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Stabilité financière : Le Maroc réussit-il ses stress tests ?

L’allongement des délais de paiement, l’exposition des banques sur les gros débiteurs, un effet domino quasi-absent, la vulnérabilité des compagnies d’assurances en cas de défaillances bancaires, les filiales des banques à l’étranger, les innovations technologiques…Tour d’horizon des principales conclusions du dernier rapport sur la stabilité financière.

Le rapport sur la stabilité financière tance le comportement des entreprises publiques vis-à-vis de l’endettement. En constatant le retour à la croissance de la dette des entreprises non financières (+3,4% en 2016 contre un recul de 2,8% en 2015), le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques (à l’origine de la rédaction dudit rapport) observe que cette accélération a été en grande partie tirée par les entreprises relevant du secteur public, dont l’endettement a augmenté de 7,5%. L’analyse d’un échantillon de près de 14.000 entreprises (public et privé) fait ressortir un allongement des délais de paiement surtout au niveau de la TPME, atteignant des niveaux «inquiétants» pour certains secteurs d’activité, notamment la promotion immobilière, les BTP, les transports et communications et les services fournis aux entreprises. En attaquant le dossier des banques, le constat reste marqué par des éléments non récurrents.

En effet, les résultats au titre de l’année 2016 ont affiché une progression de 31% en lien surtout avec une opération exceptionnelle sans laquelle ces résultats auraient été en repli de 1,7% et ceci en raison de la contraction de leur marge d’intérêt et de la hausse de leur coût du risque. L’exposition des banques sur les grands débiteurs, l’un des risques les plus importants auxquels est exposé le secteur bancaire marocain, a continué à représenter près de 3 fois leurs fonds propres. En revanche, les stress tests réalisés confirment globalement la capacité des banques à conserver leur résilience aux chocs issus des conditions macroéconomiques ou de leurs expositions aux filiales implantées à l’étranger. S’agissant du secteur des assurances, si le rapport tient à saluer l’évolution remarquable des indicateurs clés de cette activité (taux de pénétration, plus-values latentes, ratio de liquidité, etc), il prévoit en même temps une baisse significative des excédents de marge avec le passage attendu vers le régime de solvabilité basé sur les risques, malgré une hausse nette de la marge de solvabilité (449% en 2016 contre 408% en 2015). Concernant les régimes de retraite, la réforme paramétrique du Régime des pensions civiles (RPC) courant 2016 a certes permis d’équilibrer la tarification pour les droits futurs de ses affiliés «sans toutefois résorber ses engagements importants au titre des droits passés». Aussi, l’inadéquation entre les niveaux des prestations et des cotisations pour le RCAR et la CNSS induisent des niveaux faibles de leurs taux de préfinancement (35% pour la CNSS et 45% pour le RCAR), contrairement à la CIMR dont l’équilibre technique reste sensible au facteur démographique de par le caractère facultatif du régime, note le rapport.

Effet domino quasiment absent
Par ailleurs, l’analyse des interconnexions bancaires a confirmé l’absence de risque de contagion par effet domino, ce qui confirme la concentration dont pâtissent les différents compartiments du marché monétaire marocain, en particulier du côté des emprunts qui se caractérisent par un niveau de concentration élevé, une banque mobilisant en moyenne plus de 40% des échanges sur le marché monétaire. De même, les expositions des compagnies d’assurances sur les banques sont plus significatives que celles réciproques. Un stress test portant sur un échantillon de 8 banques et 5 compagnies d’assurances a fait ressortir un indice de contagion élevé au niveau des banques et un indice de vulnérabilité important du côté des assurances, indiquant que ces dernières seraient vulnérables à des défaillances bancaires. Abordant le cas des filiales à l’étranger des trois groupes bancaires Attijariwafa bank, BMCE Bank Of Africa et Banque Populaire, le rapport rappelle que ces filiales ont contribué à hauteur de 22% à leur activité consolidée.

Les crédits distribués et dépôts collectés en 2016 à travers ces filiales se sont stabilisés aux mêmes niveaux qu’en 2015 avec des contributions respectives de 20% et 22%. Les prêts accordés par les trois banques à leurs filiales implantées à l’étranger, ajoute-t-on, continuent d’afficher des niveaux très limités. Ces prêts se répartissent sur plusieurs zones géographiques, avec une part de 41% accordée à la Tunisie, 13% au Gabon et 10% au Mali. Afin d’évaluer la résilience des banques face à d’éventuels chocs pouvant provenir de leurs filiales implantées à l’étranger, celles-ci ont été soumises à un stress test bâti sur la base d’une hypothèse de défaut de l’ensemble de ces filiales occasionnant une perte des expositions portées par leurs maisons mères. Plus de peur que de mal, les résultats qui en découlent confirment la résilience des banques à de tels chocs, soutient le rapport, compte tenu de leur assise financière et du niveau faible de leurs expositions sur leurs filiales situées à l’étranger. Au chapitre réservé au marché des capitaux, tout en constatant un regain d’intérêt de la part des personnes physiques pour le marché boursier, le rapport se livre à une analyse du niveau de valorisation de la place (un PER établi à 19,1 fois contre 15,5 en 2015).

Cette augmentation signifie que la hausse des cours a été plus importante que celle des résultats des sociétés cotées. Les rédacteurs du rapport estiment que cette situation pourrait être causée par le contexte de faible rendement du marché des taux d’intérêts poussant les investisseurs à rechercher des produits à meilleurs rendements. «Cette situation augmente le risque d’instabilité sur le marché boursier en particulier si le contexte de faiblesse des taux d’intérêts venait à changer de manière drastique», prévient le Comité de coordination des régulateurs du marché financier marocain. L’industrie des OPCVM est également pointée du doigt dans la mesure où elle reste dominée en volume par les entreprises financières, «ce qui fait des OPCVM un canal important de transmission des risques entre les marchés des capitaux et les établissements financiers».

Volatilité en hausse
Le rapport met le doigt sur le phénomène répandu des profits warning (avertissements sur résultats), qui pourrait expliquer la tendance haussière de la volatilité de la place (9,84% en 2016 contre 8,27% en 2015 et 6,88% en 2014). Néanmoins, rassure-t-on, la volatilité de la bourse de Casablanca reste modérée en comparaison avec les principales places boursières internationales. Du côté des intermédiaires, il y a lieu de rappeler que plus des deux tiers des sociétés de bourse affichent des résultats d’exploitation négatifs et ceci «en raison de la concentration qui caractérise le secteur avec 4 sociétés sur un total de 17 s’accaparant 60% du chiffre d’affaires du secteur». Au sujet de la gestion de portefeuilles individuels, le rapport note que cette activité n’est pas soumise à des obligations réglementaires en termes de reporting et de règles de pratique professionnelle, à l’exception de celle exercée par les sociétés de bourse, rappelant à ce titre qu’un projet de loi régissant l’activité de gestion de portefeuille pour compte de tiers est en cours d’élaboration.

Ce projet est mené par le ministère de l’Économie et des finances en collaboration avec l’AMMC et les intervenants du marché. «En attendant l’approbation dudit projet de loi et son entrée en vigueur effective, une enquête a été lancée à la fin de l’année 2016 par l’AMMC pour estimer les volumes des actifs gérés dans le cadre de contrats de gestion individuels et ainsi évaluer leur importance sur le plan de la stabilité financière», souligne-t-on. Un autre projet, cette fois-ci portant sur l’amendement de la loi encadrant le marché porteur des prêts de titres est en cours d’élaboration. Force est de signaler que les banques sont les premiers emprunteurs, alors que les OPCVM sont les principaux prêteurs. Cela s’explique par le fait que les banques empruntent les Bons du Trésor auprès des OPCVM principalement afin de les donner en garantie des avances de liquidités obtenues auprès de Bank Al-Maghrib. Sauf que pas moins de 97% des opérations de prêts de titres sont réalisées sans garantie, en majorité entre les filiales du même groupe. Compte tenu de l’importance du risque de contrepartie et du niveau d’interconnexion que représente cette situation, le plafond des prêts de titres sans garanties est aujourd’hui limité à 10% des actifs des OPCVM, en attendant les amendements apportés au projet de loi.


Innovations technologiques. Quels risques pour le système financier ?

Le rapport sur la stabilité financière met l’accent sur les enjeux liés à l’émergence des innovations numériques et technologiques au niveau international. Cette nouvelle ère numérique, explique-t-on, est marquée par l’apparition de nouveaux acteurs extérieurs au système financier (non bancaires), appelés communément les «FinTech29». À titre d’illustration, ces innovations ont porté sur le développement de nouvelles solutions de paiement telle que le «paiement mobile», la création de plateformes de financement dit participatif «crowdfunding», l’utilisation croissante de la monnaie virtuelle et de la technologie sous-jacente dite «blockchain», l’exploitation du «big data30» pour l’analyse des comportements des clients des services financiers ainsi que la gestion et le stockage de l’information sur le net via les plateformes de «cloud computing31». Dans cet environnement, les autorités (banques centrales, superviseurs, régulateurs) sont confrontées à de nouveaux risques (cybercriminalité, blanchiment de capitaux, fraudes, protection des consommateurs, etc.) et tentent d’adapter la réglementation et les mécanismes de supervision de manière à garantir la stabilité financière, mais sans nuire à l’essor des innovations qui améliorent la qualité des services rendus à la clientèle. Au Maroc, souligne le rapport, des travaux ont été engagés dans ce sens en vue d’encadrer les risques liés à ces innovations technologiques. Dans ce cadre, Bank Al-Maghrib indique avoir déjà mis en place une circulaire encadrant l’activité des établissements de paiement. Mieux, un projet de loi sur le financement participatif (crowdfunding) est également en cours d’élaboration par les services du ministère de l’Économie et des finances.



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