Couverture sociale des indépendants : Le Parlement appelé à accélérer la cadence
Plusieurs défis sont à relever pour la mise en œuvre de la couverture sociale au profit des travailleurs indépendants et des non-salariés exerçant une profession libérale. Il s’agit en premier lieu d’accélérer la cadence pour l’adoption des deux projets de loi qui sont actuellement au point mort au sein de la Chambre des conseillers.
Le cadre législatif pour la mise en œuvre de la couverture sociale au profit des travailleurs indépendants et des non-salariés exerçant une profession libérale ne franchira pas visiblement le cap du Parlement au cours de cette législature qui tire à sa fin. Adoptés par le gouvernement en janvier dernier, les deux projets de loi ayant trait à la couverture médicale et à la retraite de cette catégorie de professionnels sont toujours au point mort. Plus de six mois après leur transfert à la Chambre des conseillers, la discussion de leurs dispositions n’a pas encore été entamée au sein de l’institution législative.
Le projet ayant trait à la couverture sanitaire n’est programmé que ce mercredi au sein de la Commission de l’enseignement et des affaires culturelles et sociales alors que celui portant sur la retraite n’est pas encore à l’ordre du jour de la Commission des finances de la Chambre haute. L’heure est à l’accélération de la cadence aussi bien sur le volet législatif que sur celui de la préparation de la mise en œuvre de ce grand chantier, selon plusieurs intervenants à une journée d’étude organisée hier par les groupes parlementaires des deux chambres. Les textes qui sont entre les mains des conseillers définissent le cadre général de la protection sociale des travailleurs indépendants et des non-salariés exerçant une profession libérale. Le gouvernement s’attèle en parallèle à l’élaboration des textes d’application prévus par les deux projets de loi dans le cadre d’une commission interministérielle. Ces textes organiques sont dans leur phase finale, comme le souligne le ministre de l’Emploi et des affaires sociales, Abdeslam Seddiki. Par la suite, deux décrets devront être adoptés pour la mise en application des nouvelles dispositions juridiques et pour la fixation des taux de cotisations de chaque catégorie. Les cotisations seront définies par rapport au SMIG en fonction des revenus de chaque profession.
Cette mission ne sera pas facile. Les défis sont de taille. En effet, la mise en œuvre de la couverture sanitaire et sociale universelle ne se fera pas du jour au lendemain. Elle sera progressive en raison de la palette de catégories des professions libérales et des travailleurs indépendants. Plusieurs difficultés sont à dépasser en concertation avec les professionnels. Le gouvernement compte ouvrir des concertations avec chaque catégorie de professionnels afin d’entamer la mise en œuvre de la couverture sociale à leur profit. Les catégories organisées seront les premières à bénéficier de la couverture sociale. Des études de faisabilité seront élaborées pour chaque catégorie.
À l’heure actuelle, la vision est claire pour les professionnels du transport (leur nombre, leurs revenus, leurs capacités de cotisation…). Selon les estimations, la généralisation de la couverture sociale ne se fera pas avant 2030. Les travailleurs dans le milieu rural seront manifestement les derniers bénéficiaires. La concrétisation des objectifs escomptés nécessitera des efforts de longue haleine. À cet égard, le ministre de l’Emploi souligne la nécessité de se doter d’un courage politique faisant valoir l’utilité de faire basculer une partie des bénéficiaires du RAMED vers la couverture sociale pour les travailleurs.
Les objectifs des textes
Le projet de loi relatif à l’Assurance maladie obligatoire (AMO) pour les travailleurs indépendants et les non-salariés exerçant une profession libérale vise à faire bénéficier de ce service cette catégorie qui représente, en comptant les ayants droit, une population de plus de 11 millions de personnes, soit 30% de la population marocaine, selon les données officielles du gouvernement. Ce projet qui sera réglementé par un texte organique permettra d’assurer une couverture médicale à tous les citoyens. Par ailleurs, le deuxième projet vise l’élaboration d’un régime de retraite au profit de ces travailleurs. Ce texte tend à étendre la base des bénéficiaires de la retraite pour englober l’ensemble des catégories des personnes actives.
Actuellement, seuls les salariés des secteurs public et privé bénéficient de cette couverture. Ce système sera géré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) afin d’éviter la création d’une nouvelle institution dédiée. Les deux textes sont complémentaires, mais il est à noter que si la couverture médicale est obligatoire, l’adhésion pour le système de retraite demeure optionnelle.
Driss El Azami El Idrissi,
Ministre du Budget
Plusieurs défis sont à relever. Le premier est relatif à la mise en œuvre de la couverture sociale universelle. On a commencé par les catégories les plus faciles (salariés et fonctionnaires) alors qu’actuellement, on est face à une palette de catégories. Le deuxième défi a trait à la qualité en termes de facilité d’accès aux services, de ressources humaines et d’équipements suffisants…Le défi financier est également posé. Il s’agit pour l’État de garantir la qualité et la durabilité du système».
El Houssaine Louardi,
Ministre de la Santé
Le secteur de la santé connaît plusieurs dysfonctionnements que le gouvernement ne peut pas traiter lors d’un seul mandat. Des réalisations ont été déjà faites. Et dans ce cadre figurent les projets de loi relatifs à la couverture sociale au profit des travailleurs indépendants et des non-salariés exerçant des professions libérales. L’objectif est d’atteindre à l’horizon 2020 un taux de 90% en termes de couverture sanitaire. Malgré les difficultés et les dysfonctionnements qui peuvent être constatés, il faut se doter de courage politique pour pouvoir aller de l’avant».
Hakim Benchemmach,
Président de la Chambre des conseillers
Il est nécessaire de réviser l’approche de la protection sociale dans notre pays. Plusieurs insuffisances sont relevées dont la faiblesse de la couverture sociale aussi bien au sein de la population générale qu’au niveau des travailleurs, la faiblesse du budget dédié au secteur de la santé, qui ne dépasse pas 5% du budget général de l’État, l’insuffisance des lits par rapport aux habitants (1 lit/1.000 habitants), le nombre limité de médecins et d’infirmiers et les dysfonctionnements des systèmes de retraite…»