Maroc

«L’acte de médiation ne se présume pas»

Mohamed El GhorfI, Directeur exécutif du centre marocain de médiation bancaire 

Main levée, clôture des comptes…les litiges entre établissements de crédit et clients ne cessent de se décupler. Le marché financier s’organise désormais autour du médiateur bancaire pour solder ce type de conflits et préserver la relation banque/client. Créé en 2014, le centre marocain de médiation bancaire (CMMB) semble avoir ses preuves après une première tentative (en 2009). Bilan d’étape avec Mohamed El Ghorfi, directeur exécutif du Centre…

Les Inspirations ÉCO : Peut-on dire que la médiation a atteint une vitesse de croisière ?
Mohamed El Ghorfi : Je dois dire pas encore…La médiation est en train de se frayer son chemin lentement mais sûrement au niveau du paysage bancaire et financier marocain mais son existence demeure encore peu connue du grand public. Notre action de communication est déployée à travers différents supports pour porter à la connaissance du public, qu’il existe un mode de règlement alternatif souple qui peut apporter des solutions à l’amiable aux parties et éviter aux clients de recourir aux moyens classiques de résolution des conflits (droit commun, arbitrage…). Notre institution peut apporter une valeur ajoutée réelle aux clients particuliers ou professionnels qui n’ont pas les moyens ou qui ne sont pas disposés d’ester en justice et de trainer un litige en longueur.

Comment mesure-t-on, alors, l’efficacité du centre de médiation ?
Un centre de médiation se mesure par deux critères quantitatif et qualitatif, soit le nombre de demandes de médiations reçues et la proportion de résolution des litiges traités au gré des parties. Nous recevons plusieurs réclamations qui souvent ne relèvent pas de notre champ de compétence (conservation foncière, octroi de crédit, administration, surendettement etc …). Donc depuis la création du Centre en 2014, nous avons reçu un peu plus de 2.000 réclamations dont 40% sont hors champ de compétences. Nous répondons à tous ces clients par mail ou par courrier postal. Nous avons aussi une cellule téléphonique pour apporter une assistance et conseil à distance aux clients désireux de savoir si leurs demandes entrent ou pas dans notre champ de compétences pour leur éviter de se déplacer inutilement et de présenter des demandes incomplètes (parfois sans numéro de compte, sans nom de la banque, sans préciser la nature des litiges et leurs griefs…). Sur les 60% de dossiers traités, une part de 71% a connu une issue favorable. Pour les sept premiers mois de cette année, nous avons traité 450 dossiers.

Quels sont les principaux motifs des réclamations ?
Les principales réclamations concernent principalement les contestations d’écritures comptables (27%) et les clôtures de compte (22%). D’ailleurs, un gros effort a été fait entre l’année dernière (34%) et cette année puisque les établissements de crédits sont plus attentifs sur ce thème.Le CMMB planche aussi sur les cas sociaux (12%). Ces cas où le plaignant vit une situation sociale imprévisible (perte de travail, accident, maladie…) et demande donc une suspension de remboursement de crédit dans le cadre de la loi 31-08. Les problèmes liés à délivrance de documents (ex, la main levée, plans d’amortissement et autres) représentent 10%.

Est-ce qu’il y a eu un effort sur les délais de traitement ?
Un acte de médiation ne se présume pas. Il faut que le client le demande expressément mais avant de le faire il faut qu’il épuise tous les recours internes avec son établissement de crédit. Aussi, conformément à notre règlement de médiation, le centre dispose de 8 jours pour déclarer la recevabilité. Actuellement, nous la déclarons très souvent au bout de 48h.Quant aux délais de traitement, nous disposons de 30 jours (avec prorogation de 30 jours mais une fois) pour les dossiers soumis en médiation institutionnelle (litiges inférieurs à 1 MDH (représentant 90% des dossiers), et à 90 jours pour les dossiers soumis en médiation conventionnelle (supérieur à 1 MDH). De notre côté, nous avons assoupli énormément nos procédures de travail depuis le démarrage du CMMB.

Le CMMB prévoit-il l’ouverture d’antennes régionales et quelles sont les villes visées ?
C’est prévu, mais pas dans l’immédiat. Les antennes régionales se verront ouvertes lorsqu’il y aura un volume significatif de dossiers à nous soumettre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, sinon elles feront juste office de boites aux lettres avec des frais de structure non justifiés. La plus grande partie des réclamations est concentrée sur Casablanca (48%) suivie de l’axe Rabat-Salé-Kenitra qui représente 18%, le reste est réparti sur les autres régions du Maroc ainsi qu’à l’étranger (MRE). Nous avons pu régler plusieurs litiges en rade depuis sept /huit années pour des clients marocains résidant en Europe (Pays-Bas, France, Suisse, Belgique etc.…) essentiellement par échanges de courriers. Au niveau régional, nous avons tout de même un devoir de vulgarisation et de promotion de la médiation bancaire auprès des clients. D’ailleurs, j’enchaîne les tournées avec les chambres de commerces et la CGEM pour promouvoir le Centre dans toutes les régions du royaume . Nous avons fait pratiquement toutes les villes principales (Marrakech, Tanger, Fès, Agadir.) et bientôt l’oriental et les provinces du sud en 2018.

Qui fait partie du cercle du médiateur (Conseil d’Administration) ? Pourquoi les associations des consommateurs n’en font pas partie ?
C’est une question qui nous a été posée plusieurs fois ! Notre conseil d’administration comprend Bank Al-Maghrib (BAM), les associations professionnelles des banques, des sociétés de financement, des associations de microcrédit, l’Agence nationale de promotion des PME et il est, d’ailleurs, présidé par le wali de BAM en tant que garant de la neutralité du Médiateur. Le tour de table sera élargi également à l’association des établissements de paiement. Nous sommes compétents pour traiter tous les litiges nés ou à naître entre la clientèle et les établissements autorisés par BAM appelées à effectuer des opérations de banque (bientôt les banques participatives). Quant aux associations de protection des droits du consommateur, le centre traite tous les dossiers en provenance des associations actives sans distinction avec la plus grande célérité et la transparence voulue. Nous collaborons étroitement avec certaines d’entre elles et privilégions l’efficacité au traitement des litiges de leurs relations. Notre conseil d’administration demeure souverain en matière d’orientations, et recommandations, d’approbation de plans d’actions, de recrutement, d’arrêtés des comptes bilantiels et également de sa composition, mais n’intervient pas du tout dans les solutions et avis du médiateur dans les dossiers soumis en médiation. Il faut savoir également qu’il existe actuellement 79 associations de protection des droits des consommateurs et trois fédérations,répertoriées au niveau du ministère du commerce et de l’industrie. S’il fallait intégrer telle ou telle association, quels critères objectifs, retenir sans créer de tensions avec les autres ?

Bank Al-Maghrib a revu les modalités de traitement des réclamations clients au sein des établissements de crédits concernés. Si ces dispositions sont appliquées efficacement, cela pourrait être l’équivalent d’une pré-sélection au sein des banques et permettre de réduire le nombre de dossiers à traiter niveau du CMMB…
Avec cette circulaire, les modalités de traitement des réclamations sont mieux cernées. BAM a demandé aux banques de se doter d’un Système d’information pour centraliser toutes les réclamations et générer des accusés de réception avec des délais traitement des dossiers convenus. Également l’affichage au niveau des points de vente des dispositifs externes à la disposition de la clientèle (BAM et Médiation bancaire) est prévu sans oublier la recommandation de veiller à la formation du personnel concerné par le traitement des réclamations. Tout ceci, est de nature à conforter valablement l’écosystème du traitement et de l’amélioration de la relation-clients. Au niveau du CMMB, on ne peut pas parler de réduction car d’une part le nombre des comptes bancaires est en progression annuelle constante (23 millions en 2016) entrainant logiquement une augmentation du nombre de litiges certainement pas dans les mêmes proportions, et d’autre part, ce sont deux dispositifs avec des missions distinctes.  



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