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«Le développement des drônes civils bloque sur l’aspect juridique»

M’hamed Tarek Benkhmiss, président de l’Association Drone Maroc (ADM) et DG de Medina Street Maroc

M’hamed Tarek Benkhmiss revient sur l’évolution du secteur des drones civils au Maroc, deux ans après la publication de l’arrêté du 23 février 2015. Il met la lumière sur le vide juridique que connaît le secteur à cause de l’inadéquation entre ce seul texte de loi et l’évolution technologique des drones. Politique de prix, évolution technologique, délais de paiement, etc. Autant de volets de l’activité de ces opérateurs, qui offrent une prestation de tournage aérien, sont expliqués dans cet entretien.

Les Inspirations ÉCO : Tout d’abord, une rétrospective s’impose…   
M’hamed Tarek Benkhmiss : Après le survol, par des drones, de plusieurs points sensibles du territoire national, l’arrêté de février 2015 a été publié et a entraîné une interdiction de faire voler les drones sans autorisation et sans licence d’importation. Par la suite, une autorisation spécifique à chaque tournage a été instituée pour les opérateurs. Nous devons respecter ainsi les formalités mises en place, qui sont très strictes. Ne serait-ce que la commission qui délivre les autorisations, elle est composée de militaires, des représentants de la gendarmerie, de la police et de la wilaya.

Est-ce que le fait de demander une autorisation à chaque tournage ne vous pose pas problème, sachant que vous disposez des autorisations nécessaires pour exercer ?
Dans d’autres pays, les autorisations sont données sur une année ou plus. Ce n’est pas le cas au Maroc. Les autorisations sont requises pour chaque tournage et elles sont demandées auprès des préfectures qui exigent les coordonnées GPS. Ces dernières sont étudiées par ladite commission pour éviter que des lieux sensibles soient filmés. Cette formalité retarde le déroulement de notre travail et constitue un poids administratif supplémentaire sur notre activité. Il faut souligner que sans une autorisation écrite, nous n’avons pas le droit de filmer. On risque même des problèmes si on filme sans l’autorisation écrite. Même une autorisation envoyée par mail n’est pas acceptée par les contrôleurs.

Mais cela vous protège, quand même…
Oui, cela a tout de même un point positif. En effet, notre métier est délicat, car les risques y sont multiples. Dans le cas d’un accident, et c’est le moindre des risques, l’aval des autorisations nous protège.

Quels sont les autres obstacles qui freinent l’essor de votre activité ?
L’arrêté de février 2015 ne couvre pas tous les aspects de notre activité. Par exemple, il n’y a aucun texte de loi qui régit l’utilisation des parachutes sur les drones, une disposition qu’on trouve dans les textes de loi des autres pays comme la France. Cela nous limite à l’usage d’une catégorie de drones qui volent à basse altitude. Au fond, il y a une inadéquation entre le seul texte de loi qui régit le secteur et l’évolution de ce dernier. Celle-ci est caractérisée par un développement technologique continu que la loi n’encadre pas.

Quels sont les inconvénients que peut poser cette lacune juridique ?
On ne peut même pas parler de spécifications techniques de notre outil de travail. Ce texte de loi ne précise pas, non plus, les prérogatives des différentes autorités avec précision. Pour l’instant, aucune disposition légale ne précise les mesures de sécurité, comme le parachute ou le niveau d’altitude de vol que doit fixer les autorités d’aviation. Dernièrement, nous avons sollicité la permission de voler à 400 mètres d’altitude, mais aucun texte ni procédure ne peut répondre à notre demande au Maroc. Par ailleurs, les opérateurs n’ont pas un terrain d’aéromodélisme où tout le monde peut s’entraîner, même pas les amateurs. Ce sont des lacunes et des manquements que nous souhaiterions combler.

Vous avez parlé des amateurs…
Oui, je pense qu’il faut ouvrir la voie aux amateurs et leur permettre de pratiquer le loisir de faire voler des drones. Le fait d’interdire les amateurs ouvre la voie à une pratique non-réglementée. C’est un vrai danger. Notre but est de mettre un cadre légal complet de l’usage des drones.

En tant qu’opérateur, les autorités constituent 80% de votre marché. Est-ce que cela ne vous cause pas de problème de recouvrement, sachant que les délais de paiement des institutions étatiques sont larges ?
Au contraire, nous avons la chance de travailler avec le gouvernement. Cela est capable d’inciter les autorités à prendre conscience de l’importance des drones. Ça nous permettra aussi d’ouvrir des voies de collaboration que nous ne pouvons pas avoir avec les entreprises. En effet, nos clients sont les wilayas, les préfectures et les gouverneurs. Ces institutions comprennent maintenant que le drone n’est pas un gadget et qu’il s’agit d’un outil professionnel. En ce qui concerne les délais de paiement, il est vrai qu’il y a un problème. Je peux vous parler d’un marché avec la SNRT, où nous avions été payés neuf mois en retard. Dans le cas des préfectures et des wilayas, les délais sont largement moindres. En tout cas, c’est un problème général au Maroc. Le plus important est que cela ne constitue pas un problème majeur qui nous empêcherait de poursuivre notre activité.

Quid de la politique de prix et des clients privés ?
Chaque opérateur a sa propre politique de prix. En ce qui nous concerne, nous avons opté pour des prix relativement bas mais adaptés à notre clientèle qui respecte un délai de paiement correct. C’est un choix. En ce qui concerne le privé, nous avons pris la décision de sélectionner nos clients, pour éviter les délais de paiement abusifs. C’est pour cela que nous ne travaillons pas dans le secteur du cinéma, ni avec les boîtes de production, bien que notre entreprise soit également une sorte de boîte de production. Les autres opérateurs n’ont pas la même politique, car il s’agit d’un secteur porteur.



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