Transparency Maroc dévoile son projet de suivi
Il s’agit de mécanismes qui devront accompagner la mise en place de la stratégie nationale. L’ONG parle d’obstacles qui continuent de compromettre une réelle mise en application des réformes nécessaires dans le domaine.
C’est un tableau noir que Transparency Maroc a dressé, en fin de semaine, de la politique étatique de lutte contre la corruption. L’ONG qui a présenté un projet de suivi de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption, en fin de semaine à Rabat, est revenue sur les péripéties d’une volonté gouvernementale non suivi d’effets. N’y allant pas par le dos de la cuillère, Fouad Abdelmoumni, secrétaire général de Transparency Maroc, a expliqué que le Maroc continue de souffrir d’une corruption systémique et endémique dont attestent nombre d’indicateurs pertinents. Et d’ajouter que les évolutions en cours ne permettent pas d’espérer une amélioration significative de la situation sans un réel engagement des autorités publiques. Le Maroc qui a célébré samedi la Journée nationale de lutte contre la corruption a pourtant fait de cette cause le fil conducteur de ses politiques publiques. Pourtant, le phénomène a la peau dure, fait de la résistance au changement et s’érige en règle surtout dans le domaine administratif. Il compromet sérieusement le modèle de développement économique vers lequel le pays tend. Et depuis l’adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption en décembre 2015, Transparency Maroc estime qu’elle n’est toujours pas mise en vigueur. Et Abdelmoumni d’enfoncer le clou en indiquant que «du déni du phénomène, les autorités sont passées à sa reconnaissance et aux déclarations d’intention pour l’endiguer. Mais elles continuent à éviter toutes démarches déterminantes, fortes, convergentes, efficaces et non équivoques».
Pour sa part, Jorien Janssen, deuxième secrétaire aux affaires politiques à l’ambassade des Pays-Bas à Rabat, a mis la problématique dans son contexte mondial. «La corruption a toujours existé dans le monde même dans les pays stricts à ce sujet. Les deux tiers des pays sondés (176 au total) ont un score en dessous de la moyenne en matière de perception de la corruption», a-t-elle souligné. Et la responsable d’ajouter que la lutte contre la corruption devient une priorité pour les gouvernements. Félicitant le Maroc pour son arsenal juridique en la matière, elle a expliqué que depuis 2007, l’ambassade accompagne Transparency Maroc à travers plusieurs projets de lutte contre la corruption. Face donc au retard pris dans la déclinaison de la stratégie nationale, Transparency Maroc veut prendre le taureau par les cornes en passant à l’acte. Parmi les mesures que l’ONG compte prendre dans ce sens, figurent la création d’un mécanisme d’évaluation du phénomène et de collecte d’informations sur les affaires et dysfonctionnements liés à la corruption. L’ONG compte également faire valoir son droit de plaidoyer pour une meilleure application de la stratégie. Il faut savoir aussi que conscient de l’urgence de la chose, le gouvernement n’est pas resté les bras croisés. En novembre 2017, un décret relatif à la création de la Commission nationale de lutte contre la corruption a été publié au Bulletin officiel. Et ce en respect des dispositions de la Constitution, notamment les chapitres 90 et 92. C’est justement cette commission qui a été chargée de la mise en œuvre de la stratégie nationale.
Toutefois, Transparency Maroc dépeint un contexte non favorable marqué par des blocages. Il s’agit notamment de l’instance nationale de la probité et de la lutte contre la corruption, gelée de fait, explique-t-on, car le mandat de ses membres est échu depuis 2013 sans que de nouvelles nominations ne soient intervenues. Plus encore, Transparency Maroc estime que la loi créant cette instance est décevante même en comparaison avec le précédent texte instituant l’ICPC. Dans le même ordre d’idées, le Conseil de la concurrence est gelé à son tour, faute de nouvelles nominations. Enfin, ajoute l’ONG, le projet de loi sur l’accès à l’information, tend plus à empêcher qu’à faciliter l’accès légitime des citoyens à l’information.
Évolution de la stratégie nationale
Il y a plus de dix ans, les pouvoirs publics confrontés à une image dégradante du Maroc, liée à l’exacerbation de la corruption, sont passés à l’acte. D’abord par l’élaboration de programmes nationaux de lutte contre la corruption en 2005 et 2010. Cela s’est accompagné par la ratification de la Convention des Nations-Unies contre la corruption en 2007 et par quelques améliorations juridiques et institutionnelles. Après son adoption le 28 décembre 2015, le lancement de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption devait prendre son envol en 2016. Mais c’est sans compter sur un certain nombre d’écueils et de résistances ayant compromis la bonne marche de la réforme. La stratégie en question s’étale sur dix ans et trois étapes (2016-2017), (2017-2020) et (2020-2025). Elle est considérée comme la plus complète et la plus volontariste. Elle vise, à l’horizon 2025, à inverser la tendance de manière visible et irréversible, renforcer la confiance des citoyens et améliorer l’intégrité des affaires et le positionnement du royaume à l’international.