Retard dans la formation du gouvernement : Jouahri fait l’impasse
Flexibilité du dirham, délai de paiement, mobilité bancaire, chômage, dons du Golfe…à l’issue du Conseil de BAM tenu le 21 mars, le wali de la Banque centrale a tenu aussi à préciser que les indicateurs économiques n’ont pas été impactés par le retard dans la formation du gouvernement.
La première réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib pour cette année 2017 a été spéciale puisqu’elle intervient dans un contexte politique inédit à cause du retard pris dans la formation du nouveau gouvernement. Une variable qui ne semble pas trop perturber le gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri. «Le retard de la formation du gouvernement n’est pas pris en compte dans le modèle de Bank Al-Maghrib dans la mesure des indicateurs économiques et financiers». Ce qui le préoccupe plutôt c’est le contexte de transition dans plusieurs domaines : la flexibilité du dirham, les banques islamiques, le chômage persistant voire inquiétant… Les chiffres sont certes optimistes et relatent une reprise de la croissance prévue à 4,3% en 2017 après une chute vertigineuse à 1,1% en 2016, soit moins que les prévisions de BAM (1,2%). Abdellatif Jouahri était mardi lors de l’habituelle conférence de presse consécutive à la réunion du Conseil, en mode warning. Toutefois, étant donné que les fondamentaux de l’économie y compris l’inflation sont bons, la Banque centrale a maintenu son taux directeur inchangé à 2,25%
Dirham flexible
Le FMI ne dicte rien
À propos de la flexibilité du dirham qui devrait bientôt entrer en vigueur, le wali de BAM a vigoureusement rejeté les allégations à propos du FMI qui aurait imposer ce basculement d’un taux de change fixe à un taux flottant. Certes à l’issue de chacune de ses missions au Maroc, l’institution financière exhorte le gouvernement à faire le pas afin d’ouvrir d’autres perspectives aux échanges et à l’économie. Selon Jouahri, la première étude sur le sujet date de 2010 avec l’assistance du FMI, mais à aucun moment ce dernier n’était en posture d’exiger son adoption dans l’immédiat. «Aujourd’hui, les conditions sont propices pour passer à la flexibilité en douceur et de manière graduelle pour ne pas perdre vigilance chemin faisant. C’est ce que j’appelle la démarche du chameau», a expliqué Jouahri. Les fondamentaux de l’économie sont aujourd’hui bons avec une inflation maîtrisée et une croissance qui rebondit. En tout cas, le wali de BAM, qui vient de recevoir deux agences de notations, reste confiant sur la base de prémices positives quant au maintien de la notation du royaume.
Banques islamiques
Deux dossiers finalisés
Comme promis, en janvier, le régulateur a donné le coup d’envoi pour la commercialisation des produits bancaires participatifs. Toutefois, il n’y a pas encore de visibilité quant au lancement effectif de ces produits. «Nous avons tenu promesse en autorisant les banques participatives dans les temps convenus. Maintenant, la balle est dans le camp des banques. Nous attendons les dossiers légaux», a-t-il indiqué. Jouahri a annoncé dans ce sens avoir reçu deux dossiers portant sur une banque créée par le CIH avec les qataris et une fenêtre participative de la BMCI. Les deux dossiers ont été soumis au Secrétariat général du gouvernement pour une proche publication dans le Bulletin officiel suivant la procédure en vigueur. Quant aux autres composantes de mise en œuvre des produits halal, BAM se penche concomitamment sur les modèles des contrats liant les banques participatives à leurs clients ainsi que les taxes qui seront appliquées.
Délai de paiement
Pas si évident que ça
Certes l’État a fait un grand effort en déboursant 8 MMDH en remboursement de TVA en 2016. À comparer avec 2015 où ces remboursements n’ont pas dépassé les 3,2 MMDH. Ce qu’on appelle le butoir de TVA contribue de manière sensible à alléger les trésoreries des entreprises et les encouragent à aller vers d’autres investissements. Idem pour la nouvelle loi sur les délais de paiement qui a mis des garde-fous face à la nonchalance du passé. Ceci dit, Jouahri a reconnu que malgré toutes ces avancées, les problèmes liés au délai de paiement s’aggravent. S’y ajoute le fait que BAM ne dispose pas de toutes les données pour le saisir. Une enquête a été initiée dans ce sens auprès de 60.000 entreprises qui ont une bonne tenue de leur comptabilité afin de mieux cerner la problématique. Qui doit à qui ? Quelles sont les implications et l’étendue de la problématique entre les entreprises privées et au sein de la sphère publique ? Autant de questions auxquelles le régulateur essaiera de répondre une fois que les éléments de son enquête seront finalisés et disponibles.
Mobilité bancaire
Difficile départ
Entrée en vigueur depuis le 15 janvier de l’année en cours, la mobilité bancaire semble avoir du mal à se mettre en place. Pour planter le décor, la mobilité bancaire permet aux clients de changer facilement de banque. Le dispositif est aujourd’hui plus que jamais important dans la mesure où un nombre considérable de Marocains voudront bientôt déplacer leurs comptes dans les banques participatives. «Nous avons bataillé pour la mettre en place, mais il faut savoir que certaines dispositions comme la mobilité, les dégagements de cautions ou encore les clôtures des comptes prennent du temps à démarrer», a reconnu Jouahri. En effet, il est inacceptable que dans un temps où les banques sont appelées à se mettre à niveau, l’on assiste à des incidents de clôture de compte. Il est à rappeler que le code de mobilité bancaire a été adopté en juin 2015 par le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) en concertation avec Bank Al-Maghrib. Objectif, pousser les banques à être plus compétitives. Elles ont eu un an et demi pour s’y préparer et s’organiser afin de faciliter le transfert des comptes des clients qui le souhaitent.
Chômage dans l’agriculture
Pas de corrélation avec la pluie
Ce qui a surtout frappé le wali de BAM, c’est l’aggravation en une année seulement du chômage des jeunes entre 15 et 24 ans, passant entre 2015 et 2016 de 39 à 41%. Une perte qui questionne tout le système éducatif et de formation professionnelle qui doit être plus à l’écoute des besoins de cette catégorie de Marocains. En 2016, il y a eu aussi une perte inquiétante de 119.000 emplois dans l’agriculture. Certes la campagne était très faible, mais existe-t-il une corrélation entre le résultat de la campagne lié à la pluie et l’emploi dans ce secteur ? Selon Jouahri, une étude que la Banque centrale a lancée dans ce sens ne permet pas à l’heure actuelle de déduire une telle relation de cause à effet. Heureusement que cette perte dans l’agriculture a été compensée partiellement par un gain de 38.000 emplois dans les services, 36.000 dans le BTP et 8.000 emplois dans l’industrie y compris l’artisanat. Enfin, une baisse sensible à été remarquée du taux d’activité de 1 point de pourcentage à 46,4%.
Les dons du golfe sont là,
mais pas comme espérés
Les dons des pays du CCG sont importants dans la mesure où ils impactent même le déficit budgétaire. En effet, en 2016, le déficit hors privatisation a été de 42,1 MMDH ou 4,2% du PIB à cause notamment, explique Jouahri, de la baisse des rentrées émanant des pays du Golfe et de la hausse des dépenses d’investissement. Certes les dons en provenance des partenaires du CCG ont carrément doublé entre 2015 et 2016, passant de 3,7 MMDH à 7,2 MMDH mais pas jusqu’à atteindre les 13 MMDH prévus dans la loi de Finances.