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Abattoirs : Le rapport «coupe-faim» de la Cour des comptes

C’est une véritable catastrophe que vient de révéler au grand jour la Cour des comptes dans le cadre d’un référé du premier président de l’instance. Les grands dysfonctionnements souvent indiqués concernant la gestion des abattoirs n’étaient que la partie émergée de l’iceberg. Le rapport révèle des défaillances à grande échelle tant sur le plan de l’hygiène que celui du contrôle ou encore des prérequis en termes d’équipement.

Vétusté des infrastructures, sous-équipement, mauvais entretien…Les dysfonctionnements qui frappent la gestion des abattoirs sont à vous couper l’appétit. Le premier président de la Cour des comptes vient de rendre son référé relatif à la gestion des abattoirs. Il s’agit du résultat des travaux de contrôle réalisés par les Cours régionales des comptes, entre l’année 2007 et l’année 2015, ayant porté sur plus de 70 abattoirs à travers le territoire national. Les derniers rapports de la Cour des comptes avaient déjà tiré la sonnette d’alarme concernant la situation désastreuse des abattoirs de Meknès et de Casablanca. Aujourd’hui, cette enquête globale a permis l’identification de carences récurrentes en matière de conditions hygiéniques et sanitaires ainsi que sur le plan de la gestion. «Ces insuffisances affectent d’une manière conséquente la qualité des viandes et constituent un handicap majeur sur le chemin de la modernisation de l’activité de production et de distribution des viandes rouges», tranche la Cour des comptes.

Risque de contamination
La cour fait la lumière sur une série de dysfonctionnements allant du non-respect des cahiers des charges jusqu’à l’absence d’équipements rudimentaires ou encore un dispositif de contrôle défaillant. Concrètement, ladite cour relève d’abord l’emplacement inadéquat des locaux des abattoirs soulignant que les structures d’abattage en tant qu’établissements classés insalubres doivent être implantées dans des lieux excentrés par rapport aux zones d’habitation. Une prescription dont le respect est souvent remis en cause du fait notamment du développement des agglomérations urbaines, faisant en sorte qu’une bonne partie des structures concernées se trouve actuellement localisées à proximité ou au milieu de ces agglomérations. À l’intérieur des abattoirs, le rapport souligne l’absence d’une chaîne d’abattage proprement dite séparant le secteur propre du secteur souillé. En effet, à cause de l’absence de locaux séparés pour la saignée, l’habillage et l’éviscération, la plupart des abattoirs fonctionnent selon un modèle à postes de travail fixes ne permettant pas le déploiement de la règle de la marche en avant du secteur souillé vers le secteur propre. Ainsi, les trois actes se font dans la même salle en contradiction avec les normes prescrites par le cahier des charges visant à prévenir la contamination des carcasses.

Locaux mal équipés
Sur le plan des équipements, le référé met en avant les insuffisances en termes d’agencement des locaux et de conformité des murs et sols aux prescriptions du cahier des charges. Plusieurs abattoirs ne disposent pas de locaux convenablement agencés, notamment pour la protection contre l’intrusion d’animaux et d’insectes pouvant contaminer les viandes et constituer des vecteurs de transmission de maladies. À cela s’ajoute le fait que la plupart des abattoirs sont dépourvus de blocs sanitaires et manquent de dispositifs pour le nettoyage et la désinfection des mains et du petit matériel, qui selon les normes prescrites par le cahier des charges devraient être placés le plus près possible des postes de travail. À cela s’ajoute le constat selon lequel le matériel et l’équipement des abattoirs, notamment les crochets, rails et treuils utilisés pour la manutention des carcasses des animaux de boucherie, souffrent d’une importante oxydation.

Contrôle insuffisant
À ces carences au niveau des équipements doivent s’ajouter les insuffisances sur le plan du contrôle sanitaire. Selon la Cour des comptes, une part importante des viandes serait aujourd’hui non contrôlée. Selon les statistiques de l’ONSSA, il est procédé au contrôle de 698 abattoirs sur les 898 structures d’abattage existantes au niveau national (dont 181 abattoirs municipaux, 3 abattoirs privés agréés et 714 tueries rurales). Il en résulte que 200 structures (un abattoir municipal et 199 tueries rurales) ne subissent aucun contrôle sanitaire. Il est à noter qu’un grand nombre de ces dysfonctionnements trouvent leur origine dans le déficit de mise en œuvre du cadre juridique ou son incompatibilité. Ainsi, le modèle de cahier des charges ne serait pas adapté aux différents types d’abattoirs. Le diagnostic a révélé que l’essentiel des structures dédiées à l’abattage sont des microstructures qui ne réunissent pas les conditions de base exigées dans le domaine. Ainsi, seules cinq structures d’abattage ont été agréées par les services compétents. L’absence de traitement différencié entre les différents types d’abattoirs ne permet pas d’assurer la mise en œuvre des stipulations du cahier des charges, vu les exigences qu’il impose et qui nécessitent la mobilisation d’importantes ressources financières et un grand effort organisationnel. Il est à noter qu’à la différence de la production, la distribution n’a pas fait l’objet d’un cahier des charges qui accompagne la réglementation en vue d’arrêter les bonnes pratiques devant être suivies par les opérateurs. Pour enfoncer le clou, la Cour des comptes souligne le non-respect des dispositions juridiques relatives au marquage et à la traçabilité des animaux abattus et des normes auxquelles doivent satisfaire les engins de transport des viandes rouges. La cour insiste par ailleurs sur les défaillances organisationnelles marquant les abattoirs en tant qu’établissements liées notamment à l’absence d’une organisation spécifique, à l’absence d’un règlement interne propre et d’un système de contrôle interne.



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