Pourquoi les Marocains mangent peu de poisson ?
3500 km de côtes maritimes et un secteur de pêche dynamique. Pourtant, le poisson n’est pas le plat principal des Marocains. L’insuffisance en qualité et en quantité combinés à des prix élevés sont les principales raisons, résume l’OCP Policy center dans une étude qui vient d’être publiée.
«Le système marocain de production halieutique et sa dépendance du reste du monde», c’est l’intitulé d’un research papier qui vient d’être publié par l’OCP policy center. Une contribution qui arrive à point nommé en plein questionnement d’un secteur qui suscite le débat que ce soit en rapport avec l’accord de pêche avec l’UE ou concernant la consommation locale qui reste très faible. Les deux auteurs de l’étude sont aussi connus pour leur intérêt et leurs contributions scientifiques mondialement reconnues. Il s’agit de Mohamed Rachid Doukkali, professeur d’économie appliqué au Département des sciences sociales de l’Institut Hassan II d’agriculture et de médecine vétérinaire de Rabat et Abdelkabir Kamili, chercheur en économie et gestion des ressources naturelles à l’Institut national de recherche halieutique (INRH). Les deux en sont venus au constat que dans un contexte de mondialisation de plus en plus imposée, le secteur halieutique est devenu particulièrement dépendant du reste du monde et des autres secteurs de l’économie principalement du transport et de l’énergie. Plantons le décor : selon les chiffres de la Direction de la pêche maritime, le secteur représente au Maroc entre 2% et 3% du Produit intérieur brut (PIB) et génère environ 170.000 emplois directs et 500.000 autres indirects, tout en assurant des sources de revenus pour environ 3 millions de personnes.
En 2015, la production halieutique nationale a dépassé 1,35 millions de tonnes pour une valeur de 10,8 milliards de dirhams, ce qui place le Maroc au 17e rang des pays producteurs et premier sur le continent africain. Le hic est que la consommation de poissons par les Marocains reste limitée à des niveaux inférieurs à la moyenne mondiale (13,3 kg / habitant contre 19,3 kg / habitant à l’échelle mondiale en 2012). Pour changer la donne, l’objectif du Plan Halieutis, c’est de porter cette moyenne à 16 kg à l’horizon 2020. La consommation des viandes est loin devant avec 29,6 kg. La faible consommation de poissons, par les Marocains, pourrait être liée aux habitudes alimentaires où la population préfère les viandes rouges et blanches, au poisson. Les résultats de l’Enquête nationale sur la consommation et les dépenses des ménages durant 2013-2014, ont montré que les dépenses en viandes et volailles occupent 23,5% des dépenses alimentaires contre seulement 3,8% pour les poissons. La question des prix restent toutefois posée dans un contexte marqué par la volonté des producteurs de maximiser leurs gains et les prix des intrants, principalement le pétrole qui représente 49% des consommations intermédiaires. S’ajoute à cela le fait que la moitié de la production nationale est exportée. Il faut ajouter à cet élément l’offre du marché national qualifiée d’irrégulière et d’insuffisante en termes de qualité et de quantité.
De même, les prix sont souvent plus élevés que le pouvoir d’achat du consommateur moyen, surtout en ce qui concerne le poisson blanc, lit-on dans l’étude. Ces prix, relativement élevés, de la majorité des espèces peuvent être le résultat du grand nombre d’intermédiaires et du différentiel du pouvoir d’achat des consommateurs étrangers et locaux mais il y a un autre paramètre important qui a trait à la surexploitation des stocks de sardines de la zone méditerranéenne et du maquereau de la zone centre. Une pleine exploitation pour les stocks de sardines de la zone nord et de l’anchois de la zone centre, mais a contrario, un état de non pleine exploitation des stocks de sardines et de maquereaux de la zone sud. Ce qui montre un déséquilibre spatial en termes d’exploitation. Quant au poulpe que l’on évoque souvent pour tirer la sonnette d’alarme sur son essoufflement, la situation semble-t-il, est soutenable avec même une amélioration du stock. Il n’en reste pas moins que son équilibre reste fragile, apprend-on.