Coalition gouvernementale : Contre vents et marées
Bilan Gouvernemental «9»
Coalition gouvernementale : Contre vents et marées
En dépit d’une cohésion parfois fragile, les membres de la coalition gouvernementale ont pu mener le mandat à bon port. Durant les cinq dernières années, cette cohésion a, d’ailleurs, été mise à rude épreuve par de nombreux écueils politiques, dont la plus importante a été le départ de l’Istiqlal et l’arrivée du RNI en 2013. À l’heure du bilan, la règle du «chacun pour soi» met à nu les ambitions diverses des différents alliés durant les cinq dernières années.
Comme c’est le cas dans certains milieux sportifs, c’est l’arrivée qui compte. Les principaux partis ayant participé à la gestion du pouvoir, durant ces cinq dernières années, peuvent pousser un «ouf» de soulagement. En veillant à ce que la coalition gouvernementale fasse preuve d’une certaine cohésion, en dépit des divergences parfois criantes, les alliés de la majorité ont épargné au Maroc les conséquences d’une crise politique dont les répercussions auraient pu nuire à l’image du pays et particulièrement à son économie. Il n’en a rien été et c’est tant mieux, surtout au regard des événements qui se sont produits dans certains pays de la région ces dernières années. Il s’en est pourtant fallu de peu, plus d’une fois, pour que la carte politique qui s’est dessinée au sortir des législatives du 25 novembre 2011 ainsi que la coalition gouvernementale qui en était issue prennent l’eau de toutes parts. C’est pourquoi, concernant le bilan de la mandature qui s’achève, il faudrait distinguer deux partitions. Il y a d’abord celle de 2012-2013 avec la première version de la coalition, puis celle qui a pris le relais jusqu’à la fin de la législature.
La coalition gouvernementale portée par le PJD a été fortement ébranlée, en 2013, par une crise politique née de la fronde menée par l’Istiqlal, qui était pourtant la deuxième force de la coalition. Après plusieurs rebondissements politiques et le départ de cet allié, important mais devenu encombrant en cours du route, Benkirane a dû revoir son alliance en s’adjugeant les services du RNI, parti qui faisait jusque-là office de chef de file de l’opposition au Parlement. C’est ce qui a permis de sauver les meubles et de fermer cette parenthèse qui a fait vaciller la coalition gouvernementale, même si le PJD a pu maintenir ses relations avec deux alliés fidèles, le MP et le PPS, qui ont été les seuls à l’accompagner jusqu’au bout du mandat. À l’heure des comptes, donc, force est de reconnaître que tous les partis ayant participé à la gestion du pouvoir ces cinq dernières années ne sont pas logés à la même enseigne. Cependant, chacun a une part de responsabilité dans le bilan du mandat.
Mission accomplie
«C’est déjà ça de gagné», et s’il y a un mérite politique à l’actif des partis qui ont participé aux deux coalitions gouvernementales comptables du bilan du mandat, c’est bien évidemment celui d’avoir su maintenir la cohésion gouvernementale durant les cinq dernières années. Les risques de rupture ont été légion et, parfois, les alliés ont donné l’impression qu’ils constituaient tout sauf une alliance. Cependant, dans les deux cas, l’alliance a pu tenir, exception faite de l’Istiqlal. À quelques semaines de la prochaine échéance, il va sans dire que chaque parti va devoir faire cavalier seul et les attaques internes ont commencé à fuser de part et d’autre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les 5 partis qui ont participé à la gestion des affaires durant ce mandat ne se sentent pas responsables, au même degré, de l’actif comme du passif du bilan. C’est la raison pour laquelle la majorité a été incapable de présenter un bilan commun au vu des divergences entre ses membres. Comme quoi, il ne faut pas s’attendre à ce que cette coalition reprenne du service dans sa forme actuelle au lendemain des législatives du 7 octobre. On ne change pourtant pas une équipe qui gagne, dit-on, et visiblement cette fois c’est le gain qui semble dominer le débat au sein de la coalition.
PJD : chef de file
Arrivé en tête des législatives du 25 novembre 2011, c’est au parti de Abdelilah Benkirane qu’a échu la responsabilité de désigner le chef de gouvernement et, partant, de constituer la majorité gouvernementale. Au prix de quelques concessions, elle a vu le jour après quelques semaines de tractations avec trois alliés (Istiqlal, MP et PPS). C’est elle qui a constitué le socle du cabinet Benkirane I et a, par la même occasion, donné au gouvernement une confortable majorité parlementaire. Après une année et quelques mois d’exercice, la coalition a volé en éclats, en 2013, à la suite de la fronde menée par Hamid Chabat, arrivé quelques mois plus tôt à la tête du parti de Allal Fassi. Il a alors fallu, au PJD, s’adjuger les services d’un nouvel allié, le RNI en l’occurrence, avec lequel le parti de la lampe a dû finir le mandat. Benkirane a donc sauvé sa coalition mais a dû faire plusieurs concessions, certaines ayant eu des répercussions au sein même de son parti. Il est vrai que composer avec des alliés aux ambitions diverses n’est pas chose aisée, mais le PJD a dû avaler plusieurs couleuvres. Aujourd’hui, à l’heure du bilan, le PJD risque de se retrouver seul à assumer le bilan dans son intégralité, surtout pour «ce qui n’a pas marché».
L’Istiqlal : l’allié devenu encombrant
L’Istiqlal a été le premier allié stratégique avec lequel le PJD a dû composer jusqu’en 2013 avant qu’il ne devienne trop encombrant. Cette année-là, la fronde menée de main de maître par son nouveau chef, Hamid Chabat, restera dans le bilan politique du mandat 2011-2015 comme la crise politique la plus importante qui a failli déboucher sur des élections anticipées. Le scénario n’a pas été écarté par plusieurs formations -dont le PJD- et il a fallu l’arbitrage royal pour que la crise soit contenue et les meubles sauvés. La crise a pourtant laissé des traces puisqu’elle est venue de l’intérieur de la coalition, ce qui a mis la majorité en mauvaise posture. En tout cas, en matière de bilan, l’Istiqlal ne donne guère l’impression de tirer profit du bilan du mandat, même si certains de ses ministres ont occupé des postes stratégiques comme l’Économie et les finances.
RNI : l’opposant qui a «sauvé» Benkirane
À la veille des législatives du 25 novembre 2011, le RNI a pris la tête d’un groupe de partis politique, le G8, qui s’est érigé en principal adversaire du PJD. Il est donc logique qu’au sortir d’un scrutin au cours duquel les ambitions du parti se sont effondrées, le RNI prenne la tête de l’opposition parlementaire, surtout qu’il en est le premier parti en termes de sièges. Le parti de la colombe est pourtant venu «sauver» la coalition menée par le PJD en 2013 avec le départ de l’Istiqlal. Au passage, il a récupéré d’importants maroquins ministériels avec une prédilection pour les postes économiques. L’alliance a de toute évidence des airs de rapprochement «contre-nature», et les deux principaux partis de la coalition dans sa deuxième version ont dû composer avec. S’ils ont pu afficher, durant tout ce temps, une sorte de «cohésion de façade», le RNI n’a jamais caché ses velléités de quitter le navire à la moindre occasion. À plusieurs reprises, les deux partis se sont échangé des mots tout sauf aimables lorsque se faisaient entendre des dissonances entre les différents ministres ou certains militants du parti. C’est donc tout naturellement qu’à l’heure du bilan, le RNI a décidé de faire cavalier seul en mettant en exergue sa contribution aux réalisations socio-économiques du gouvernement. Pour ces deux dernières années seulement, et non pour tout le mandat.
MP et PPS : alliés fidèles
Le PPS et le MP ont été les fidèles alliés du PJD tout au long du mandat. Jusqu’au bout donc, et pour le meilleur et le pire si l’ont tient compte de l’alliance préélectorale qu’entendent nouer le parti du livre et celui de la lampe. C’est d’ailleurs l’un des aspects qui mériteraient d’être soulignés au fil de ces cinq années de compagnonnage entre le PPS et le PJD. Au départ, pourtant, le parti du livre a été sévèrement critiqué pour s’être acoquiné avec les frères du PJD. C’est pourtant le couple qui a le plus fonctionné, au point que c’est Nabil Benabdellah qui a joué à plusieurs reprises le rôle de médiateur lorsque des crises ont émergé entre les alliés. Le MP a aussi veillé à remplir sa mission, même lorsqu’il a perdu le ministère de l’Intérieur ou encore lorsqu’il a dû se séparer d’un des membres de son bureau politique, alors ministre, impliqué dans un scandale sportif. Au terme du mandat, Benkirane n’a pas manqué d’honorer le rôle joué par le PPS et ses ministres, même si le parti a aussi tenu à publier le bilan de ses ministres.