Télécoms : Comment Orange prépare son entrée en scène
Ce deuxième semestre 2016 sera crucial pour Méditel. La session du Conseil d’administration tenu lundi dernier à Paris – une première – a permis de valider le plan d’action de la firme française en vue du rebranding prévu officiellement avant la fin de l’année. À l’issue de la réunion, le top management d’Orange a bien voulu livrer son appréciation du marché marocain et des enjeux de ce nouveau repositionnement. Décryptage.
Qu’apportera la marque Orange ?
Prévu depuis l’entrée d’Orange dans le tour de table de Méditel en 2010, le rebranding devra attendre jusqu’à fin 2016 pour voir le jour. «Le rebranding existe dans nos accords de départ avec Méditel. Nous avons attendu d’abord de bien connaître la société de l’intérieur ainsi que nos partenaires avant de lancer ce chantier», précise Stéphane Richard, PDG d’Orange. Selon lui, il n’y a jamais eu de blocage concernant ce sujet dans l’actionnariat, ni de problèmes liés au choix du code couleur orange de la marque qui est également choisi par l’opérateur historique Maroc Telecom. La marque Orange entend bien bousculer les habitudes du marché marocain. 9e marque télécoms mondiale et 4e marque française toutes catégories confondues selon les différents classements faisant foi en la matière, la marque Orange est aujourd’hui valorisée à 18,5 milliards d’euros. Le passage de Méditel à Orange devrait permettre de faire appliquer certains standards mondiaux respectés et appliqués par les filiales de la firme française. «Cela nécessitera des adaptations car il faudra que le client reçoive le même service selon les standards de la marque. Il faut donc qu’Orange Maroc soit prête à proposer ces offres», explique Yves Gauthier, nouveau DG de Méditel. Cela s’accompagnera par une large opération de refonte des boutiques et l’entrée en scène des Smart Stores. Orange Maroc devra également proposer de nouvelles offres et de nouveaux services aux usagers. «Un budget important sur lequel nous nous sommes mis d’accord avec nos partenaires sera alloué pour couvrir ces investissements», précise Stéphane Richard. Rien que l’opération de relooking des boutiques devrait supposer un coût important. «Nous parlons aujourd’hui de 260 magasins franchisés et nous devrions atteindre 60 à 80 magasins gérés en propre d’ici début 2017», souligne Taieb Belkahia, DG par intérim de Méditel.
Le fixe, nouveau relais de croissance
Selon Stéphane Richard, le marché marocain est aujourd’hui un marché relativement difficile pour les opérateurs. «Il est fortement concurrentiel. C’est un marché relativement mature. La pénétration dans le mobile et en smartphone est élevée par rapport aux pays de la région. Il y a une concurrence très forte entre les 3 opérateurs», précise le PDG d’Orange, qui poursuit : «Nous avons une forte position sur le mobile et nous comptons la développer. Maintenant, je considère que le fixe est une nécessité pour nous. Nous devons être plus forts sur le fixe mais cela pose le problème du partage d’infrastructures par l’opérateur historique». Les responsables d’Orange et de Méditel présents à l’issue de la session du Conseil d’administration estiment d’ailleurs qu’une activation du pouvoir de sanction du régulateur doit intervenir. «Nous sommes nous-mêmes opérateur historique en France et nous savons ce que c’est», note à ce titre Stéphane Richard. Le dispositif de dégroupage existe bel et bien mais il est au regard de la direction d’Orange virtuel et désuet pour le moment. «En attendant, l’opérateur historique continue de réaliser des croissances à deux chiffres et nous constatons des parts de marché ridicules pour les opérateurs alternatifs», regrette Belkahia.
Concurrence : L’ANRT incontournable
Sur la question des compétences en matière de concurrence accordées à l’ANRT, les responsables de Méditel estiment qu’il s’agit d’une bonne nouvelle pour le secteur. Selon les hauts responsables de l’entreprise marocaine, le dernier décret rendu public en juin sur la question de la concurrence en matière de télécoms, n’a pas pour vocation de répondre à la problématique de l’interdiction de la VoIP mais constitue plutôt une confirmation des dispositions de la loi sur les télécommunications qui avait accordé des prérogatives en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles au régulateur. «Maintenant, la question qu’il faut se poser, c’est de savoir dans quelle mesure l’ANRT va pouvoir mettre en œuvre ses nouvelles compétences», s’interroge Belkahia. À en croire les témoignages des hauts responsables de Méditel et d’Orange, l’ANRT a assuré une bonne régulation du marché depuis l’ouverture du secteur. «Nous disposons aujourd’hui des standards qui ne s’éloignent pas de ce qui prévaut en Europe et dans plusieurs pays développés, mais il faut avoir le courage d’aller plus loin dans l’application de certaines sanctions», poursuit le dg par intérim de Méditel.
VoIP et illimité, retour sur les polémiques
Alors que l’interdiction de la VoIP continue de susciter la polémique auprès des usagers marocains, voilà que l’affaire de l’interdiction des offres mobiles illimitées vient mettre de l’huile sur le feu. Selon les responsables de Méditel, l’opérateur ne peut que se conformer aux décisions du régulateur. «Maintenant, ces décisions n’ont pas été motivées par des raisons économiques et ce n’est pas une initiative du régulateur pour améliorer la situation économique des fournisseurs», précise Belkahia. Concernant les offres illimitées, la décision rendue au mois de mai dernier a imposé de nouvelles lignes directrices pour les offres mobiles. «Dans ce sens, les opérateurs sont amenés à faire quelques réajustements et c’est notamment le cas pour l’illimité», poursuit la même source. Concrètement, les offres sans engagements pourront être modifiées unilatéralement par les opérateurs. Selon Méditel, ces offres sont remplacées par d’autres propositions intéressantes. «Avec 75 heures en on-net et 35 heures en off-net, c’est une alternative intéressante que nous proposons. Avec des offres d’abondance de ce type, je pense qu’on arrive à satisfaire les attentes des usagers», affirme Taieb Belkahia, également secrétaire général de Méditel. «Cela permet aussi de contrecarrer les pratiques de détournement de trafic. Cela ne vise pas tant que ça les clients résidentiels, l’objectif est plutôt de couper l’herbe sous les pieds des clients qui utilisent des SimBox en toute illégalité», précise pour sa part Yves Gauthier.
Actionnariat, Bourse…
Du changement ?
Avec le déploiement d’Orange Maroc, le groupe français renforcera la présence de sa marque en Afrique du Nord. Entre le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie, ce sont pas moins de 70 millions de clients qui seront sur le réseau Orange. L’idée d’un renforcement de l’actionnariat semble en tout cas de plus en plus attrayante. «Nous restons ouvert à un éventuel renforcement de capital, ça dépend des accords que l’on pourra trouver avec nos partenaires. Ceci dit, Nous voulons rester avec des partenaires marocains», explique Richard. Une introduction en Bourse n’est d’ailleurs pas totalement exclue mais cela ne ferait pas partie des projets à court terme aujourd’hui. Ce serait d’ailleurs au niveau d’Orange Middle East and Africa (OMEA) qu’une cotation en Bourse serait envisageable, plutôt qu’au niveau d’Orange Maroc, qui n’est qu’une filiale d’OMEA.
Stéphane Richard
PDG d’Orange
L’objet principal du Conseil d’administration tenu ce lundi a été d’examiner les comptes et la situation économique de l’entreprise à la mi-année. Nous avons également procédé à la nomination d’Yves Gauthier à la tête de Méditel avec une prise de fonction à partir du 1er septembre. Nous avons aussi évoqué le sujet du rebranding et de l’arrivée de la marque Orange au Maroc. Nous avons fait le point sur la préparation de cet évènement. Nous nous préparons donc afin d’être prêt en fin d’année 2016. L’introduction de notre marque dans un pays est toujours un moment important. D’ailleurs, cette année 2016 est une année particulière car nous allons opérer 3 opérations de rebranding. Il faut savoir qu’il ne s’agira pas d’une opération de communication où l’on décroche un panneau Méditel et où l’on met à la place un panneau Orange. Cela doit vraiment constituer une opération de repositionnement stratégique de l’entreprise et de ses offres. Il est important que l’utilisateur, le consommateur ou le client mesure l’intégration d’un vrai changement à l’occasion de l’arrivée de cette marque. Tout un travail de fond est donc mené concernant la refonte d’un certain nombre d’offres, la mise en place de nouveaux services et l’accès à des innovations du groupe Orange. Ce rebranding sera également accompagné d’une refonte des boutiques, du site Web ou encore du service client. L’idée étant que le consommateur marocain puisse constater un véritable changement et pas seulement une nouvelle marque.
Yves Gauthier : carte de visite
Sans surprise, la décision de nommer Yves Gauthier à la tête de Méditel durant cette période transitoire a été validée par l’organe de gouvernance. Le nouveau directeur général prendra ses fonctions en septembre prochain. L’intérim est pour l’instant assuré par le secrétaire général de Méditel, Taieb Belkahia. Entre Paris et Casablanca, les services d’Orange et de Méditel travaillent d’arrache-pied sur l’opération de rebranding prévue pour la fin de l’année. À ce titre, la nomination d’Yves Gauthier s’est imposée étant donné son expertise étendue en la matière. Après avoir assuré la direction d’Orange Roumanie et d’Orange Pays-Bas, Yves Gauthier a accompagné la restructuration de l’opérateur Tunisiana puis s’est vu chargé du rebranding de l’opérateur égyptien Mobinil devenu Orange Égypte depuis mars dernier. «Yves Gauthier a pu mener à bien cette transition à un moment où l’Égypte vivait des temps très durs. Sa connaissance du marché de l’Afrique du Nord est un atout majeur», témoigne Michel Monzani, directeur des opérations au Moyen-Orient et en Afrique du Nord d’Orange.