Éco-Business

Le BMDA fait la guerre à la culture du tout gratuit

Ismaïl Menkari, directeur du BMDA

Cafés, casinos, hôtels, bars, discothèques, opérateurs télécom, festivals de musique, aéroports, radios, chaîne de télévision… la nouvelle direction du Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA) lance la chasse aux redevances que les opérateurs refusent de payer depuis plus de deux décennies. Effet d’annonce ou nouvelle stratégie pour rompre avec les pratiques du passé ? Les explications d’Ismaïl Menkari, le directeur du BMDA.

Les Inspirations ÉCO : Après des années d’inaction, vous décidez de passer à l’action. Pourquoi maintenant ?
Ismaïl Menkari : Depuis des décennies, on baigne dans le non-droit. Plusieurs organismes et institutions sont redevables envers les artistes et les créateurs de droits qui leur reviennent par la force de la loi. Après ces années de laisser-aller, il ne s’agit pas seulement de payer la redevance fixée par la loi pour l’année 2015, mais également les arriérés qui remontent à plusieurs années. Évidemment nous allons négocier un prix forfaitaire pour épurer ces arriérés et ouvrir une nouvelle phase ou tout le monde se met en conformité à la loi.

Quels sont les établissements concernés par ce tour de vis ?
Pour faire court, ce rappel à l’ordre concerne tous les lieux ouverts au public où l’on consomme de la musique ou l’image moyennant des téléviseurs ou du matériel sonore. Ça va des cafés jusqu’aux discothèques, en passant par les opérateurs télécom ou encore les aéroports ou les radios. Ces dernières consomment beaucoup de musique, pourtant, seules quatre radios ont fait les démarches pour épurer leurs impayés. Ces établissements comme les hôtels, les chaînes de télévision, les grandes stations balnéaires ou les aéroports, les hôtels… avant de commencer l’exploitation du lieu demandent une autorisation en vertu de leurs cahiers de charges pour utiliser les œuvres protégées. Ils sont donc dans l’obligation de payer.

Combien d’argent réclame le BNDA chaque année au titre des droits d’auteur à ces organismes ?
Il existe toute une réglementation qui a été décidée en comparaison avec les autres bureaux internationaux de droits d’auteurs. Pour avoir un ordre d’idée, les radios privées et nationales doivent s’acquitter annuellement de 4% de leurs revenus publicitaires. Il me semble que c’est dérisoire puisque ces radios qui sont, il faut le rappeler, subventionnées par l’argent public exploitent à souhait plusieurs œuvres. Quand on se permet de dire qu’on est la première radio musicale ou sportive ou autre, il ne faut pas être mauvais payeur. C’est le cas également des aéroports qui connaissent beaucoup de trafic et où on diffuse beaucoup de musique sur les écrans ainsi que le streaming très utilisé dans les avions.

Qu’en est-il de vos rapports avec les bureaux étrangers ?
Le BMDA joue le rôle d’intermédiaire entre les exploitants et les bénéficiaires, à savoir les auteurs et créateurs. C’est un organisme public qui relève du ministère de la Communication, mais qui est géré par le droit international de la propriété intellectuelle. Il faut savoir que quand un festival de l’envergure de Mawazine prend fin, la semaine d’après, les bureaux internationaux nous contactent pour réclamer les droits des auteurs qui ont été invités au Maroc. En clair, le BNDA est tenu de percevoir de l’argent pour un auteur et envoyer ses droits au bureau de son pays d’origine.

Avez-vous les moyens de coercition pour obliger tout ce monde à payer ?
Il existe un arsenal juridique à appliquer et nous avons des conventions avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice. De notre côté, nous sommes structurés en 12 délégations régionales qui couvrent le territoire national et nous avons envoyé des avertissements à tous les non-payeurs, a savoir la majorité des établissements et organismes qui consomment des œuvres protégés par la loi. Certains veulent discuter un échéancier, pour le reste des exploitants, ils recevront une notification par huissier de justice avant d’aller devant la justice. La culture de la propriété intellectuelle est quasi absente et il est temps de l’installer pour rendre service aux créateurs et aux auteurs ainsi que leurs ayants droit qui héritent de ces droits pendant 70 ans après le décès de l’auteur, avant que l’œuvre tombe dans le domaine public. Il est inadmissible qu’un artiste soit condamné souvent à vieillir dans le besoin et voir sa dignité bafouée. Il est temps que cette culture change. 



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