Jurisprudence. La prescription acquisitive définitivement adoptée

La Cour de cassation a définitivement adopté ce principe qui favorise le «possesseur actif» au «propriétaire négligent», mais pour éviter la spoliation immobilière, les juges demandent une série de conditions préalables. C’est une avancée importante en matière jurisprudentielle. Après plusieurs décisions allant dans ce sens, la Cour de cassation a définitivement adopté, de manière régulée, la prescription acquisitive. Il s’agit d’une situation de fait, la possession, qui prévaut pendant une certaine durée, permet au possesseur de se voir conférer le titre de propriétaire. Corrélativement, l’action en revendication du propriétaire antérieur s’éteint. Ce délai jugé en fonction du contexte et au cas par cas, permet de trancher des litiges ancestraux, notamment en milieu rural. La publicité foncière ne consacrant pas la validité du titre mais seulement son opposabilité aux tiers et le cadastre n’ayant qu’une valeur indicative, «la possession prolongée permet en effet au possesseur d’acquérir le titre qui lui fait défaut et dont la preuve nécessiterait de remonter la chaîne des propriétés jusqu’à la première en prouvant la parfaite régularité des transmissions successives, preuve qui est impossible à rapporter», indique l’arrêt en question.
La prescription acquisitive (le fait d’acquérir juridiquement un droit réel), en privilégiant la possession utile et prolongée, permet ainsi de résoudre les conflits de preuve. Elle est également jugée «facteur d’ordre social» car elle fait coïncider le fait et le droit et évite de prolonger la situation dans laquelle le droit de propriété et la possession seraient dissociés et favorise la valorisation des biens en «récompensant» juridiquement le possesseur qui a exploité un terrain pendant des années», explique ce magistrat de la Cour d’appel de Casablanca. La jurisprudence exige néanmoins la réunion d’actes matériels susceptibles de caractériser cette maîtrise : il s’agit d’accomplir sur la chose les actes qu’un propriétaire aurait lui-même normalement accomplis. En la matière, les juges du fond ont un pouvoir d’appréciation souverain et la jurisprudence est riche d’illustrations. Le fait de clôturer un fonds et d’en jouir privativement jusqu’à la clôture peut constituer un acte matériel probant.
En revanche, l’obtention d’un permis de construire ou le paiement de l’impôt foncier sont à eux seuls insuffisants pour caractériser une possession. Plus encore, l’existence d’un acte de notoriété acquisitive ne suffit pas à établir l’usucapion, si cet acte se borne à des témoignages et des actes juridiques, sans relever l’existence d’actes matériels. De ce point de vue, l’exercice de simples actes juridiques (comme consentir un bail sur le fonds) est insuffisant. Il semble ressortir de la jurisprudence dominante que le critère majeur est celui de l’exploitation directe du fonds considéré.