Les Cahiers des ÉCO

Paiement mobile : La course est lancée

Bpay, Wepay…Les offres de paiement mobile émergent dans le paysage marocain. Les établissements bancaires se dépêchent pour se positionner en premiers sur ce nouveau service de paiement. Sachant que Bank Al-Maghrib -conjointement avec l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT)- travaille depuis trois ans sur la mise en place d’une solution nationale de paiement mobile.

C’est parti pour une nouvelle génération de paiement au Maroc. Après Bpay, l’application de paiement mobile de la Banque centrale populaire (BCP), lancée il y a quelques jours, une autre application arrivera également sur le marché assez rapidement, Wepay. Le code couleur (Rouge et Bleu) laisse penser que CIH Bank se remet en selle après s’être devancée par la banque au cheval. En effet, CIH Bank a été la première à avoir annoncé le démarrage des phases de test pour un lancement avant fin mars. Ces deux banques pourraient être également rattrapées par Attijariwafa bank qui serait en train d’apporter les dernières touches au projet ou encore BMCE Bank qui aurait également entamé les tests pour un lancement imminent. L’agenda du déploiement semble donc en ligne avec le calendrier proposé par Bank Al-Maghrib.

La Banque centrale avait en effet prévu le lancement de la solution au cours du premier semestre 2018. Il faut dire que le marché se prépare actuellement à cette petite révolution qui vise à encourager l’utilisation des paiements électroniques, la réduction de la circulation du cash et le développement de l’inclusion financière. L’idée de mettre en place cette solution de paiement mobile est venue pour limiter la présence surabondante du cash dans l’économie. En effet, plus de 90% des transactions sont réalisées en espèce. Les autres modes de paiement (chèques, cartes, virements et prélèvements bancaires) représentent à peine 4,5% des transactions par habitant et par an. Un taux faible comparé à certains pays émergents. Autre spécificité marocaine, l’usage de la monnaie scripturale a un coût estimé à 7 MMDH par an. Un coût que se partagent tous les opérateurs économiques : les banques, les entreprises de services, les petits commerçants et aussi les particuliers. D’ailleurs, l’ensemble de ces acteurs souffre en partie de la perte de productivité et des risques liés à la manipulation du cash. Surtout que pour plusieurs économistes, le cash favorise le développement de l’informel. De ce fait, l’ouverture de la licence de service de paiement à de nouveaux acteurs a créé notamment des opportunités pour les opérateurs télécoms. Surtout que le taux d’équipement en téléphone mobile au Maroc dépasse les 130% (le taux d’équipement en smartphones était de 67% en 2016).

Dans une étude, Bank Al-Maghrib estime que la solution du paiement mobile, pourra capter 60 MMDH sur 5 ans. Une solution, donc qui permettrait aux opérateurs, un gain conséquent en matière de gestion du cash et en réduction des risques opérationnels. Cette même étude a permis d’identifier les principaux flux de paiement en cash, représentant une enveloppe globale annuelle de 400 MMDH. Le projet a ainsi identifié une liste des transactions éligibles : versement des prestations sociales de faibles montants, transferts nationaux entre particuliers de faibles montants, et les achats des particuliers dans le commerce de détail. Et ce, en plus de l’achat de recharges téléphoniques, le paiement des fournisseurs par les commerçants de détail, les factures des services en réseau. Pour mener le projet à terme, un appel d’offres public a été lancé par le comité stratégique (composé conjointement de Bank Al-Maghrib et l’ANRT) et a été remporté ensuite par un groupement composé de BearingPoint, Atos et JohnsDay, des institutions spécialisées dans ce type de paiement. Ces différents groupes ont ensuite accompagné Bank Al-Maghrib dans la mise en œuvre effective d’une solution nationale de paiement mobile.

Le consortium devait également définir les spécifications techniques relatives à ce nouveau moyen de paiement ainsi que les volets économiques et organisationnels du projet. Bank Al-Maghrib avait ensuite finalisé, après consultation des différents opérateurs, deux circulaires relatives aux conditions d’exercice des établissements de paiement et aux modalités d’offre de services de paiement. Elles ont été validées par le comité des établissements de crédit le 1er juin dernier. Le comité travaillait en effet à définir les principales règles de place nécessaires au bon fonctionnement des opérations. La réussite de l’adoption de cette solution par le plus grand nombre nécessiterait, entre autres, de prévoir certaines incitations fiscales afin d’encourager l’ensemble des parties prenantes. Plusieurs rencontres ont été organisées dans ce sens avec des acteurs publics et privés. Par contre, une condition a été exigée par les établissements bancaires -ne souhaitant probablement pas se faire empiéter par les opérateurs téléphoniques-. Pour celles-ci, tout opérateur télécom qui souhaite proposer un service de paiement est tenu de créer une filiale dédiée. Une précaution qui va dans le sens où l’activité de paiement est avant tout agréée par la Banque centrale et doit être donc adossée à un compte bancaire. Bank Al-Maghrib veut ouvrir davantage le marché des paiements et apporter une nouvelle concurrence à travers l’entrée sur le marché d’acteurs plus agiles et ayant une structure de coûts moins lourde que celles des banques. Le compte Wallet fonctionnera ainsi comme des cartes bancaires virtuelles. À travers un numéro de carte virtuelle qui permettra le routage des opérations, leur autorisation, leur compensation puis le versement et le règlement. Il est nécessairement lié à une banque ou à un établissement de paiement. Il deviendra ainsi un moyen de paiement à part entière comme le chèque, la carte bancaire où le cash. La Banque centrale a ensuite voulu capitaliser sur les infrastructures existantes afin d’être rapidement opérationnelles. L’autorité bancaire compte également se reposer sur les canaux monétiques qui sont déjà interopérables. Du coup, le système devra être interopérable dès son lancement. Certains professionnels parlent d’une interopérabilité efficiente à 100% dès le mois de juin. Ainsi même si chaque banque aura sa propre application, le client peut choisir de payer ses opérations sur l’application d’une autre banque. Pour les experts du marché, le nouveau système, lorsqu’il montera en puissance, apportera plus de sécurité et fera baisser les coûts de la manipulation du cash, sans compter la rapidité. Pour eux, l’étape la plus cruciale reste de convaincre le réseau des commerces de proximité qui est quelque peu restreint à ce jour. Aujourd’hui, ce sont à peu près 20.000 commerçants prêts à adopter ce mode de paiement au lancement. Ce chiffre atteindra les 50.000 dans les 3 prochaines années selon les estimations de Bank Al-Maghrib. Ainsi, la prochaine serait d’agrandir le réseau d’acceptations en incluant plus de commerces de proximité et les prestataires tels que Casa Transport, l’ONCF, la Cnops ou encore la CNSS.  



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