Industrie ferroviaire : Un train 100% made in Morocco ?
L’ONCF affirme qu’une bonne partie de ses trains est fabriquée localement. Alstom Maroc et Bombardier confirment qu’un train 100% marocain, c’est possible ! Auparavant, il faudra muscler le GIFER et ses membres pour relever les défis du secteur.
Dans sa mission de promotion du made in Morocco, Maroc Export s’oriente de plus en plus vers des produits sophistiqués à haute valeur ajoutée bourrés de technologies. C’est de bonne guerre et c’est en tous cas dans cet esprit qu’il s’est associé à Alstom Maroc, au Groupement des industriels du ferroviaire (GIFER) et à l’Agence ABE pour organiser, pour la toute première fois au Maroc, la première édition du Rail Industry Summit. Une plateforme d’échanges et de rencontres sur laquelle comptent rebondir Alstom et Bombardier pour créer leurs écosystèmes respectifs de fournisseurs et de sous-traitants locaux. C’est également dans ce sillage que Zahra Mâafiri, la DG de Maroc Export, et son équipe se sont mises publiquement à rêver de voir un jour circuler sur le territoire national des trains 100% made in Morocco dont Maroc Export aidera fièrement à la commercialisation sur les marchés extérieurs.
Après tout pourquoi pas ? Mais ce rêve est-il réalisable ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, les réponses du principal donneur d’ordres et des deux locomotives du secteur sont affirmatives. L’ONCF semble déjà satisfait du niveau d’intervention des industriels locaux dans ses commandes. Même s’il souhaite un accroissement à court, et moyen termes du taux d’intégration sur sa commande de matériel roulant, «le cheminot» soutient que la quasi-totalité de son parc de wagons, qui contient environ 5.000 unités, est construite au Maroc. 300 voitures de son parc sont également rénovées dans le royaume. Par ailleurs, sa dernière commande de 300 voitures, dont 60 en cours, sera entièrement réalisée dans le pays. Cela, sans oublier sa commande de 18 locomotives en cours de fabrication localement par des industriels marocains, en partenariat avec un constructeur européen. Alstom Maroc et Bombardier pensent également qu’un train 100% marocain est un rêve qu’il est bien possible de réaliser.
La filiale de la multinationale française s’appuie notamment sur sa longue expérience avec l’ONCF et sa parfaite connaissance du tissu industriel local qu’elle continue encore aujourd’hui à appuyer, pour s’avancer sur cette question. Son réseau de fournisseurs locaux déjà existant, qui compte 22 fournisseurs qualifiés aux normes ferroviaires internationales, lui a notamment permis de générer en 2015 un chiffre d’affaires de 175 millions d’euros (environ 1,5 MMDH) d’achats exportés vers ses sites en Europe. Pour sa part, Bombardier est un peu plus nuancé. Son affirmation est en effet conditionnée par un maintien au moins de la même cadence de commandes enregistrées actuellement sur le marché marocain où il commence à peine à faire ses premiers pas. Traduisez, si le rythme du marché demeure pareil à moyen et long termes, c’est-à-dire dans les 10 ans à venir, alors ce sera possible de fabriquer des trains 100% made in Morocco.
Les membres du Groupement des industriels du ferroviaire (GIFER) sont par contre moins affirmatifs ! Même s’ils sont les premiers à souhaiter que cet instant arrive le plus rapidement possible, Hassan Rebouhate et ses collègues sont quand même réalistes. Leur corporation, créée en février dernier, est très, très jeune et la redistribution des cartes dans le secteur est très récente : la première dynamique a été enclenchée en 2011 avec la signature de la première convention avec l’État. Certes, la création d’écosystèmes ferroviaires productifs avec Alstom et Bombardier fait pousser des ailes et permet déjà à ses membres de nourrir des ambitions légitimes de croissance dont l’objectif ultime est le train 100% made in Morocco, mais en réalité les défis à relever sont légion pour faire du Maroc un hub ferroviaire africain et une véritable locomotive de l’industrie ferroviaire dans la région.
Le GIFER doit normaliser les processus de fabrication au niveau du secteur pour s’assurer la qualité requise et améliorer aussi le potentiel à l’export des produits de ses membres. Il doit également améliorer les compétences des travailleurs et la dextérité des opérateurs à travers la création de filières dédiées au niveau des écoles et des centres de formation professionnelle. Le GIFER se sent aussi dans l’obligation d’installer un laboratoire d’essais et d’homologation ferroviaire pour stimuler la capacité de ses membres à créer et à développer de nouveaux produits. Sans oublier le développement de synergies entre ses membres et l’encouragement des opérations de transfert de technologies entre les constructeurs internationaux et leurs homologues marocains.