Cession de Saham finances : Que se passera-t-il après ?
Le mode opératoire semble se répéter depuis la création de Saham en 1995. Les acquisitions se sont enchaînées et les cessions aussi. Après l’annonce de la cession des parts du groupe Saham à son partenaire sud-africain Sanlam, le marché se pose plusieurs questions sur l’après-cession : changement de nom, revalorisation, nouvelle stratégie…
Après plusieurs mois de négociations, Sanlam, partenaire sud-africain de Saham depuis février 2016, augmentera sa participation dans le capital des filiales assurance du groupe Saham pour passer de 46,6% à 100% au terme d’un accord conclu en fin de semaine. L’opération consiste donc en une cession de Saham Finances (Groupe intercontinental de l’assurance) qui contrôle Saham assurances (à près de 52%), les activités d’assistance (70% pour Saham Assistance et 100% pour Isaaf Santé) et de la réassurance et du tiers payant assistance. Le groupe Saham gardera, au final, le contrôle des pôles immobilier, santé et éducation ainsi que certains services externalisés. Cette acquisition d’un montant de 1 milliard 50 millions de dollars, a été conclue sur la base d’un prix de Saham Assurance Maroc à 1.450 DH par action. La holding compte ainsi utiliser le fruit de cette cession pour se transformer en Fonds d’investissement panafricain. Au terme de ces opérations, Saham aura drainé un total de 1,7 milliard de dollars d’investissements étrangers depuis 2012. Il faut dire que la holding cède un des fleurons de l’industrie des assurances en Afrique. Présent dans une vingtaine de pays africains, Saham Assurances revient de loin. Il faudra remonter à 2005 où Moulay Hafid Elalamy avait décidé de racheter – à la surprise de l’ensemble du marché financier – la CNIA.
Le groupe Saham a ainsi racheté la totalité des parts d’Arab Insurance Group B.S.C. ARIG, l’actionnaire majoritaire (à hauteur de 67%) de cette ex-filiale de la CDG. La belle affaire à l’époque, mais la compagnie traînait avec elle quelques casseroles…Des efforts ont été ainsi fournis pour améliorer la qualité de service, résorber une très grande partie des retards accumulés et assainir la situation financière de CNIA en renforçant ses réserves et ses actifs. Ces changements ont permis dès la première année d’acquisition d’enregistrer une progression des primes émises de 2,3% par rapport à 2004. La dynamique de croissance combinée à la politique d’assainissement ont permis à CNIA Assurance de réaliser un chiffre d’affaires 2015 de 1,1 MMDH et d’enregistrer une amélioration de ses fondamentaux de rentabilité et de solvabilité. En 2008, le chiffre d’affaires de CNIA s’est élevé à 1,543 MMDH, ce qui lui a permis de se positionner parmi le top 5 du marché. Elle occupait le quatrième rang avec une part de marché de 7,8% et une croissance de 12,3% par rapport à 2007 (et de plus de 40% depuis 2005). Une performance qui confirme le positionnement remarquable et ciblé de CNIA afin d’améliorer ses parts de marché dans le segment Non Vie. Celui-ci affichait une croissance de 24,8% contre une croissance de 11,5% pour l’ensemble du secteur. Dans le détail, la progression de l’activité Non Vie a été portée par l’amélioration de la branche risques techniques (+157,1%), le transport (+42,4%), les accidents du travail (+36,7%) et l’automobile (+31,6%)…Après avoir remis en selle CNIA Assurance, Moulay Hafid Elalamy s’attaque à une autre marque d’assurance, Es Saada. Un autre pari «fou» selon les opérateurs de l’époque qui qualifiaient Es Saada de compagnie d’assurances vieillissante et au bord de la faillite. L’entreprise souffrait en effet d’une importante insuffisance de provisions techniques, d’un problème de recouvrement des primes ainsi que de rendements financiers négatifs du fait d’une mauvaise allocation des placements. Même Modus Operandi, après acquisition en 2006, ladite compagnie est passée par une phase de redressement. Celle-ci était assortie d’une aide financière de 2,2 MMDH dont 800 MDH provenant du Fonds de solidarité des assurances. L’enjeu était de taille, la compagnie bénéficiait d’un des plus larges réseaux de distribution et d’une position de leader dans des branches rentables (l’automobile, l’assurance maladie complémentaire…). De plus, Es Saada disposait d’actifs immobiliers tels que Holiday Inn, ce qui a poussé la holding Saham à créer un fonds d’investissement, Saham Hôtel afin de décliner les futurs projets dans ce domaine. La croissance a également été au rendez-vous pour Es Saada, les primes émises sont passées de 930 MDH en 2006 à plus de 1,17 MMDH à fin 2008. Passée la phase d’assainissement, une nouvelle étape va être franchie à travers la fusion des deux sociétés. En 2009, la fusion est effective et donnera naissance à CNIA Saada Assurances. La nouvelle entité a été détenue à hauteur de 56% par le Groupe Saham. Elle s’est rapidement placée au quatrième rang des assureurs en disposant du réseau d’agences le plus large. Les primes émises se sont établies à 2,8 MMDH en 2009 soit une progression de 4,2% par rapport à 2008. La compagnie occupe également la première place pour la catégorie d’assurance automobile et la troisième place sur l’assurance santé. L’épopée CNIA Saada s’est illustrée par un autre coup de maître de Moulay Hafid Elalamy.
La compagnie CNIA Saada a entamé le processus d’introduction en Bourse en 2009 pour une première cotation à fin 2010. L’assureur a ainsi accéder au premier compartiment de la Bourse par cession de 15% de son capital, soit 617.531 actions. Ces titres étaient détenus par PCAIP-PAIP (11,65%), Saham Finances (2,35%) et Sanam Holding (1%). La cession de ces actions s’est faite au prix unitaire de 1.044 DH, soit un montant total de 644,7 MDH. L’opération avait valorisé la compagnie à 4,3 MMDH. Du «papier frais» qui a toujours attiré les investisseurs. Il faut dire que le dividend yield est des plus importants de la place. Les dividendes distribués ont évolué entre 2009 et aujourd’hui de 14 DH à 40 DH par action. Le titre s’échange actuellement à plus de 1.500 DH. Après une virée «paisible» (2010-2014), le groupe Saham a décidé de mettre de l’ordre dans son identité visuelle. Il place ainsi le pôle assurance en tant que centre de gravité via un nouveau plan stratégique. Saham Assurance devient, du coup, le nouveau nom de toutes les filiales d’assurance du groupe en Afrique (CNIA Saada, Groupe Colina et Mercantile Insurance). En effet, le groupe a acquis en 2011 le groupe Colina, devenant ainsi premier assureur du continent. Même si l’appétit vient en mangeant, certaines opérations n’ont pas abouti. Le groupe Saham avait tenté l’année dernière une OPA hostile sur l’ivoirien Sunu. Une opération qui a été avortée au final. Un épisode qui n’a, semble-t-il, pas perturbé la compagnie ni l’attrait du titre en Bourse. L’action a gagné plus de 37,58% depuis le début de l’année 2017. Côté performances, ledit groupe poursuit ainsi sa progression avec un chiffre d’affaires en hausse de 10,3% à 4,8 MMDH. La question qui se pose actuellement à travers cette cession est la nouvelle valorisation du nouvel ensemble. L’avenir de Saham est-il menacé en Bourse ? Au final, l’on peut dire que Saham a en quelque sorte toujours joué le rôle d’un fonds d’investissement. Rappelons qu’avant l’épisode CNIA-Saada, Moulay Hafid Elalamy s’est attelé dès la création de son groupe en 1995 à l’acquisition de 35% de la société de courtage Agma pour 21 MDH. En 1997, Saham greffe à Agma un autre cabinet, Lahlou-Tazi. Une année plus tard, l’ensemble Agma-Lahlou Tazi a été introduit en Bourse puis cédé. Autre exemple, encore plus récent, le Groupe Saham était présent dans le secteur du prêt à la consommation suite à la prise de contrôle des sociétés de crédit Salaf et Taslif, acquises en 2007. La filiale spécialisée en crédit à la consommation et cotée en Bourse (depuis 1997) fait actuellement l’objet d’une opération de fusion-absorption avec la filiale spécialisée du groupe BMCE Bank of Africa. Un ensemble qui devra peser plus de 2,5 MMDH avec un PNB de plus de 500 MDH et un matelas de plus d’1 MMDH de fonds propres.