Bourse de Casablanca. Une autre année en berne ?
La Bourse de Casablanca a connu une année difficile, affichant une baisse de 8,27% et une perte de plus de 115 MMDH de sa capitalisation à fin 2018. Le Masi a clôturé le mois de janvier en repli, laissant les analystes dubitatifs quant à l’avenir de la cote. Détails.
Il n’y a pas d’avis tranché concernant l’évolution du marché des actions en 2019. C’est ce qui ressort de nos discussions avec différents analystes de la place. D’un côté, les résultats annuels ne devraient pas ressortir en grande forme, surtout après la publication de résultats semestriels qui n’ont guère été reluisants. Au premier semestre 2018, la masse bénéficiaire du marché s’est délestée de 3,9%. Une contre-performance qui a engendré une forte correction de l’indice boursier. Celui-ci a clôturé l’exercice 2018 sur un retrait de 8,27%, et ce après deux années de hausse consécutives. Et l’amoncellement des profit warnings depuis quelques mois n’arrange en rien les choses. L’espoir d’un effet de rattrapage est totalement écarté, surtout après le passage du fisc. Les contrôles fiscaux ont eu raison des comptes de plus d’une dizaine de sociétés cotées, ce qui devrait avoir un impact significatif sur la masse bénéficiaire de la place au terme de l’exercice 2018. Les analystes de place annoncent une baisse d’environ 2% des bénéfices globaux du marché. «Tenant compte de la structure de l’offre et de la demande de titres, l’année 2019 devrait normalement s’inscrire dans la continuité de la précédente», note Upline Research.
Aussi, les analystes de la place ne cachent pas leur inquiétude quant aux dispositions à venir de la loi de Finances 2019. L’instauration, pour les deux prochains exercices (2019-2020), d’une contribution de solidarité de 2,5% sur les bénéfices supérieurs à 40 MDH pourrait également grever certains comptes. «Cela représente un frein pour les investisseurs qui jugent le marché trop cher», souligne un professionnel de la place.
Il faut dire que le PER de la place dépasse l’entendement. «Un PER normal doit se situer aux alentours de 15. Celui du Maroc crève le plafond en dépassant la barre des 20», remarque un analyste. Il explique que cette situation résulte du manque de liquidité et d’alternative de placement, alors que les besoins de placement de cash sont importants. Le PER du marché a débuté cette montée en 2013 pour atteindre 20,2x à fin 2016 et 19,7x à fin 2017. La place casablancaise est même classée en deuxième position de la région MENA, juste derrière la Tunisie qui affiche un P/E de 20,9. Dans ce contexte de baisse des résultats, le PER pourrait davantage s’élever, chose que les investisseurs ne peuvent plus supporter», souligne cet analyste. Le contexte économique du royaume est également mis en cause. Selon la Banque centrale, la croissance nationale devrait s’établir à 3,3% en 2018, après 4,1% en 2017, et revenir à 3,1% en 2019 avant d’augmenter à 3,6% en 2020. Or, les investisseurs s’intéressent désormais aux pays émergents présentant des taux d’intérêt relativement bas. Les pays développés deviennent ainsi la classe d’actifs préférée des investisseurs pour 2018 et pour ce début 2019. Un regain d’intérêt justifié par plusieurs facteurs qui ont notamment rendu la réserve fédérale américaine plus souple, les valorisations de plus en plus attractives, réduit le risque politique, en espérant une relance chinoise effective. Autant d’éléments qui mettent le Maroc ainsi que les pays en développement -longtemps plébiscités- sur la sellette. «Il n’y a pas, aujourd’hui, de véritable sursaut en matière de croissance économique qui justifierait une éventuelle progression des indices de la Bourse de Casablanca», explique Mouhammed Mariane, DG de Marogest. Pour lui, l’issue pourrait également provenir des investisseurs internationaux. L’indice MSCI avait annoncé le reclassement de l’indice MSCI Argentina de la catégorie Frontier Markets dans celle des Emerging Markets. Un reclassement prévu pour mai 2019.
Dans ce sillage, MSCI avait annoncé qu’elle pourrait également reclasser l’indice MSCI Kuwait du Frontier Markets dans les Emerging Markets, lors de son examen annuel de la classification des marchés de 2019. Cela pourrait augmenter les chances d’un renforcement supplémentaire du poids du Maroc dans l’indice. Pour rappel, au 31 mai dernier, l’indice MSCI Frontier Markets se composait de l’Argentine à hauteur de 19,13%, du Maroc avec une pondération de 8,23%, du Koweït à hauteur de 17,71%, du Vietnam avec 14,7%, du Nigéria avec une pondération de 7,83% et ainsi que d’autres pays. «C’est une bonne nouvelle pour le Maroc dont la pondération devrait augmenter dans l’indice MSCI Frontier Markets. Ceci se traduira par une meilleure visibilité du Maroc à l’étranger et, concrètement, une augmentation de la demande de la part des investisseurs internationaux sur le marché casablancais», explique Mariane.
Il faut dire que la faiblesse des rendements obligataires, couplée au manque d’alternatives d’investissement, rend le marché très sensible aux bonnes nouvelles, ce qui pourrait remonter le moral des investisseurs. «La baisse des taux d’intérêt dans le marché obligataire pousse les investisseurs à aller chercher du rendement sur le marché actions en supportant une valeur additionnelle de risque», explique-t-il. Quant à la privatisation annoncée de certaines sociétés dans le cadre de la loi de Finances 2019, les points de vue divergent. Si, pour certains, la réalisation de ces opérations devrait redynamiser le marché boursier, d’autres émettent certaines réserves. «Le mécanisme de privatisation n’est pas connu. Cela peut passer par un rachat ou autre, mais l’ouverture du capital de ces entreprises publiques n’est pas automatique», souligne un analyste. L’on parle tout de même de la privatisation de l’hôtel La Mamounia et de la Centrale thermique de Tahaddart, la cession d’une partie supplémentaire du capital de Maroc Telecom et de Marsa Maroc… et de 5 MMDH de recettes de privatisation pour le Budget de l’État.