Parlement. Le contrôle post-législatif s’impose
Le parlement marocain est appelé à ériger le contrôle post-législatif en priorité. Jusque-là, les efforts déployés demeurent en deçà des aspirations. Des mécanismes contraignants doivent être introduits aux législations pour imposer l’évaluation de l’implémentation des textes.
Le parlement gagnerait à développer le contrôle post-législatif de la mise en œuvre des lois. Il est en effet inutile d’adopter des législations si elles ne sont pas bien appliquées ou dont l’impact escompté n’est pas atteint. Au Maroc, le tiers des législations adoptées par le parlement restent sans décrets d’application pendant une durée dépassant un an. Et même en cas d’adoption des lois, l’expérience démontre que certaines dispositions demeurent parfois lettres mortes. Certes, le Maroc n’est pas le seul pays concerné par cette problématique. Mais, plusieurs parlements ont érigé l’évaluation de l’implémentation des lois en priorité au même titre que la mission de législation en vue de rectifier le tir, le cas échéant dans des délais raisonnables. Au Maroc, l’institution législative commence à peine, au cours des dernières années, à s’intéresser à cette question qui mérite d’être prise en compte dans l’action parlementaire. La rencontre organisée, hier, par la chambre des représentants en partenariat avec Westminster Foundation for democracy sur le contrôle post-législatif de la mise en œuvre des lois notamment en ce qui concerne l’approche genre a permis de passer au crible l’expérience de plusieurs parlements pionniers en la matière (Royaume-Uni, Allemagne, France, Afrique du Sud…). L’évaluation de l’impact des lois sur la société n’est pas un luxe, mais une exigence qui doit faire partie des missions des parlementaires car l’implémentation de la législation, dans les quatre coins du globe, est complexe et ne se fait pas toujours automatiquement comme on pourrait le penser, selon Westminster Foundation for democracy. C’est pour cette raison que l’institution législative doit veiller à s’assurer que les lois sont bien appliquées et atteignent les résultats escomptés.
Concrètement, de quoi s’agit-il ?
Les parlementaires ont généralement tendance à vérifier uniquement la mise en vigueur des lois qui est, certes, une dimension primordiale, mais elle n’est pas suffisante à elle seule. Il faut surtout passer au crible un aspect important, celui de l’impact des dispositions législatives sur la société et le secteur concerné : les objectifs ont-ils été atteints ? Peut-on améliorer la mise en œuvre ? Peut-on définir les meilleures pratiques ? Cette approche a permis d’améliorer les lois dans plusieurs pays. Il ne s’agit pas de se pencher sur toutes les lois, mais d’en sélectionner quelques-unes chaque année. Pour réussir le pari, l’implication du gouvernement s’impose. Au Royaume-Uni, à titre d’exemple, le gouvernement est tenu de répondre au rapport qui lui est transmis par le parlement dans un délai ne dépassant pas deux mois. L’exécutif édite aussi des mémorandums détaillés sur la mise en œuvre de chaque loi, trois ans après son adoption (80 mémorandums publiés depuis 2008).
Finances publiques, une priorité
Comme l’argent est le nerf de la guerre, le contrôle des finances publiques est l’un des points importants dans le contrôle post-législatif. Au Maroc, rappelons-le, une commission permanente a été créée à la chambre des représentants pour le contrôle des finances publiques dont l’application des textes de loi à commencer par la loi de règlement qui permet de contrôler le gouvernement en matière de dépense de budget. Sauf que jusque-là, cette expérience demeure encore lacunaire. Le parlement ne peut toujours pas contrôler une dépense publique sans passer par la cour des comptes. Et le champ d’action de la commission du contrôle des finances publiques est très limité. La chambre basse pourrait mieux faire en s’inspirant des expériences internationales, comme ne cessent de le souligner nombre de députés depuis le lancement des travaux de cette commission. Le parlement britannique dispose d’une entité interne composé d’experts triés sur le volet. Ce qui permet d’éditer des rapports hebdomadaires sur l’efficience budgétaire. Au Maroc, le manque de moyens est pointé du doigt par les parlementaires des deux chambres qui plaident pour la nécessité de renforcer l’assistance parlementaire par le recrutement d’experts. A cet égard, il est lieu de souligner que ce qui a été fait, jusque-là, par le bureau de la chambre s’est avéré sans grande utilité pour les députés qui se sentent désarmés face à plusieurs dossiers d’ordre technique qui nécessitent une expertise particulière.
Les clauses contraignantes, une nécessité
Le caractère contraignant pour le gouvernement et le parlement permet de réussir l’évaluation post-législative. Lors de l’examen d’un projet de loi, trois mécanismes sont nécessaires pour imposer le contrôle post-législatif : les engagements des ministres (la transcription des débats s’impose), les clauses de révision ou des articles fixant la période de validité des lois. Quand ces dispositions sont absentes, le parlement peut choisir les lois qui seront évaluées. Selon les experts, il est préférable de procéder au contrôle trois ans (au moins) après la mise en vigueur des lois. Il est nécessaire d’analyser comment les différentes parties dont la justice perçoivent la loi.