Évaluation des politiques publiques. Le Parlement peut mieux faire

L’exécution de la mission d’évaluation des politiques publiques dévolue au Parlement demeure lacunaire. En atteste la séance annuelle que vient de tenir la Chambre des conseillers.
Le Parlement doit réserver une séance annuelle à la discussion et à l’évaluation des politiques publiques. Jusque-là, les deux chambres du Parlement ne sont pas parvenues à respecter cette périodicité imposée par la loi fondamentale pour plusieurs raisons. Il reste encore beaucoup à faire pour promouvoir cette mission, aussi bien sur le plan du fond que de la forme, comme en témoigne la dernière séance de l’évaluation des politiques publiques. Insipide, monotone et marquée par l’absence d’interactivité entre le gouvernement et le Parlement, cette séance n’a pas atteint les objectifs escomptés en matière d’évaluation des politiques publiques, de l’avis même de certains parlementaires.
En effet, quelques conseillers n’ont pas hésité à pointer du doigt le fossé qui sépare encore la réalité des objectifs fixés en matière d’évaluation. À titre d’exemple, les rapports édités par les commissions thématiques chargées de la préparation des séances annuelles sont vertement critiqués car ils sont plutôt axés sur le diagnostic des politiques sectorielles et n’ont pas encore atteint le niveau escompté en matière d’évaluation des politiques publiques. Aussi plaide-t-on pour une véritable stratégie visant le développement de la nouvelle mission parlementaire. Certaines voix au sein de la Chambre des conseillers plaident pour la création d’une commission permanente d’évaluation des politiques publiques et de contrôle des finances publiques à l’instar de ce qui a été fait chez les représentants. Mais ce mécanisme à lui seul ne permettra pas de renforcer l’action du Parlement en la matière. En effet, même la chambre basse tend à améliorer cette expérience. Rappelons à cet égard que la Commission du contrôle des finances publiques de la Chambre des représentants ne peut toujours pas contrôler une dépense publique sans passer par la Cour des comptes; son champ d’action reste toujours très limité. Pour pouvoir réussir la mission de contrôle et d’évaluation, l’indépendance de l’institution législative en matière de suivi et d’analyse des politiques publiques s’impose. La concrétisation de cet objectif reste tributaire de la création, par le Parlement, d’une entité spéciale pour renforcer le contrôle parlementaire en matière non seulement de dépense publique (son impact et le degré de réalisation des objectifs) mais aussi d’efficience des choix gouvernementaux et des politiques publiques.
S’inspirer de l’expérience anglo-saxonne
Le Maroc est appelé à s’inspirer des expériences internationales en la matière comme celle du Congrès américain, qui dispose de deux agences d’évaluation des politiques publiques et dont la mission est de faire des évaluations rétrospectives, d’analyser l’adéquation des programmes gouvernementaux aux objectifs escomptés ainsi que la possibilité de les réaliser à moindre coût, d’examiner les coûts des choix politiques effectués par le Congrès, de contrôler les dépenses publiques….
Pour sa part, le Parlement britannique, cité à plusieurs reprises en exemple par les parlementaires marocains, dispose d’une entité interne composée d’experts triés sur le volet qui lui permet d’éditer des rapports hebdomadaires. Au Maroc, le chemin reste visiblement encore long. Le manque de moyens est pointé du doigt par les parlementaires des deux chambres qui plaident pour le renforcement de l’assistance parlementaire par le recrutement de véritables experts afin de développer l’expérience d’évaluation des politiques publiques et la faire sortir de la phase embryonnaire. Certes, des mécanismes ont été mis en place au cours des dernières années par les deux chambres du Parlement, mais ils restent insuffisants.
La lutte contre l’absentéisme, une priorité
La promotion de la mission parlementaire d’évaluation des politiques publiques est largement tributaire de l’implication de tous les acteurs concernés, à commencer par les parlementaires eux-mêmes. Comment expliquer l’absence de nombre de conseillers de la séance dédiée à l’évaluation des politiques publiques? Une grande responsabilité incombe au bureau de la chambre haute qui est appelée à activer les dispositions du règlement intérieur, dont la réforme vise à mettre fin aux multiples dysfonctionnements qui émaillent l’action parlementaire. Ce texte prévoit de lutter contre l’absentéisme en limitant les cas acceptés d’absence et en détaillant les procédures à suivre contre les parlementaires absentéistes.