Complexe Mohammed V : Les élus exigent une commission d’enquête
Le Comité du Conseil de la ville de Casablanca en charge du suivi de la rénovation du complexe sportif Mohammed V s’est réuni, lundi dernier. À l’issue d’un débat houleux, des voix se sont élevées demandant la constitution d’une commission d’enquête pour déterminer les responsabilités sur la rénovation «bâclée».
Le désastre de la réouverture du complexe Mohammed V continue de défrayer la chronique. Les élus de la ville, qui ne sont pas en odeur de sainteté avec les Sociétés de développement local, se sont emparés du dossier. Le Comité du Conseil de la ville de Casablanca en charge du suivi de la rénovation du complexe sportif Mohammed V s’est réuni, lundi 17 avril. À l’ordre du jour, le point sur l’état des travaux réalisés au stade et la présentation d’explications par les présidents des deux sociétés chargées de la réhabilitation et de la valorisation de cette grande infrastructure sportive.
Une séance qui tourne au vinaigre
Il s’avère que Casa Aménagement, en charge des travaux de rénovation du stade, est dans le collimateur et son directeur général, Driss Moulay Rchid, est attendu au tournant. Après une brève présentation de la situation du complexe sportif après l’achèvement des travaux de la première phase, les questions pleuvent. Najwa Koukouss, élue du Parti authenticité et modernité (PAM) est la première à monter au créneau : Casa Aménagement a-t-elle obtenu les autorisations nécessaires avant de commencer les travaux ? Pourquoi aucun panneau indiquant les détails du marché de travaux n’est affiché, comme l’exige la loi ? Comment les appels d’offres et les sociétés prestataires ont-ils été sélectionnés ?… «Nous avons posé plusieurs questions au directeur de Casa Aménagement qui sont restées sans réponses. Sa présentation – en fait une dizaine de photos sur l’avant et l’après travaux- n’a apporté aucun élément de réponse. Du coup, nous avons appelé à la constitution d’une commission d’enquête pour tirer les choses au clair», explique l’élue du parti du tracteur, soutenue dans sa demande par l’Istiqlalien Lhoucine Nasrollah.
Pour le patron de Casa Aménagement, c’est une tempête dans un verre d’eau: «Il y a deux facteurs qui expliquent ce tapage qui a accompagné la réouverture du complexe. D’abord, la résistance de certaines personnes qui ont développé tout un business autour du stade et que le nouveau système, en verrouillant les processus, vient battre en brèche.
Ensuite, certains élus qui n’ont pas encore avalé la pilule de la création des sociétés de développement local et ne ratent aucune occasion pour les fustiger». S’agissant des griefs retenus par les élus, Driss Moulay Rchid ne manque pas d’arguments. «Casa Aménagement travaille pour le Conseil de la ville qui est le maître d’ouvrage. Nous réalisons des travaux pour son compte. Et puis, nous ne sommes pas dans une construction, comme c’est le cas par exemple pour le grand théâtre de Casablanca, mais nous effectuons des aménagements et réfections», répond-il. Justement, ces aménagements ont-ils été effectués dans les règles de l’art ? «Les toilettes, la lumière… tous les services du stade sont dans un état délabré. Où est la rénovation ?», s’interroge Najwa Koukouss. Et d’ajouter : «On a voulu expliquer cet état de fait par des actes de vandalisme. Sauf que même dans les espaces VIP, le tableau n’était guère reluisant». La rénovation «bâclée» du stade de Mohammed V serait-elle due au manque de moyens ? Le directeur général de Casa Aménagement semble en tout cas en faire sa ligne de défense. «Il faut savoir que sur l’ensemble du budget alloué à ces travaux, qui est de 220 MDH, nous n’avons reçu que 75 MDH. Plusieurs parties ne se sont pas acquittées de leur quote-part. Le Conseil de la ville, par exemple, devrait y contribuer à hauteur de 30 MDH, mais, jusque-là, il n’a versé aucun dirham. Les élus qui veulent surfer sur cette vague pour porter l’estocade aux Sociétés de développement local (SDL) en appelant à une commission d’enquête devrait plutôt nous aider afin de débloquer ces fonds et achever les travaux», explique-t-il.
Verdit en septembre
À ce stade, ce sont deux élus locaux, Najwa Koukouss et Lhoucine Nasrollah, qui ont appelé à la création d’une commission d’enquête. Mais ils comptent bien se battre pour rallier d’autres élus à leur cause. «Nous allons démarcher tous les groupes, de l’opposition comme de la majorité, pour constituer cette commission», explique l’élue PAM.
Selon les lois régissant la commune, une demande de commission d’enquête doit être soumise au bureau du Conseil un mois avant la tenue de sa session, les prochaines étant celles de mai et de septembre. Mais, au vu des rapports de force au sein du Conseil de la ville et de la majorité confortable dont jouit le PJD, cette action a -t-elle des chances d’aboutir ? Entre temps, la société civile se greffe aussi à ce dossier. L’Instance nationale de protection des biens publics, présidée par Mohamed Tarek Sbaï, semble déterminée à présenter «l’ensemble des éléments qui plaident pour une mauvaise gestion du projet par Casa Aménagement» devant la justice. Dossier à suivre…
Repères
Maître d’ouvrage
Commune de Casablanca
Maître d’ouvrage délégué
Casablanca Aménagement SA
Investissement
220 MDH
Délai de réalisation
24 mois
Contributions Financières
Ministère de l’Intérieur (DGCL) :
40 MDH
Ministère de la Jeunesse et des Sports (FNDS) : 130 MDH
Commune de Casablanca :
30 MDH
Fédération royale marocaine de football :
20 MDH
Najwa Koukouss
élue PAM et membre du Comité de suivi du complexe
Casa Aménagement a-t-elle obtenu les autorisations nécessaires avant de commencer les travaux? Pourquoi aucun panneau indiquant les détails du marché de travaux n’est-il affiché, comme l’exige la loi ? Comment les appels d’offre et la sélection des sociétés prestataires ont-ils été sélectionnés? Nous avons posé plusieurs questions au directeur de Casa Aménagement qui sont restées sans réponse. On a donc estimé qu’il y a des zones d’ombres qu’il faut éclaircir, et on a demandé la constitution d’une commission d’enquête pour tirer les choses au clair».
Moulay Rachid Driss
DG de Casa Aménagement
Casa Aménagement travaille pour le Conseil de la ville qui est le maître d’ouvrage. Nous réalisons des travaux pour son compte. De plus, nous ne sommes pas dans une construction, comme c’est le cas par exemple pour le grand théâtre de Casablanca. Nous effectuons des aménagements et réfections. Au-delà de la polémique, il faut savoir que sur l’ensemble du budget alloué à ces travaux -qui est de 220 MDH- nous n’avons reçu que 75 MDH. Plusieurs parties ne se sont pas acquittées de leur quote-part. Le Conseil de la ville, par exemple, devrait y contribuer à hauteur de 30 MDH, mais, jusque-là, il n’a versé aucun dirham. Les élus qui veulent surfer sur cette vague pour porter l’estocade aux sociétés de développement local (SDL) en appelant à une commission d’enquête devraient plutôt nous aider afin de débloquer ces fonds et achever les travaux».