Accréditations : Comment choisir le bon candidat politique ?
Le compte à rebours est enclenché pour les prochaines législatives. Les partis politiques devront bientôt boucler leur casting, non sans difficulté comme à l’accoutumée. La plupart des formations politiques misent sur les cartes gagnantes pour remporter le maximum de sièges.
À moins de trois mois des élections législatives, la bataille des accréditations n’a pas encore pris fin. La plupart des partis politiques qui nourrissent de grandes ambitions concernant les prochaines échéances électorales n’ont pas encore arrêté la liste définitive de tous leurs candidats. Certes, certaines formations politiques ayant lancé la procédure de sélection il y a quelques mois ont déjà choisi leurs candidats dans plusieurs circonscriptions. Cependant, le bras de fer s’avère très serré entre les militants voire les ténors de certaines formations politiques dans certaines circonscriptions, comme à l’accoutumée, à la veille de chaque élection législative. Concrètement, comment les partis politiques choisissent-ils leurs candidats ? Les instances décisionnelles partisanes misent sur les cartes gagnantes.
Les partis politiques cherchent les candidats qui sont capables de gagner des sièges, comme le souligne le politologue Ahmed El Bouz. «Seul le PJD représente l’exception parmi les huit grands partis politiques. Les citoyens ne votent pas pour les candidats du PJD mais pour le parti», précise-t-il. Pour pouvoir gagner le maximum de sièges parlementaires, l’expérience a démontré que la plupart des partis politiques tendaient la main aux candidats ayant un pouvoir économique ou familial. Les notables sont privilégiés aux militants, ce qui fait l’objet de guerres intestines à la veille des élections et favorise la transhumance.
L’ampleur de ce phénomène a été certes limité depuis les élections législatives de 2011 grâce aux dispositions constitutionnelles (article 61 de la Constitution) et juridiques qui prévoient la déchéance des mandats des nomades. Mais à la veille des élections législatives, rien n’empêche les militants de changer de couleur politique, sauf s’ils sont déjà élus locaux ou régionaux. D’ailleurs, nombreux sont les candidats qui ont quitté le navire de leur parti politique initial pour embarquer dans un autre afin d’y mener la bataille électorale. À titre d’exemple, le Parti du progrès et du socialisme a accueilli quelques ex-militants de l’Union socialiste des forces populaires, dont la fille du défunt Ahmed Zaidi qui sera visiblement accréditée aux prochaines élections.
D’autres partis politiques comme le MP ou encore le RNI ont l’habitude d’ouvrir la porte aux militants des autres partis politiques à condition qu’ils constituent des cartes électorales gagnantes. Quid des commissions créées au niveau interne des partis politiques pour le choix des candidats aux élections ? Dans les faits, rarement les critères mis en place sont respectés dans le choix des candidats, selon Mohamed Hanine, parlementaire du RNI et professeur universitaire de droit constitutionnel. «Chaque parti a ses propres considérations. Mais généralement, les partis politiques favorisent les candidats qui vont emporter des sièges, abstraction faite de la compétence et de l’ancienneté», indique-t-il. Il estime que la responsabilité incombe aux citoyens pour changer la donne en imposant leurs critères dans le choix de ceux qui vont les représenter au Parlement ou au niveau local ou régional. Mais cela ne sera possible qu’en luttant contre l’analphabétisme, la pauvreté et la corruption.
Pour les prochaines échéances, rien n’augure pour l’instant un quelconque changement. On s’attend à ce que bon nombre de parlementaires retrouvent encore une fois les bancs de l’hémicycle. En effet, le taux de renouvellement des députés n’est pas habituellement grand. Plusieurs députés se portent candidats pour les prochaines élections. D’ailleurs, la priorité est accordée aux parlementaires, selon un dirigeant de l’Istiqlal. En 2011, le taux des élus députés mandataires de liste, qui s’étaient présentés à nouveau aux élections, était de 12,43%.
Ils sont nombreux à appeler à la nécessité d’ouvrir la voie aux jeunes, ainsi qu’à plusieurs figures ayant un niveau de formation supérieur pour contribuer à l’émergence de nouvelles figures dans le paysage politique marocain et favoriser le renouvellement des élites. Cet avis n’est pas partagé par Ahmed El Bouz qui estime que l’action parlementaire est renforcée par le cumul de l’expérience. «Le renouvellement en lui-même ne doit pas être un objectif. Il est nécessaire de mandater des candidats compétents à même de renforcer l’action parlementaire», dit-il.
Liste nationale: grand dilemme
Les instances décisionnelles des partis politiques sont face à un exercice démocratique on ne peut plus difficile, celui de se baser sur des critères rigoureux dans le choix des candidates et candidats de la liste nationale et de bannir le clientélisme qui a prévalu lors des précédentes législatives. L’enjeu est de pouvoir faire émerger de jeunes parlementaires et des députées capables d’insuffler une nouvelle dynamique à l’action parlementaire. Il s’avère difficile de concrétiser cet objectif en raison des ambitions internes. En 2011, certains dirigeants politiques n’ont pas hésité à mettre sur le devant de la scène leurs proches. Aussi les critiques acerbes à l’encontre du système de liste nationale, cette dernière étant considérée comme une rente politique, sont-ils légitimes. Cette fois-ci, la cooptation des candidats de la liste nationale ne passera pas inaperçue et risque de créer de vives tensions si les mêmes pratiques sont imposées par les instances décisionnelles des partis politiques.
Certaines femmes parlementaires ayant déjà bénéficié du mécanisme de la liste nationale espèrent l’amendement de l’article 5 de la loi organique relative à la Chambre des représentants pour pouvoir s’assurer encore une fois un siège parlementaire lors des prochaines élections, mais rien n’est moins sûr. D’ailleurs, les militantes qui n’ont jamais bénéficié de ce mécanisme sont manifestement contre l’amendement de cet article pour couper l’herbe sous les pieds des députées qui aspirent à renouveler leurs mandats. Même son de cloche auprès des jeunes des partis politiques.