être toujours plus efficace et proche du citoyen».
Aziz Rabbah
Membre du secrétariat général du PJD
Je qualifie la situation que nous connaissons d’exercice démocratique et institutionnel à travers lequel des courants se mettent en évidences. Aujourd’hui plus que jamais, le Maroc a besoin d’un équilibre, entre une majorité gouvernementale forte et une opposition tout aussi forte. Quant à la constitution du gouvernement, je dirais que dans chaque alliance ou coalition, on ne peut imposer ou s’imposer. Tout doit passer par la compréhension et l’acceptation mutuelle».
Bilal Talidi
Politologue, membre duconseil national du PJD
Nous sommes dans un contexte crucial qui nous interpelle par l’interrogation suivante: continuera-t-on sur la voie de la démocratie ou remettra-t-on en question les acquis de la Constitution de 2011 ? Le message du 7 octobre a montré que les Marocains veulent cette dynamique de réforme malgré les contraintes qui l’entourent. Nous assistons aussi à une confrontation entre deux dynamiques politiques qui se sont clarifiées davantage».