Les Cahiers des ÉCO

Hassan Laaziri: «L’investisseur marocain joue la sécurité en investissant au niveau local»

Hassan Laaziri, Président de l’AMIC

Alors que les sociétés de gestion ont vu leur cadre réglementaire s’assouplir, les investisseurs en capital locaux semblent encore hésiter à miser sur ce type d’instrument. Ceci dit, les investissements en capital prennent de plus en plus d’ampleur au Maroc, mais la présence étrangère reste prédominante. Hassan Laaziri, DG de CDG Capital Private Equity et président de l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) nous explique les chantiers encore restants pour le décollage de l’industrie.

Les Inspirations ÉCO : Pensez-vous que le cadre fiscal actuel est adapté à l’activité du Capital investissement ?
Hassan Laaziri : Il y a eu quelques avancées qui ont été réalisées, notamment la transparence fiscale des véhicules d’investissement qui est désormais acquise. À cela s’ajoutent les droits d’enregistrement en cas de cession d’actions qui ont été supprimées suite à la Loi de finances 2018. Une bonne nouvelle pour les investisseurs en capital qui étaient pénalisés dès le départ, puisqu’ils devaient s’acquitter de leur mise (4%) avant même de commencer à récupérer des bénéfices. Il reste, toutefois, à régler le problème de la TVA appliquée aux frais de gestion et qui représente un surcoût pour l’investisseur. Une mesure où cette TVA est supportée par les investisseurs. Vu que les fonds ne génèrent pas de chiffres d’affaires, les professionnels plaident pour un réaménagement de la TVA et travaillent en hors taxe…L’autre mesure à régler concerne l’investissement à travers les business angels. Une disposition, qui a été approuvée dans la dernière Loi de finances. Elle s’applique lors d’une prise de participation dans le capital fixée à 200.000 DH dans une startup au chiffre d’affaires ne dépassant pas les 5 MDH et dont les charges dédiées à la Recherche & développement (R&D) n’atteignent pas les 30%. Sauf que les termes de cette disposition sont très subjectifs et un redressement fiscal est vite arrivé. Des discussions ont été entamées pour simplifier cette mesure. On souhaite également l’élargir aux personnes physiques parce qu’actuellement, elle est dédiée uniquement aux entreprises. Un dernier point à souligner également, la loi relative aux OPCC offre certes un large éventail de possibilités aux professionnels en termes de politique d’investissement, mais le cadre fiscal, quant à lui, a tendance à peser sur cette industrie. Surtout que 25% des entreprises cotées en Bourse ont été accompagnées par un fonds d’investissement à un moment de leur vie (HPS, M2M, Disway, S2M, Jet Contractors, CMT ….). Aujourd’hui, nous réclamons une exonération fiscale au niveau de ces sociétés cotées en Bourse.

Les fonds étrangers sont très actifs en termes de private equity au Maroc, contrairement aux fonds locaux. Comment peut-on y remédier ?
Les fonds étrangers continuent de se tailler la part du lion puisqu’ils représentent plus de 65% des montants engagés. Nous espérons que les investissements -en valeur- restent maintenus à ce niveau-là. Mais il est grand temps que l’épargne nationale soit orientée vers ce type d’outils d’investissement, qui offre des rendements attractifs (avec un taux de rendement interne (TRI) brut moyen de 13%. Des actions devraient être menées de concert avec l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), l’Autorité de contrôle des assurances et de prévoyance sociale (Acaps) et les différents opérateurs pour convenir d’un plan d’action susceptible d’aiguiser l’appétit des investisseurs locaux.

De la même façon qu’il y a une prédominance des fonds d’investissements étrangers au Maroc, existe-t-il des fonds présents ailleurs dans la région ?
Ça, c’est un problème. Parce que les fonds d’investissement sont de plus en plus d’envergure internationale et s’adressent des fois à toute une région au lieu d’un seul pays. Aujourd’hui, nous n’avons pas de société de gestion marocaine qui soit à vocation régionale. Les fonds locaux ne semblent pas très friands de l’international, alors qu’il y a plein de pépites africaines dans plusieurs secteurs qui attendent un coup de pouce. Il faut dire qu’il y a toute une procédure à faire au niveau de l’Office des changes…Au final, l’investisseur marocain préfère jouer la sécurité en investissant au niveau local. Résultat, le monde mise sur les mêmes actions, les mêmes risques État ou encore le même immobilier…Ce qui représente un risque systémique qui pourra faire effondrer tout l’écosystème financier. C’est ce qu’a vécu la Tunisie lors du printemps arabe. À notre niveau, le Maroc peut capitaliser sur la présence de nombreuses banques et entreprises marocaines sur le continent afin de diversifier le risque auquel nos fonds sont exposés.



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