Charte de la déconcentration : Une version améliorée imminente
La Charte de la déconcentration qui se fait attendre devra bientôt être discutée dans les régions pour que le texte, déjà préparé par l’ancien gouvernement, soit enrichi par les différentes propositions. Le projet devrait être mis dans le circuit législatif durant les 100 premiers jours du gouvernement.
Dernière ligne droite pour la charte de la déconcentration, dont l’adoption a accusé un grand retard bien que la réflexion autour de ce projet ait été lancée en 2014. Contacté par les Inspirations ÉCO, le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique, Mohamed Ben Abdelkader, se veut rassurant. L’heure est à l’accélération de la cadence pour que le texte soit mis dans le circuit législatif avant la fin des 100 premiers jours du gouvernement. Une réunion imminente autour de ce projet devrait se tenir entre le ministère de la Réforme de l’administration et celui de l’Intérieur. Ben Abdelkader entend lancer des concertations avec les douze régions pour, entre autres, enrichir le texte de la charte de la déconcentration administrative qui a été déjà préparée et finalisée par l’ancien gouvernement. Élus et représentants de l’administration territoriale sont appelés à se mettre autour de la même table pour définir les priorités et défendre leur vision de la déconcentration administrative.
Les rôles précisés
Maintenant que le compte à rebours est enclenché, une véritable course contre la montre devra être engagée pour la réussite du chantier de la régionalisation avancée qui est fortement tributaire de la mise en place d’une véritable déconcentration administrative. La charte est très attendue et permettra d’asseoir progressivement la déconcentration administrative escomptée en incitant les administrations à s’inscrire pleinement dans cette opération à travers la délégation de leurs pouvoirs aux directions régionales qui ne disposent actuellement ni de l’autonomie ni du budget nécessaires leur permettant de prendre des décisions sans recourir à l’administration centrale. Il s’agit d’un véritable frein au développement local. Une situation vertement critiquée par les conseils régionaux qui aspirent à collaborer avec des administrations régionales fortes, ayant une large marge de manœuvre et capables de prendre des décisions sans être contraintes d’attendre le verdict de l’administration centrale. Les acteurs locaux sont en effet les mieux placés pour concevoir et mettre en place les stratégies de développement de leur propre région à condition que la coordination soit efficace. Le rôle de chaque acteur devra être précisé aussi bien sur le plan central que local et régional (wali, gouverneur, élus, administrations régionales). La mise en place d’une organisation efficace s’impose pour permettre d’élaborer des politiques sectorielles régionales tout en respectant les orientations nationales. Chaque région devra adapter les politiques nationales à ses spécificités. Le rôle du wali sera confirmé en tant que représentant du pouvoir central en région conformément aux dispositions de l’article 145 de la Constitution. S’agissant des élus, les lois sur la régionalisation ont déjà régi leur relation avec les walis et les gouverneurs.
Pôles interministériels régionaux
Pour concrétiser les objectifs de la déconcentration administrative, il s’avère on ne peut plus nécessaire d’optimiser les coûts et de rationaliser la gestion. La concrétisation de cet objectif passe par la mise en place de pôles interministériels regroupés par type d’activité au niveau régional. La configuration actuelle devra être revue de fond en comble pour mettre fin aux dysfonctionnements et à la lenteur administrative. Jusque-là, l’administration centrale reste partie prenante dans la prise de décisions d’ordre opérationnel en dépit de l’existence de représentations territoriales régionales, provinciales et préfectorales. La coordination interministérielle est faible à cause de l’absence d’un interlocuteur unique représentant l’État au niveau territorial.
Cette problématique devra justement être résolue par la charte de la déconcentration. «Nous allons voir comment il est possible de réunir un certain nombre de départements dans un même pôle. Certains secteurs peuvent, à titre d’exemple, avoir un directeur régional pour assurer la convergence entre les administrations», souligne le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique. Il faut dire que cette mission ne sera pas de tout repos. C’est le principal problème auquel seront confrontés les pouvoirs publics dans la mise en place de la déconcentration administrative. En effet, le regroupement en pôles interministériels nécessitera le redéploiement des fonctionnaires. Certaines régions sont mieux dotées que d’autres en termes de compétences administratives. La mobilité a été certes facilitée par un décret adopté par le Conseil de gouvernement dont l’un des objectifs majeurs est la création de l’équilibre entre les régions et les départements, mais la mise en œuvre de cette mesure ne sera pas une tâche aisée. C’est que les syndicats sont déjà aux aguets. Le redéploiement se fera certainement entre les régions puisque uniquement 8,5% des effectifs des fonctionnaires travaillent au niveau central. Par ailleurs, on s’attend à ce que la charte de la déconcentration administrative permette de dynamiser le développement des régions.
En effet, des projets territoriaux importants pourront être lancés en optant pour une approche d’action globale qui prenne en considération la spécificité de chaque région ainsi que plusieurs volets comme des mesures incitatives aux entreprises, une bonne gestion foncière, l’amélioration des conditions de vie des citoyens, la formation des ressources humaines… Une nouvelle vision de gouvernance est à mettre en place afin de rendre les régions attractives à travers la réalisation des projets de territoire, levier d’accélérateur de développement. À cet égard, le renforcement des pouvoirs des responsables locaux est une condition sine qua none pour accélérer le rythme de développement au niveau régional.
Les reco’ de la Banque mondiale
Le Maroc est appelé par la Banque mondiale dans son mémorandum sur le royaume à l’horizon 2040 d’engager le processus de décentralisation et de déconcentration systémique en opérant un transfert réel et progressif des pouvoirs de décision, des compétences aptes à assumer la gouvernance au niveau local et des ressources et moyens correspondant aux échelons territoriaux appropriés. L’institution internationale appelle à la vigilance pour que la déconcentration ne se traduise pas par la multiplication de services déconcentrés, la duplication pure et simple d’organigrammes centraux ou par le développement d’une bureaucratie régionale sans pouvoir réel de décision ni moyens adéquats d’intervention. «L’aboutissement de la régionalisation avancée nécessite une approche minutieuse pour éviter les redondances des centres de décisions et assurer une utilisation rationnelle des ressources».
Un grand retard
La réflexion autour du chantier de la Charte de la déconcentration administrative a été entamée en 2014 par la création d’un comité de pilotage composé des ministères de la Fonction publique, de l’Intérieur ainsi que de l’Économie et des finances. Ce comité a été élargi par la suite pour englober aussi les départements concernés par la déconcentration : l’Équipement, l’Agriculture, l’Habitat, l’Énergie et les mines et la Santé. Ce comité interministériel a arrêté les principes et mesures d’accompagnement de ce chantier qui figurait sur le plan législatif du précédent gouvernement. Le texte a été finalisé, mais sans pour autant qu’il soit mis dans le circuit législatif durant le précédent mandat. Le projet est technique et porte notamment sur la nature de l’organisation administrative, la relation entre les services extérieurs et le service central, la délégation des pouvoirs, les responsabilités au niveau central et régional, la relation entre les services extérieurs et l’autorité locale…L’objectif est de combler les lacunes actuelles comme une tendance à la concentration des pouvoirs dans certains départements. À cela s’ajoute le manque d’une vision commune du développement territorial à même d’intégrer et de faire converger les différentes politiques sectorielles.