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L’action parlementaire divise

Constitutionnellement indépendante du gouvernement, la chambre basse aurait-elle pu mettre en place ses structures pour démarrer son action? Les avis sont mitigés. Certains estiment qu’il faut élire les instances de la chambre des députés avant même la formation du gouvernement, tandis que d’autres ont un point de vue différent.

Dans l’attente de la formation du gouvernement, le Parlement continue d’être paralysé depuis plus de deux mois. L’institution législative devait-elle attendre la constitution de la nouvelle équipe gouvernementale pour démarrer son action? Certains députés appellent les élus de la Nation à assumer leur responsabilité vis-à-vis des électeurs en mettant fin à l’attentisme, d’autant plus qu’il s’agit de deux institutions constitutionnelles indépendantes l’une de l’autre. Contacté par les Inspirations ÉCO, le parlementaire de la Fédération de la gauche démocratique, Omar Balafrej, ne cache pas sa déception quant à la situation d’arrêt que connaît l’institution législative depuis de longues semaines. Il estime que la Chambre des représentants aurait dû démarrer son action en élisant ses instances: «Dans les textes, la constitution des instances du Parlement n’est pas liée à la constitution du gouvernement. Rien n’empêche que la Chambre des représentants élise son président dans les plus brefs délais. Qu’est-ce qui empêcherait qu’un membre du PJD arrivé en tête des élections de se porter candidat à la présidence de la Chambre des représentants? Les instances pourraient, ainsi, se mettre en place». Il estime que, dans les monarchies parlementaires, on commence en premier lieu par l’élection des instances du Parlement. En Espagne, le président du Parlement est élu lors de la première séance qui suit la tenue des élections générales.

Au Maroc, le perchoir de la chambre basse, un poste très convoité, est négocié entre les alliés lors des tractations pour la formation du gouvernement. Il s’avère ainsi difficile d’élire le président de la chambre des députés sans avoir scellé une alliance préalable, d’autant plus qu’aucun parti politique ne détient la majorité. Aussi le sort du Parlement et du gouvernement sont-ils étroitement liés. Et même l’élection des instances de la Chambre des représentants ne garantit pas son fonctionnement normal. En effet, la Chambre des conseillers, qui dispose de toutes ses structures, est presque au point mort en ce qui concerne les missions de contrôle et de législation. Seule la commission d’enquête parlementaire sur la situation de la Caisse marocaine des retraites est activée. Quelques rencontres sont aussi tenues sur certains dossiers. Cependant, la plupart des conseillers sont au chômage forcé. Certains parlementaires auraient souhaité que les ministres de la gestion des affaires courantes continuent d’assister au Parlement pour les séances des questions orales et pour l’examen, au sein des commissions, des projets de loi déposés.

À cet égard, l’Exécutif sortant a brandi les dispositions de la loi organique sur la conduite des travaux du gouvernement qui stipulent que le gouvernement de gestion des affaires courantes ne peut pas prendre de décision engageant durablement le futur gouvernement, notamment l’approbation des projets de loi et des décrets réglementaires. L’expédition des affaires courantes est limitée à «l’adoption des décrets, des arrêtés et des décisions administratives nécessaires et des mesures urgentes requises pour garantir la continuité des services de l’État et de ses institutions ainsi que le fonctionnement régulier des services publics». Pour le professeur de droit constitutionnel et ancien député du Rassemblement national des indépendants Mohamed Hanine, l’action du Parlement est fortement tributaire du gouvernement.

«Dans le système parlementaire rationalisé, il ne s’agit pas d’une séparation absolue des pouvoirs. Deux missions essentielles incombent au Parlement, celles de contrôle et de législation. Avec qui le Parlement va-t-il travailler, en l’absence de gouvernement?», indique-t-il. À cela s’ajoute la nécessité pour le chef de gouvernement désigné de former une majorité soudée afin de soutenir le gouvernement au sein de l’institution législative pour dépasser toutes les épreuves. Rappelons qu’en 2013, la crise gouvernementale et le retrait du parti de l’Istiqlal avaient fortement impacté non seulement l’action de l’exécutif mais aussi celle du gouvernement. Le premier test de la future majorité est celui du vote de confiance par la Chambre des représentants. Le chef de gouvernement est, en effet, appelé après la nomination de son équipe à présenter un programme au Parlement. En vertu de l’article 88 de la loi fondamentale, «ce programme fait l’objet d’un débat devant chacune des deux chambres. Il est suivi d’un vote à la Chambre des représentants. Le gouvernement est investi après avoir obtenu la confiance de la Chambre des représentants, exprimée par le vote de la majorité absolue des membres composant ladite chambre, en faveur du programme du gouvernement».


Constitution des instances de la Chambre des représentants

La formation des instances de la Chambre des représentants prend du temps. Aussi, après être parvenu à un consensus entre les composantes de la majorité autour du président de la chambre, l’accélération de la cadence est-elle nécessaire. Après l’élection du président de la chambre basse, il faudra former le bureau et désigner les présidents de neuf commissions parlementaires. Conformément aux dispositions de la constitution, la présidence de la Commission de la justice et de la législation revient à l’opposition. Le choix des présidents des commissions se fait en fonction des résultats électoraux des groupes parlementaires. Après la mise en place des nouvelles structures de la Chambre des représentants, les députés devront mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard pris à cause du blocage pour la formation du gouvernement. Une session extraordinaire s’impose.



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