Chambre des représentants : Quelle opposition pour cette dixième législature?
Le PAM, qui est, pour le moment, le seul parti non concerné par les tractations pour la formation du gouvernement, compte visiblement changer de stratégie au sein de l’hémicycle. On s’attend à ce que les échanges entre l’opposition et le gouvernement soient moins virulents que lors de la précédente législature.
Qui sera dans l’opposition au cours de cette dixième législature? Il faudra attendre l’issue des tractations du chef de gouvernement désigné, Abdelilah Benkirane, avec les différents partis politiques pour que les choses soient tranchées. Sauf coup de théâtre, seul le PAM n’est pas concerné par les tractations pour la formation du gouvernement. Abdelilah Benkirane a intérêt à former une majorité forte et solide sur les plans tant numérique que qualitatif pour pouvoir tirer son épingle au sein de l’hémicycle. La force numérique du PAM dans la chambre basse pourrait créer de véritables difficultés au futur gouvernement en commissions et en séances plénières.
La faiblesse de l’opposition par le passé provenait, entre autres, de son incapacité à accorder ses violons pour pouvoir jouer la même partition au sein du Parlement, malgré la coordination périodique entre les directions de ses principales composantes. Techniquement, avec ses 102 députés soit 25,8% des membres de la Chambre des représentants, le PAM pourrait, à titre d’exemple, recourir à un mécanisme constitutionnel redoutable: la motion de censure. L’article 105 de la Constitution donne la possibilité à la Chambre des représentants de mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure qui est recevable si elle est signée par le cinquième (20%) au moins des membres composant la chambre. Certes, cette motion n’est approuvée que par la majorité absolue des membres. Cependant, il s’agirait d’un coup politique dur si elle venait à être engagée. L’opposition dispose de bon nombre d’outils pour faire entendre sa voix sans recourir à la méthode des prises de becs et d’échanges fortuits d’accusations. Au cours de la neuvième législature, l’opposition a pu, à plusieurs reprises, exercer une véritable pression sur le gouvernement à travers notamment le retrait des commissions. La création des commissions d’enquête parlementaires est également un mécanisme important de contrôle du gouvernement. Il ne nécessite que l’approbation du tiers des élus de la Chambre des représentants. Lors de la précédente législative, ce mécanisme n’a pas pu être activé car l’opposition ne parlait pas d’une seule et même voix.
Cette fois-ci, le regroupement du quart des députés dans un seul groupe parlementaire pourrait changer la donne et redynamiser la mission parlementaire du contrôle. Mais au-delà du poids quantitatif, ce qui est on ne peut plus essentiel, selon le député et ancien président du groupe du PAM à la Chambre des représentants, Abdellatif Ouahbi, c’est la capacité à convaincre l’opinion publique à travers les débats et la présentation des alternatives. «La politique n’est pas figée aussi bien au niveau du discours que du traitement des sujets», souligne-t-il aux Inspirations ÉCO. Les combats de coqs vont-ils disparaître entre les deux principaux adversaires politiques? À entendre certains de ses dirigeants, le PAM compte exercer une «opposition constructive». Le porte-parole du parti du tracteur, Khalid Adnoun, estime que les orientations du secrétaire général du PAM, Ilyas El Omari, aux parlementaires après l’ouverture de la session automnale sont claires et basées sur la nécessité du respect du règlement intérieur du Parlement.
Le chef de file du PAM avait insisté sur l’impératif d’améliorer l’image du PAM et de restaurer la confiance des citoyens dans l’action politique. Abdellatif Ouahbi s’attend à ce que la relation entre son parti et celui de la Justice et du développement soit moins tendue que lors de la précédente législative. «On sera plus objectif que l’étape précédente, marquée par le conflit», dit ce membre du bureau politique du PAM. Une position qui rejoint l’appel du secrétaire général du PAM à la réconciliation entre les partis politiques. Les observateurs estiment que les attentes sont grandes concernant cette nouvelle législature pour rehausser l’action parlementaire, à commencer par le discours politique au sein de l’hémicycle, qui doit dorénavant être basé sur la confrontation des idées au lieu des attaques personnelles. L’opposition est appelée à troquer ses accusations contre l’Exécutif par la présentation de solutions concrètes et d’alternatives.
On s’attend à ce que les deux conseillers de la Fédération de la gauche démocratique participent un tant soit peu à la redynamisation des débats bien que, techniquement, ils disposent d’un temps très limité durant les séances plénières. Cependant, ils ont le droit de participer aux discussions des différentes commissions parlementaires. Une grande responsabilité incombe aussi au gouvernement qui est souvent accusé de vouloir affaiblir l’opposition. Le manque de concertations est le reproche récurrent de l’opposition. Benkirane va-t-il changer de tactique en organisant au cours du prochain mandat des rencontres périodiques avec l’opposition autour des dossiers clés? Rien n’est moins sûr. De l’avis de Ouahbi, la balle est dans le camp du chef de gouvernement: «Tout dépendra de sa volonté de discuter les dossiers et d’éviter les polémiques».
Sur le plan législatif, l’équipe gouvernementale devrait, au cours de cette législature, donner un véritable coup de fouet aux propositions de loi. La précédente législature a été marquée par un maigre bilan en propositions de loi entérinées malgré les dispositions de la Constitution de 2011, qui a renforcé le rôle du Parlement. Une vingtaine d’initiatives parlementaires seulement ont pu aboutir, alors que le nombre des propositions de loi avait dépassé 200. Il faut dire que l’intérêt a plutôt porté sur l’implémentation des dispositions constitutionnelles. Il ne reste plus que trois projets de loi organique à adopter par l’institution législative. L’espoir consiste à pouvoir concrétiser les dispositions de l’article 82 de la Constitution qui stipule qu’une journée au moins par mois est réservée à l’examen des propositions de loi, dont celles de l’opposition.