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Adhésion du Maroc à la CEDEAO : Des opportunités et des défis

Après l’Union africaine, le Maroc frappe à la porte de la CEDEAO. L’éventuelle adhésion à cette sous-région est source d’opportunités économiques et d’affirmation politique sur le continent. Cependant, elle posera plusieurs défis, à commencer par  celui de la migration.

Moins d’un mois après son retour à l’Union africaine, le Maroc se lance dans un nouveau défi diplomatique. Ce vendredi 24 février, le royaume, via un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la coopération, a rendu publique sa volonté d’intégrer la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette décision, qui s’inscrit dans «la vision royale de l’intégration régionale comme clé de voute du décollage économique de l’Afrique (…), intervient dans la droite ligne de la politique africaine du souverain, couronnée par le retour du royaume à l’Union africaine», indique la note du département des Affaires étrangères. Ainsi, le Maroc a informé la présidente en exercice de la CEDEAO, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, de son intention de passer du statut d’État observateur à celui de «membre à part entière». Si cette candidature est acceptée, ce sera une première pour la CEDEAO d’inclure en son sein un État situé hors de son espace géographique. L’éventuelle adhésion du Maroc ramènera le nombre de ses pays membres à 16, comme cela était le cas avant le départ de la Mauritanie de l’organisation en 2000 en privilégiant l’Union du Maghreb arabe (UMA). Ironie de l’histoire, le Maroc, pays membre de la même UMA, cherche à s’intégrer en Afrique de l’Ouest, étant donné que «la flamme de l’UMA s’est éteinte».

Avantages
Au-delà de confirmer l’orientation africaine de la diplomatie marocaine, cette volonté d’adhérer à la CEDEAO est à la fois source d’opportunités et de défis pour le Maroc. En tant que premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest, le royaume juge opportun d’être à proximité de ses intérêts. De plus, le ticket d’entrée dans la CEDEAO fera disparaître les obstacles à l’exportation massive des produits marocains vers cette région. En effet, faut-il le rappeler, l’espace économique ouest-africain est l’un des plus intégrés du continent.

La libre-circulation des biens et des services y est presque une réalité. Le statut de membre permettrait ainsi au Maroc de se passer d’un accord de libre-échange avec la CEDEAO et de faciliter, sur un autre volet, la concrétisation du gazoduc annoncé récemment, qui doit rallier le Maroc depuis le Nigeria en longeant une bonne partie des pays membres de ce groupement régional. Enfin, sur le plan sécuritaire, l’entrée dans la CEDEAO donnera plus de légitimité au Maroc pour se prononcer sur des dossiers chauds en rapport avec l’espace saharo-sahélien, à l’instar de la lutte contre les groupes armés au Mali ou encore au Nigeria.

Migration
Concernant les défis, force est de constater qu’ils sont immenses. Le premier est lié à la migration. En intégrant la CEDEAO, le Maroc devra accepter le principe de libre-circulation des personnes ressortissant des pays membres. De même, le royaume adoptera le passeport et la carte d’identité de la CEDEAO.

Sur le plan économique, l’instauration d’un tarif extérieur commun (TEC) identique à celui en vigueur dans l’espace ouest-africain depuis janvier 2015 sera également une nécessité, sans parler de l’harmonisation des politiques budgétaires, surtout dans la perspective de l’adoption d’une monnaie commune à l’horizon 2020. Face à cette panoplie d’exigences, certaines voix estiment déjà qu’un statut d’État associé aurait été plus souhaitable. Cependant, le royaume a, sûrement, bien étudié la situation avant de tendre la main à ses voisins du Sud.


Chiffres clés

1975
La CEDEAO a été créée en 1975 et regroupe actuellement 15 pays.

320
La population des pays membres de la CEDEAO est estimée à 320 millions de personnes.

354
Avec l’adhésion du Maroc, sa
population sera de 354 personnes.

730
Le PIB total de cet espace économique est estimé à 730 milliards de dollars.

78
Le Nigeria, qui abrite la moitié de la population de la CEDEAO, pèse également 78% de son PIB.

2
En cas d’adhésion, le Maroc sera la 2e économie de la CEDEAO derrière le Nigeria.

5
Parmi les 15 pays membres de la CEDEAO, 5 sont anglophones, 2 lusophones et le reste francophone.

2020
À l’horizon 2020, la CEDEAO entend lancer sa monnaie unique. Ce projet est évoqué depuis près de 15 ans, sans succès jusqu’à maintenant.


Marcel Alain de Souza
Président de la Commission de la CEDEAO

«Avec le Maroc, la CEDEAO va compter une 16e économie»

Le président de la Commission de la CEDEAO, Marcel Alain de Souza, était au Maroc la veille de l’annonce, par le royaume, de son intention d’intégrer l’espace économique ouest-africain. Dans cette interview, il estime que le Maroc peut devenir la 16e économie de la CEDEAO, même sans y adhérer.

Les Inspirations ÉCO  : Quel regard portez-vous sur la présence marocaine dans les pays de la CEDEAO ?
Marcel Alain de Souza : Le Maroc entretient, depuis fort longtemps, des relations avec un certains nombre de pays de la CEDEAO. La présence de banques marocaines comme Attijariwafa bank ou encore la BMCE Bank of Africa en est une illustration parfaite. Nous savons également qu’un certain nombre de projets d’infrastructures sont exécutés par des entreprises marocaines. Nous notons donc une véritable percée du Maroc dans notre sous-région. L’absence du Maroc à l’Union africaine était très remarquée, mais sur le plan économique, le royaume était très présent sur le terrain, avec une offensive commerciale importante. Les Marocains organisent ou participent souvent à des foires dans les pays de la sous-région, ainsi que des missions B to B avec les hommes d’affaires locaux. Malgré cela, le potentiel de ces relations est encore limité. Il faut les booster à travers un système bancaire fort, qui puisse fiabiliser les investissements, mais il nous faut aussi une volonté politique pour faire évoluer les relations entre notre sous-région et le Maroc, voire même avec les autres pays arabes.

Comment renforcer ces relations, selon vous ?
Le Maroc a une avance en matière de produits manufacturés. La production automobile gagne en vitesse. Globalement, même sans ressource pétrolière, le Maroc réussit des investissements énormes sur son sol, mais aussi à l’étranger. Il s’agira pour nous de voir, dans le cadre d’une stratégie à moyen et long termes, comment tisser et renforcer les passerelles pour que le Maroc puisse davantage pénétrer les marchés de la CEDEAO. La CEDEAO, c’est un ensemble de 15 pays, avec une population totale de 320 millions d’habitants, soit un marché très important. Nous visons à bâtir un destin commun en intégrant une 16e économie. Cela passe par la suppression des barrières tarifaires, la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Nous voulons également un système financier renforcé.

Qu’en est-il de l’accord de libre-échange entre le Maroc et la CEDEAO ?
Le projet gazier reliant le Nigeria au Maroc est une preuve tangible du fait que nous pouvons concrétiser beaucoup de projets. Le Nigeria représente aujourd’hui 30% des réserves pétrolières africaines et 31% des ressources en gaz. Si le Maroc réussit à tisser ce type de relations avec le Nigeria, qui est la locomotive de la CEDEAO, c’est une preuve qu’une zone de libre-échange peut être créée entre la CEDEAO et le Maroc. Nous avons un dispositif important. Nous sommes en train de créer une union douanière. Celle-ci viendra concrétiser ses relations avec le Maroc, car cette union est un préalable à la constitution d’un marché commun. Le Maroc étant situé un peu loin de notre zone géographique, nous ne pouvons pas encore trancher s’il peut intégrer la CEDEAO, mais nous pouvons mettre en place un partenariat gagnant-gagnant. Nous souhaiterions que cela puisse être le cas. Le projet gazier est encore là pour le confirmer.

Où en êtes-vous dans le projet de monnaie unique pour les pays de la CEDEAO ?
Le projet de monnaie unique demeure. Nous avons un pacte de stabilité et de convergence. Ce pacte nous permet d’avoir des indicateurs que nous devons respecter, à savoir le financement du déficit budgétaire, la maîtrise de l’inflation et l’harmonisation de la politique de l’endettement. Malheureusement, ce pacte n’est pas respecté. Pour que la monnaie unique puisse être créée, nous devons assurer cette convergence, sinon cette monnaie n’aura pas de valeur. Les chefs d’État ont mis en place une task force présidée par le président du Niger, afin de proposer des pistes pour parvenir à cette monnaie unique. Nous estimons que nous devons y arriver et nous détacher du franc CFA.

Vous avez assisté à Rabat au lancement du programme «Arab-Africa Trade Bridges». Quel sera son apport ?
Nous envisageons de renforcer notre partenariat avec l’ensemble des pays arables, et surtout avec le Maroc. Dans ce cadre, le programme Arab-Africa Trade Bridges vient à point nommé. Il y a un système d’identification des potentialités, un système de renforcement des capacités et une plateforme qui doivent permettre de booster les échanges avec les pays africains, particulièrement avec la CEDEAO. Notre espace économique mène une politique sous-régionale, et chacune des politiques nationales des pays membres doit s’arrimer à la politique de la CEDEAO afin que l’intégration économique soit vraiment une réalité. Nous pensons qu’avec le Maroc, nous pourrons faire des progrès importants. La volonté y est. Il faut arrimer les stratégies nationales à celle de la CEDEAO.


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